Sa main était venue sur ma joue, essuyant mes larmes. Il avait les mains douces et toujours aussi chaudes. Je fermais les yeux un instant, sous sa caresse non voulue. « C’était un cauchemar, on est que tous les deux… Tout ce que toutes ses impressions viennent de ton imagination, c’est normal. » Sa voix était calme, douce et posée. Il parlait distinctement, lentement et presque dans un murmure qui m'envoyait son souffle chaud contre ma peau. J'écoutais sa voix, essayant de calmer ma respiration et mon angoisse. Le fait d'être sortie de ce cauchemar, et assise en face de lui, avec un contact physique, me faisait déjà un peu de bien. Je reprenais peu à peu pied dans la réalité, quittant cette fiction monstrueuse. Ses yeux suivirent le chemin de ma main sur la peau de son bras musclé et nu, avant qu'il ne remonte ses pupilles bleues claires à mes yeux embrumés par les récentes larmes. Ce que j'avais dit lui avait fait remonter le regard, comme s'il n'était pas sûr d'avoir entendu ce que j'avais pu dire. J'entendais les bruits de la rue, la ville commençait faiblement à se réveiller elle aussi. J'ignorai l'heure qu'il était, je savais que bientôt, Shay devrait aller travailler et que je devrais rester seule. Julian pourrait peut être venir, il faudrait de toute façon, que je lui parle de ce qui était arrivé cette nuit. Je n'avais pas envie que la nuit s'arrête, car elle signifiait le départ de Shay. Mais je n'avais pas envie qu'elle continue non plus, à cause de mes terreurs nocturnes. En fait, je voulais juste que le temps s'arrête maintenant. Ne ressentir rien d'autre que le corps, la force de Shay. N'entendre rien d'autre que sa voix. C'était la seule chose qui me faisait du bien. Et plus j'y pensais, plus je me disais que Julian n'avait peut être pas besoin de savoir... Il s'en voudrait trop de ne pas avoir été là, ce soir précisemment, même si c'était sans nul doute la raison pour laquelle Skyler était venu. Il était déjà bien trop impliqué, il passait énormément de temps avec moi, je n'avais pas envie de le faire souffrir davantage. Peut-être qu'omettre ce qu'il s'était passé ce soir, lui serait plus positif, que négatif. « On va l’arrêter, il ne pourra plus te faire du mal, ni à toi, ni à aucune autre femme… Je ne peux pas te dire où et quand parce que je l’ignore, mais ce dont je suis sûr c’est qu’il ne pourra pas te toucher, je ne le laisserais pas faire. » La voix de Shay me fit reprendre le fil de ce moment, réalisant que le temps ne s'arrêtait pas, non, il continuait avec ou sans moi. Shay essayait de me rassurer en me disant qu'il ne laisserait pas Skyler me toucher. J'aurai tellement aimé le croire, mais jusqu'à présent, Skyler s'était montré bien plus malin. Chose qui me faisait encore plus le détester. On se regardait, nos visages à seulement quelques centimètres l'un de l'autre. Ma main toujours contre sa peau chaude, nos corps toujours aussi rapprochés et en fait, je ne m'en rendais même pas compte. J'avais envie de lui répondre qu'il ne pouvait pas être là tout le temps, qu'il ne pouvait pas prévoir l'avenir, que j'avais peur qu'il lui arrive quelque chose dans cette histoire, qu'il prenne pour moi. Mais aucun mot ne réussit à sortir de ma gorge, elle était bien trop nouée pour ça. Je ne m'inquiétais pas seulement pour ma vie, mais aussi pour la sienne. C'était encore plus fatiguant. Il essuya une dernière larme, d'un geste doux et lent de la main. Je crois que nos visages se rapprochèrent un peu plus à ce moment