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May-Line & Maxym

May-Line avait passé une journée qu'elle qualifierait d'éprouvante. En effet, la jeune fille n'avait pas réussi à s'extirper de son lit si douillet quand, à 6h son réveil avait retentit et avait raté toute une matinée de travaux dirigés. Certes, elle était bonne élève, mais elle s'était réveillée aux alentours de midi avec l'horrible sensation d'avoir fait quelques choses de mal. Pour elle, il s'agissait presque d'un crime contre l'humanité. Perturbée par cet acte qui ne lui ressemblait pas, elle en avait fait brûler son steak haché qui avait déclenché l'alarme incendie dans son appartement, oubliée de mettre de l'eau pour faire chauffer des pâtes (et autant vous dire que ce n'est qu'au bout d'une demi-heure qu'elle s'en rendit compte) et pour couronner le tout, sa vaisselle sales commençait à former la Tour de Pise à un détail prêt. La sienne ne tint pas en équilibre par on ne sait quel miracle et plusieurs assiettes finirent leur course sur le sol. Décidément, aujourd'hui était bien un jour à rester couché. Bien fait, pour toi, marmonna-t-elle pour elle-même, la prochaine fois, tu joueras plus rapidement au Cendrillon, ça évitera une catastrophe comme celle-ci. Elle s'en était voulu pendant tout le trajet de l'après-midi pour se rendre jusqu'à l'université en se maudissant d'avoir fait passer l'écriture de son deuxième roman avant ses heures de sommeil, le nettoyage de son appartement et un nombre incalculable de choses. Mais que voulez-vous ? Quand on est obsédé par quelque chose qu'on désire le plus au monde, dans son cas, publier ce tome deux tant attendu, on a tendance à ne voir que ça. Et avouons-le, le temps passe trop vite de nos jours ! Un vrai filou celui-là. C'est donc le moral dans les chaussettes et une humeur de chien qu'elle avait tenté tant bien que mal d'écouter ses cours de Littérature du XXe siècle. Elle qui habituellement adorait ce cours, elle ne pouvait pas rester plus de trente secondes concentrée sur ce que son professeur racontait. Seulement des brides de phrases arriver à atteindre son cerveau, le reste rentrait par une oreille et sortait par l'autre. Après deux heures de tortures, elle se précipita à la bibliothèque. En parfaite tête de linotte qu'elle était, elle avait oublié d'emprunter pour le lendemain « Le roman de Renart » qu'ils allaient étudier en cours.

Après avoir récupéré ce dont elle avait besoin, elle décida de faire un détour par le parc pour lire tranquillement. Au moins, contrairement à la maison, rien ne pourrait la distraire. Elle se mit à la recherche d'un banc à l'ombre des arbres, mais rien à faire, soit ils étaient occupés par une mamie nourrissant des pigeons, soit ils étaient en plein cagnard et le soleil et elle, ça faisait deux. Quand elle pensa enfin trouver son bonheur, à quelques mètres de là, elle aperçut une jeune femme, un peu plus âgé qu'elle, à terre. C'est tout naturellement qu'elle se dirigea dans sa direction et s'agenouilla à ses côtés.

« - Vous allez bien ? Que s'est-il passé ? »

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May-Line & Maxym

May-Line était loin d'être médecin, ce qui est mieux quand on ne supporte pas la vue du sang ou d'une simple et petite aiguille (donc vous pouvez imaginer le cinéma qu'elle fait lorsqu'elle doit effectuer un vaccin ou une prise de sang. Elle pourrait tenir une comédie à elle toute seule.), mais elle savait par avance que ce faux mouvement allait conduire cette jeune fille tout droit vers les urgences avec une foulure ou une entorse à la clef. Belle fin de journée en perspective. Mais pour le coup, ce qui la préoccupait, s'était la façon dont elle allait s'y prendre pour la conduire jusqu'à l'hôpital. Est-ce qu'en étant blessée, elle se sentirait capable d'avancer malgré la douleur et ce même avec de l'aide et elle, est-ce que elle, allait être capable de la conduire jusqu'à bon port ? Non pas que l'inconnue soit bien épaisse, mais May-Line n'avait pas énormément de muscles et détestait l'effort. Et disons-le, ses jambes avaient de temps à autre du mal à la suivre. Mais passons. Elle n'allait pas la laisser ici et encore moins faire déplacer les pompiers ou le samu. Elle se débrouillerait comme la grande fille qu'elle était.

