~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
c'était un horrible cauchemar. j'avais des amis, plus de garçons que de filles, parce que j'étais dans une école privée et que le niveau de garces était vraiment très élevé, même un peu trop pour moi. j'étais plutôt nulle en cours, parce que je séchais assez souvent. j'allais fumer avec la petite clique que je m'étais formée. on se cachait à l'extérieur, de façon à pouvoir voir venir les surveillants qui partaient bien évidemment à la recherche des fugitifs, mais miraculeusement, je ne me suis jamais faite pincer durant cette époque. mes parents et moi par contre, c'était la guerre. ils n'aimaient pas mon attitude, ils voulaient que je me concentre sur des choses plus sérieuses, ils se demandaient pourquoi je ne fréquentais pas des filles, parce que ça me donnerait certainement une réputation et blablabla. la seule réputation qui m'a été transmise par le fait d'avoir que des amis dans la gente masculine était que je devais forcément coucher avec ces gars-là. pourtant, les gens avaient tout faux. aujourd'hui quand je repense à l'école, je me dis que je suis super heureuse d'être partie, d'avoir terminé cette période terrible de ma vie. je serais certainement devenue folle si ça se continuait aujourd'hui encore.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
je ne sais même pas si je suis heureuse présentement. mes amis, pas ceux de l'école puisque j'ai perdu contact en vitesse avec eux en sortant de l'école, mais les gars que j'ai rencontré au bar que je travaillais à toronto avec lesquels je me suis liée d'amitié pour notre petite business sont tous en prison, d'ailleurs c'est un miracle que je n'aie pas été coincée. je vis dans une petite ville en alberta, je ne parle plus à mes parents parce que c'est mieux ainsi, et en plus, mes réserves d'argent commencent à se faire petites. j'ai un job comme barmaid, oui, c'est certain, mais ce n'est pas suffisant pour le rythme de vie dans lequel je me suis embarquée. alors quand on y réfléchit bien, non, je ne suis pas nécessairement heureuse.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
si je réussis à faire quelque chose de ma vie, pour le travail c'est plutôt la panne sèche. du moins dans tout ce qui est légal. sinon, j'y ai goûté et je pourrais bien m'en accommoder. c'est certain que peut-être un jour je me verrais peut-être me caser, mais pour les enfants, je ne me vois pas trop en avoir. peut-être que ça changera lorsque j'aurai rencontré monsieur idéal, mais pour le moment, je ne me vois pas du tout élever des bambins dans une maison de campagne avec un golden retriever en regardant des séries pour enfants. je pourrais par contre survivre à rester dans cette ville toute ma vie, tant que je puisse changer d'air de temps à autres. sinon je ne pense pas que ça puisse faire partie de mes plans d'avenir.

Je suis née à Toronto, en Ontario. Mes parents ne sont toujours pas divorcés aujourd'hui, du moins je pense, et mon frère étudie le droit international en Angleterre. Papa et maman ont payé pour les frais encourus, parce que voilà, mes parents sont bourrés de fric au point où c'en est dégueulasse. Seulement, c'est aussi vachement pratique parce que voilà, ma mère est la personne la plus désorganisée sur cette fichue planète. Elle laisse tomber son porte-feuilles partout dans la maison. Quand j'en ai eu ma claque, j'ai attrapé...non en fait j'ai vidé le contenu dans la poche arrière de mon jeans. J'avais un sac à dos avec la totalité des effets personnels que je trouvais importants et deux mille dollars. C'était pas la première fois que je pillais le contenu du sac à main de ma mère.

Seulement l'histoire de ma vie ne commence pas avec un porte-feuilles volé et une porte qui claque pour que je me tire avec une bande de mecs qui n'ont probablement jamais rien fait d'autre de leur vie que de trafiquer de la drogue. Non, j'ai été une petite fille moi aussi. Un peu différente parce que je n'aimais pas rester avec les autres petites filles, que je préférais aller jouer au ballon avec les garçons parce que les barbies m'ennuyaient et que je préférais vivre dans la vraie vie que de faire vivre un jouet dans un monde merveilleux qui n'existait pas. Mes parents s'arrachaient la tête, mais de cette façon je ne me disputais pas avec mon frère, au moins, puisque l'on avait les mêmes centres d'intérêts. Puis j'étais encore petite, j'avais quoi, cinq ou six ans à l'époque? J'avais le temps de me féminiser un peu, parce que ma mère s'inquiétait royalement pour mon avenir qu'elle voyait déjà tout tracé comme le sien. La pauvre, elle doit faire une dépression aujourd'hui. Pourtant, j'ai fait une croix sur l'attitude de garçon.

Ma mère travaille comme designer chez Swarovski. Vous savez, les bijoux? Bah apparemment, elle avait en tête que je devienne comme elle une grande employée de cette grande compagnie. J'ai jamais été intéressée par le design, personnellement. Puis c'était pas son choix à elle mais plutôt le mien de décider si j'avais vraiment envie de faire ça. Alors, pour réfléchir à ce que je voulais faire de mon avenir, je me suis trouvé un job comme barmaid dans un bar qui était plutôt pas mal pour l'avoir déjà fréquenté. J'ai travaillé plusieurs mois avant de me faire approcher par ces quatre gars qui faisaient des allusions à un job beaucoup plus payant que le bar, et c'est à la fermeture que l'on est allés en discuter dans un café ouvert la nuit, histoire de mettre les choses au clair.

Ils m'ont fait une offre que je ne pouvais pas refuser. Des histoires de drogue, du blanchissage, bref rien de très légal mais des choses pas mal payantes. J'avais vingt-et-un ans à l'époque, on était en décembre mais le froid n'était pas si terrible que ça. On a travaillé ensemble à Toronto pendant presque trois mois avant de s'éclipser vers Edmonton, parce que l'on n'avait plus le choix. C'était ça ou se faire pincer. Alors on a dégagé, puis on a continué à empocher beaucoup trop d'argent pour que ça dure. On a presque fait un an de fraude et de trafic de drogues lorsqu'ils ont commencé à coincer les gars un par un. Ils devaient avoir une tactique à laquelle on n'avait pas pensé, alors ce que j'ai fait, j'ai séparé l'argent entre ceux d'entre nous qu'il restait et je suis partie avec ma part, et c'est avec des trains et des bus que je suis arrivée à White Oak Station.

Quand je suis arrivée ici, j'avais mon sac à dos et beaucoup d'argent. Vraiment beaucoup d'argent. Je me suis trouvé en vitesse un appartement que j'ai payé cash pour les trois premiers mois, puis je suis partie à la recherche d'un job. Je suis retournée à mes vieilles occupations et maintenant, presque quatre mois se sont écoulés depuis que je suis ici, et je commence à me dire que peut-être je suis coincée ici pour toujours.