là, tandis que nos yeux ne se quittaient, pas plus que nos deux corps. Je sentais sa main glisser le long de mon dos, me provoquant un frisson. J'avais envie de déplacer ma main le long de son bras, pour y sentir de la chaleur, pour y sentir ses muscles tendus, pour simplement caresser sa peau douce. Mais je n'en fis rien. Je commençais à réaliser dans quelle position on se trouvait, je commençais à me rendre compte que je le caressais depuis tout à l'heure sans m'en rendre compte et que nous nous fixions ouvertement, nos visages beaucoup trop proches l'un de l'autre. « Tu veux que j’aille te chercher un verre d’eau ? Ça te ferait du bien. » Dit-il en prenant un peu de recul, comme s'il avait réalisé ce qu'il se passait, au même moment que moi. Je n'avais pas soif et j'avais aucune envie de me retrouver seule ici, même pour moins d'une minute. Je ne voulais pas qu'il me laisse. Je ne voulais pas ne pas le voir, ne pas le sentir près de moi après tout ça. Néanmoins, pour instaurer une distance convenable entre nous, je lui répondis : « Oui, s'il te plait... » Il me laissa donc seule dans ma chambre. J'étais terrorisée. Je regardais autour de moi, son arme était posée là, nue, sur ma table de chevet. Mon Dieu. Je ne voulais pas trop voir ça si près de moi, de ma tête. L'heure indiquée était à peine 5 heures du matin. Il allait bientôt devoir me laisser et je n'en avais aucune envie. Je passais mes mains sur mon visage, essuyant mes yeux, recoiffant mes cheveux ébourrifés quand il remonta l'escalier, un verre d'eau à la main. Il me le tendit alors qu'il reprenait place sur le lit. Je le bu de moitié à croire qu'en fait si, j'avais soif. Je le posais par terre, ne voulant pas m'approcher de son arme. J'avais envie de lui demander de rester près de moi, pour les dernières heures, mais je savais qu'il me dirait non. Il était un policier engagé sur une enquête. Il ne pouvait pas franchir n'importe quelle ligne, avec n'importe qui. Et s'il se conduisait comme ça avec toutes les autres victimes? Pourquoi forcément, crois-tu que quelque chose de spécial se passe forcément entre vous? Pensais-je alors. Et c'était probable. Il faisait simplement son travail. J'avais envie de dormir, car je ne tenais plus, mais j'avais tellement peur de refaire un cauchemar. A côté de ça, l'idée qu'il parte et me laisse seule dans l'appartement, me faisait peur. Je ne pouvais pas demander à Julian de rapliquer, sans lui expliquer ce qu'il s'était passé ce soir. Je ne pouvais en parler à personne car personne n'était au courant. Je sentais l'angoisse en moi. Il fallait que je trouve une solution, un moyen, quelque chose. N'importe quoi.

Il s'était rassis sur le lit, après m'avoir donné le verre d'eau. « Tu devrais essayer de redormir un peu, le jour va se lever, peut-être que sera mieux pour que tu dormes. » Quand il m'avait dit ça, sa main s'était posée sur ma cuisse, dévêtue. J'pouvais à nouveau sentir sa chaleur émaner de son corps pour caresser le miens. Mais rapidement, il retira sa main en s'excusant. Je crois que je commençais à comprendre. Il avait besoin de remettre de la distance. Il était professionnel avant tout. Le flic, avant l'homme. Je n'étais qu'une victime à ses yeux. Une pauvre victime. Je baissais la tête, remontant la couverture sur moi, comme si j'avais honte. Après tout, je me sentais honteuse. Nous avions failli franchir une ligne, qu'il ne voulait pas franchir. Et je n'étais pas ce genre de fille à commettre ces erreurs là. On ne m'y