« - Bien sûr, dit-elle en passant le bras de la jeune femme autour de ses épaules, prenez bien appui sur moi. »

Elle l'aida donc à se redresser sans trop d'effort. May-Line était légèrement plus petite, mais ce n'était pas tellement dérangeant, elle devrait s'en sortir sans trop de problèmes. Elle en profita pour l'observer de plus près. Il s'agissait d'une grande brune à peine plus âgée qu'elle, comme elle l'avait pensé à première vue et elle pouvait lire dans ses grands yeux marrons, que soit la douleur était insoutenable, soit sa journée avait vraiment été pourrie jusqu'au bout. Oui, l'adolescente arrivait facilement à lire dans les yeux des gens… Assez pratique pour elle, assez déstabilisant pour celui d'en face.

« - Je vais vous aider à aller jusqu'à l'hôpital, c'est sans doute plus sûr, il se peut que ce soit qu'une simple foulure, mais votre chaussure m'a l'air de bien tenir votre cheville alors si c'est plus grave, mieux vaut ne pas prendre de risque. Vous pensez que ça va aller ? Vous tiendrez le coup jusqu'à ce qu'on arrive ? Et au fait, je m'appelle May-Line. »

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May-Line & Maxym

May se mit à sourire bêtement. Il est vrai qu'elle était encore parfois frêle à cause de son accident, plutôt mince pour son âge et sans muscles, mais elle n'était pas totalement en sucre non plus et ne risquais pas de s'effondrer au moindre effort physique qu'elle devait effectuer. D'ailleurs, il serait temps que tu te mettes au sport ma vieille, pensa-t-elle en silence. Toutefois, le fait que cette jeune femme s'inquiète plus de savoir si elle était trop lourde ou non, plutôt que de sa douleur à la cheville, elle trouvait ça trop...mignon.  Elle la rassura en lui disant que tout allait pour le mieux, que c'était parfait et qu'il n'y aurait aucun problème. À partir du moment où elle ne la laissait pas porter tout son poids et l'aidait un minimum, tout roulerait comme sur des roulettes !
Vint le tour des présentations. Son inconnue se prénommait Maxym. Elle ignorait que ce prénom était mixte, mais ne le trouvait pas moins beau pour une fille. C'était original et l'originalité, c'est ce qui lui plaisait le plus. Plutôt normal pour une fille qui porte un prénom à peine connu.

« - Merci, dit-elle en souriant, enchantée alors ! Votre prénom est de quelles origines ? J'ignorais qu'il pouvait être mixte.»

La jeune fille se dirigea en direction de l'hôpital, en priant pour se rappeler du bon chemin et ne pas l'amener à l'opposer de l'endroit où elles souhaitaient se rendre. Elle avait un sérieux problème avec le sens d'orientation, les cartes, les boussoles, etc. Elle arrivait déjà à se perdre dans sa ville natale, alors dans une ville qu'elle ne connaît seulement depuis quelques mois, vous imaginez le risque. Enfin bon, par chance, elle n'était pas seule et elle savait d'avance que si elle empruntait le mauvais chemin, la mauvaise direction ou tout simplement la rue la plus longue alors qu'un raccourcis existait, elle en serait avertie. En espérant que Maxym ne soit pas une nouvelle dans la région, là, ce serait pour le moins embarrassant.

« - Oh non, non ! Pas besoin de me remercier pour si peu, c'est tout à fait normal que je vous aide, je n'allais pas vous laisser planter là. Quand bien même certaine personne l'auraient fait, ce n'est pas dans mon caractère. Et entre nous, je pense qu'on arrivera sur place bien plus vite que si les pompiers étaient venu vous chercher. »

Sur ces belles paroles, elle sortit du parc et prit la petite rue de gauche en direction des urgences après avoir regardé dans tous les sens, quel chemin elle devait prendre à la recherche d'une indication. May remercia donc silencieusement le créateur des panneaux de signalisations.