reprendrait plus. J'avais compris. « Rassures toi, je ne partirais pas d’ici sans te le dire, tu peux essayer de dormir un peu, je te réveillerais avant d’aller travailler et si tu veux… Je peux envoyer un message à ton cousin pour qu’il vienne quand je m’en vais pour pas que tu ne restes seule ? » J'avais l'impression que sa voix était froide, qu'il était distant. Son comportement était tellement différent du moment avant qu'il ne descende. Il avait du se remettre les idées en place. Après tout, il n'avait peut être pas tord. Il devait sûrement me trouver minable, enfantine. Avoir des crises d'angoisse comme celle de tout à l'heure, des crises de larmes, un besoin de lui presque constant. Ma main passa sur mon front, je n'avais rien à lui répondre. Voilà, comme d'habitude, quand je perdais confiance en moi -sachant que le niveau n'était pas très haut- je me fermais comme une huitre. J'avais fait assez de connerie ce soir. Il fallait que je me ressasisse, même si c'était dur. Il fallait que je combatte mes peurs et que je me rendorme. Il fallait que je sois plus forte que le reste. Je pensais à ce qu'il disait. Non, Julian ne viendra pas, ou du moins, comme d'habitude, chaque soir après le travail, pour vérifier que tout allait bien. Je ne voulais pas qu'il le prévienne. Je ne voulais pas le mettre au courant et l'inquiéter davantage, il l'était bien assez comme ça. Je ne méritais pas qu'on s'inquiète autant et qu'on se fasse du souci pour moi. Je répondis alors : « Non, je ne veux pas que Julian soit au courant pour ce soir, s'il te plait. » Je lui demandais donc, de ne rien lui dire. Quoi qu'il arrive. « N'oublie pas ton arme » Elle était encore sur mon chevet et je ne voulais pas la regarder. Je regardais de l'autre côté où se trouvait Shay, afin de ne pas croiser son regard. Je ne pouvais pas l'affronter ce soir. J'en avais pas la force. Il avait instauré une distance, je la respecterai. Je respecterai son choix. La peur me bouffait de l'intérieur, pensant au moment où il rejoindrait le canapé, où il quitterait mon appartement et où une simple patrouille surveillerait les lieux. Je serai seule, ici, demain, toute la journée. Cette idée m'était totalement insupportable et pourtant, il fallait que je m'y fasse. Il ne m'attaquerait pas en plein jour. Mais en même temps, il savait que les flics seraient tous fatigués suite à ses exploits de cette nuit. Peut-être en profiterait-il? Non, il ne fallait pas penser à ça. Je m'enfermerai de l'intérieur et ne sortirai pas de chez moi, il n'aurait aucun moyen d'entrer. Aucun. « Bonne nuit alors » J'aurai pu ajouter, lieutenant, mais je n'étais pas à ce point cynique. Ma voix était froide et à peine audible. Il prit son arme et fini par quitter ma chambre. Je me plongeais dans mes draps, repensant que notre moment d'intimité me semblait déjà tellement loin derrière nous. Il fallait que je me sorte tout ça de l'esprit. Il n'y avait rien. Il ne voulait pas qu'il se passe quelque chose et je devais respecter ça. Trop naïve, je m'étais fait des films. J'avais trop regardé de films d'amour. Je n'avais que ça. Qu'est ce qu'il irait s'enticher d'une canadienne, victime d'un malade mental, non mais vraiment ! Je remontais ma couette jusqu'en haut de mon visage pour me camoufler, alors que je sentais la tristesse m'envahir. J'essayais d'étouffer mes sanglots, pleurant alors en silence. Les larmes mouillèrent mon oreiller, jusqu'à ce que finalement, je m'endorme.

HRP : OMG TA SIGNATUUUUUUUUUURE !!!!