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May-Line & Maxym

La jeune fille hocha vigoureusement la tête lorsque Maxym lui demanda si elle pouvait la tutoyer. Évidemment, elle n'y voyait pas le moindre inconvénient et entre nous, elle préférait, et de loin, employer le pronom "tu". Au moins, elle retrouvait, dans son esprit, son âge réel et laissait tomber par terre (en l'écrasant à l'aide de ses converses) l'impression de s'être prit vingt ans d'un coup dans la figure. Avouez-le, c'est d'un vieillissant le vouvoiement ! Un petit peu comme le "Madame" alors qu'on est âgé de seulement une vingtaine d'années. Combien de fois May-Line avait reprit toute personne en leur signalant, gentiment, que ce n'était qu'une "Mademoiselle" et qu'elle comptait le rester encore longtemps, enfin pas trop non plus, soyons juste raisonnable. Bien sûr, si à quarante-cinq ans, elle n'était toujours pas marié, elle changerait bien vite d'avis sur le sujet.
Une question la tira de ses rêveries.

« - Ça se voit tant que ça ? demanda-t-elle pendant que ses fossettes viraient au rouge. Je veux dire, on voit vraiment que je suis nouvelle ici ? »

Nouvelle, oui et non. Elle était là depuis la rentrée universitaire, soit quand même la moitié d'une année, mais elle n'était pas une ancienne non plus. Et vu le nombre de fois où elle avait visité la ville en dehors de ses déplacements université-bibliothèque-supérettes-maison, c'est-à-dire très proche du zéro, elle n'avait pas bien eu le temps de tout intégré.

« - Environ sept mois… Je m'habitue vite en général, mais je n'ai pas vraiment eu la curiosité de faire du tourisme. Je me contente du train-train quotidien et des rues que je connais le mieux. J'évite de perdre du temps en me perdant. J'aime bien tout programmé à la minute près et tout contrôler. »

À ses mots, May sourit intérieurement. Si elle pouvait aussi bien contrôler son ménage, sa vaisselle et sa cuisine que le reste, elle serait enfin bonne à marier. Encore cette histoire de mariage qui revient sur le tapis, décidément.
Elle écouta donc Maxym lorsqu'elle lui indiqua un raccourcis et prit à droite comme elle l'avait signalé. Éviter le centre-ville pour prendre des petites rues tranquilles, ça, c'était une chose qu'elle ne pouvait qu'adhérer. Moins de foule il y a, mieux elle se porte.

« - D'accord, merci !  Au moins, j'aurais fini par faire ma visite guidée, fit-elle en riant. Et toi, tu es ici depuis longtemps ?»

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May-Line & Maxym

May-Line s'arrêta net, surprise d'entendre les origines de Maxym. Elle était donc Londonienne ?! Bon sang, qu'est-ce que ça pouvait lui faire plaisir ! Certes, elle n'était pas de Londres ni d'Angleterre, mais c'est une ville et un pays qu'elle appréciait énormément. En tant que grande fan de Jane Austen, elle avait toujours rêvé de visiter sa maison située à Chawton et elle ne pouvait qu’idolâtrer le pays où avait vécu sa déesse de littérature. Si elle n'aidait pas la jeune femme à se maintenir debout, elle aurait sans doute, non, que dis-je, elle aurait et ce sans la moindre hésitation sautillée dans tous les sens, les bras en l'air ou en applaudissant comme une petite fille devant son merveilleux cadeau d'anniversaire et en hurlant de joie ou d'hystérie. Oui, oui. Une fois sortie de sa stupeur, elle se racla la gorge d'un petit air gêné et reprit la route.