« Lorah... réveilles toi... » J'entendais une voix qui me fit sortir de mon sommeil. Je sentais une odeur de thé, mon thé préféré. Cela me fit gémir. Et je sentis une main sur mon bras, ce qui me fit lever la tête un peu brutalement, les yeux encore endormis. J'essayais de les ouvrir et je vis le visage d'Adkins, penché sur le miens. « Qu'est-ce qu'il y a? » Murmurais-je encore endormie. Je devais avoir les cheveux dans tous les sens et une mine affreuse, mais je réalisais pas du tout ce qu'il se passait, je n'étais absolument pas réveillée. Je me redressais un peu plus, baillant et me frottant les yeux. Je pu voir qu'Adkins était tout habillé, prêt à partir. Il m'avait dit hier qu'il me réveillerait avant de partir travailler. Je tourna la tête sur le côté pour voir quelle heure il était. Dix heures passées, déjà.. Il était en retard. C'est à ce moment là, que je me souvins alors de ce qu'il s'était passé hier, avant que je ne m'endorme. Je frottais un de mes yeux, en baillant. J'avais froid, je mis la couverture jusqu'à mon cou, repliant mes jambes contre moi et les encerclant de mes bras sous la couverture. J'avais sûrement l'air d'une idiote mais de toute façon, je l'étais déjà depuis hier soir. Shay me confirma ce que je savais déjà : il devait aller bosser. J'allais donc me retrouver seule pour la journée, ici, dans ce lieu où quelques heures plus tôt, j'avais été nez à nez avec le mec qui voulait m'agresser depuis la Floride. Très rassurant donc. Je vis aussi, la tasse de thé qu'il m'avait préparé, en même temps que la sienne. C'était gentil de sa part, mais ça n'effaçait rien à hier soir. Je me sentais toujours aussi conne. Je m'en voulais toujours autant et la peur s'était réveillée avec moi. Je n'avais pas envie de lui parler. En fait, je n'avais rien à lui dire. Si j'étais d'une nature bavarde et extravertie, je lui aurai dit que j'avais peur pour lui, je lui demanderai de faire attention, je lui demanderai même de rester, peu importe le poste de police. Mais non, je n'étais pas comme ça. Je n'étais pas aussi égoïste. Je le regarda se lever et s'éloigner, après qu'on est échangé quelques mots. Il me dit qu'il passerait voir si tout va bien dès qu'il le pourrait. Il m'annonça aussi le principe de sécurité pour la journée : des patrouilles en bas et à l'extérieur, un policier qui viendrait toutes les heures voir si tout va bien et puis bien sûr : je ferme à clef derrière lui. J’acquiesçais en silence, d'un simple signe de tête. Il tourna les talons pour avancer dans le salon. Il me manquait déjà. Je me redressais un peu sur mon lit, pour le voir encore un peu. Il mit son gilet, son arme autour de sa taille, il prit ses affaires et mit ses chaussures. J'avais envie de lui dire de rester, les mots me brûlaient les lèvres. Je priais pour qu'il se retourne, pour qu'il remonte me voir, pour que je lui souhaite au moins une bonne journée et que je le remercie pour le thé... Mais non, rien ne voulait sortir de ma bouche. Juste avant qu'il ne ferme la porte, je murmurais juste un « Fais attention » qui n'était audible pour personne à part moi-même. Quand la porte se ferma, je n'entendis pas ses pas dans les marches. Il devait attendre que je verrouille derrière lui pour partir. Je quitta donc difficilement mon lit, descendant les marches en grelottant de froid. Je posais une main sur la porte, qui avait du être réparée par un policier hier soir, sans que je m'en rende compte -étant donné que le lieutenant l'avait défoncée- et je lançais faiblement : « T'es toujours là? » Attendant sa réponse, je voulu ajouter quelque chose, mais non, toujours rien. Je me sentais nulle. Nulle au plus haut point et c'était la dernière fois horrible que je ne ressentais pas encore avec tout ce qui m'arrivait en ce moment. Je bloquais tous les verrous et j'entendis ses pas s'éloigner. Voilà. Il était partit. J'étais seule. Absolument seule avec ma peine, ma peur et mes réflexions. Mon appartement me paraissait bien sombre, bien terne, froid. Je me dirigeais vers le canapé pour m'enfuir dedans, là où il avait passé la nuit. Je sentais faiblement son odeur, mais rien que ça, ça me faisait du bien. Je ne quittais pas ce canapé de la journée.