« - Je suis une grande admiratrice de la ville de Londres et encore plus depuis que j'ai eu la chance d'y aller il y a quelques années. Je suis galloise, de Cardiff plus précisément et j'ai toujours rêvé de vivre en Angleterre ! »

La jeune fille laissa son ton enjoué de côté et retourna la dernière phrase de Maxym dans sa tête. Elle avait toujours rêvé d'avoir un frère ou même une sœur, mais ses parents s'étaient contentés d'élever un enfant, sans se rendre compte de la solitude qu'elle avait pu ressentir. Ayant eu comme amis des jumeaux, son envie d'avoir un frère ou une sœur avait grandi en elle comme une plante qui pousse au printemps. Évidemment, ses parents avaient continué de refuser, prétendant ne pas avoir le temps pour élever un bébé. Bah voyons. Elle continua son chemin en ruminant ses pensées. Elle donna un coup de pied, avec rage, dans un cailloux avant de reprendre la parole.

« - C'est chouette que tu t'entendes bien avec lui. C'est ton grand frère ou ton petit frère ? »

Elles continuèrent d'avancer en direction des urgences tandis que Maxym lui parlait de son frère. Ils étaient proches, très proches.
Une fois devant l'établissement, elle poussa un léger soupir. Il y allait encore avoir un monde de fous et elle détestait la foule, justement. Tant pis. Il était hors de question qu'elle l'abandonne ici, sûrement pendant des heures. Elle lui tiendrait compagnie et continueront de faire connaissance. De toute façon, qu'est-ce qui l'attendait de mieux chez elle ? Sa vaisselle, son repassage et son ménage pouvaient encore attendre un peu. Quant à son livre, elle étant en panne d'aspiration… Autant passé la fin d'après midi en bonne compagnie que devant son écran d'ordinateur avec le syndrome de la feuille blanche !
Elle pénétra donc dans la salle et en eu le souffle coupé en voyant le nombre de patients qui passeraient sûrement avant eux. Elle essaya de masquer sa surprise et se tourna vers sa, sans doute, nouvelle amie.

«  - J'espère que tu n'es pas pressée... »

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May-Line & Maxym

Pas évident de démanger à des kilomètres de chez soi ? Euh, oui… Enfin, pas dans le cas de May-Line. Elle avait plutôt été ravie de quitter le nid familial et de partir à l'autre bout de l'atlantique. Elle s'était presque sentie revivre lorsqu'elle était arrivée ici, loin de ses parents et de ses mauvais souvenirs. En revanche, elle savait que pour rien au monde elle retournerait vivre dans sa ville natale ni même dans son pays. Soit elle resterait ici jusqu'à la fin de ses jours, soit elle irait vivre en Angleterre, le pays de ses rêves. Elle avait encore un peu de temps avant de décider quoi faire, mais elle commençait sérieusement à y réfléchir. Après tout, l'université ne durerait pas éternellement et il faudra bien qu'elle songe à son futur un de ces quatre.

La jeune fille sourit quand elle lui parla de son frère. Elle savait qu'en tant que frère et sœur tout ne pouvait pas être tout blanc ou tout noir,  mais le fait qu'il y ait un peu des deux, c'était une bonne chose. Dans le cas de Maxym, elle était la plus vieille, certes, d’à peine un an, ce qui n'est réellement pas beaucoup, mais May ce dont elle avait toujours rêvé, c'était d'un grand-frère, plus âgé de trois ou quatre ans qui serait toujours là pour elle et pour la protéger. Le grand-frère protecteur. Ou alors, une petite sœur où elle pourrait jouer son rôle de grande sœur protectrice et aller la défendre à la sortie de l'école si on l'embêtait… Enfin, ça, elle en doutait. Ce n'est certainement pas à l'époque, lorsqu'elle était en fauteuil et par la suite en béquille qu'elle aurait pu se le permettre. Elle secoua la tête et laissa s'échapper ses rêves de fraternité.

La jeune fille accompagna Maxym s’asseoir sur un siège et se laissa tomber à côté. Elle avait l'impression d'avoir couru un marathon et le monde qui grouillait dans la salle d'attente des urgences la faisait se sentir oppressée. Elle tourna la tête vers la jeune femme et lui sourit avant de se relever.

« - Oh non, je n'ai rien d'autre à faire de plus urgent… Je vais rester ! Après tout, tu auras peut-être besoin de moi pour rentrer et je suis sûre que je serais de très bonne compagnie. Si tu veux un avis, on en a pour des heures ici. On pourrait, tout simplement faire un peu plus connaissance ? »

Elle jeta un coup d’œil vers la machine à café qui se tenait non loin et esquissa un sourire. Génial ! Ça, c'était une super bonne nouvelle. Elle farfouilla dans son sac pour trouver son porte-monnaie et sortie de quoi payer à boire.

« - Tu veux quelque chose ? Café, chocolat, thé ou tisane ? Je te l'offre ! Bon, ça ne vaudra pas ceux qu'on peut boire dans un café, mais ce sera toujours mieux que rien. Ou tu préfères peut-être quelques choses de frais comme une canette de soda ou une bouteille d'eau ? »

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May-Line & Maxym

La jeune fille acquiesça et partie en direction des distributeurs, slalomant entre les patients, les infirmiers, les médecins et tout ce qui pouvait se trouver sur son passage. Trop de personnes, trop de personnes, trop, trop, trop. Non, elle n'était pas du tout agoraphobe, quoi que, c'était peut-être une source à vérifier un de ces quatre, mais la foule et elle, ça faisait deux. Elle n'était pas à l'aise en public, sans doute à cause de sa timidité maladive et bien sûr, les urgences, c'étaient toujours bondés. Elle détestait le regard que les gens pouvaient poser sur elle, leur manière de la dévisager ou de l'observer. C'était stressant et horriblement angoissant. De toute façon, May était une angoissée de première et flippait pour tout et rien. Il suffisait qu'un objet ne soit pas à sa place dans son appartement pour qu'elle se mette à paniquer. Oui. C'est malheureux d'en arriver là, n'est-ce pas ? Heureusement qu'elle n'était pas hypocondriaque (imaginez-là, dans un endroit pareil si c'était réellement le cas) sinon la fin de son existence était assurée. Par chance, les distributeurs étaient situés dans un petit coin en recul de la salle d'attente, c'était donc la tranquillité assurée. Elle respira un grand coup et prit dans un premier temps la bouteille d'eau pour Maxym puis, jeta son dévolu sur la machine à café. Pas pour un café, bien entendu, mais pour un délicieux thé au citron. Elle en bavait déjà d'avance. Elle inséra les pièces dans la fente, fit sa sélection en prenant soin de ne rajouter aucun sucre dans sa boisson. Elle se brûla une bonne dizaine de fois, entre le gobelet en plastique trop chaud à tenir et le thé qui débordait et coulait le long de ses doigts avant d'arriver au niveau de la jeune femme qu'elle avait laissé quelques minutes plus tôt. Elle lui tendit la bouteille et posa, pour son plus grand soulagement, le gobelet sur une petite table -remplit de magasine tout aussi débile les uns que les autres- et souffla sur sa main qui mourrait de chaud. Quand on n'est pas douée, c'est à vie.
Elle s'installa tranquillement dans son siège et une fois sûr de ne pas se rebrûler, reprit en main son thé qu'elle sirota avec un grand plaisir. Un bon remonte moral ! Elle croisa les jambes et se tourna vers son interlocutrice. C'est vrai qu'elle était restée très évasive sur la raison de sa venue à White Oak Station, mais elle n'aimait pas réellement donner les vraies raisons. Ou du moins, elle ne racontait pas toute l'histoire.

« - Je suis venue ici en grande partie pour les études. Mes parents connaissaient plus ou moins les alentours pour y être venus en vacances lorsqu'ils étaient plus jeunes et moi qu'un tout petit bébé et des récits que j'entendais, je savais d'avance que j'aimerais cette ville. Au départ, je visais Cambridge ou Oxford, mais ce n'était pas assez loin de chez moi et de mes parents. Ma mère était trop étouffante, une vraie mère poule, tu vois ? Et mon père, sûrement un peu comme tous les pères. Il était vachement moins à cheval sur les règles ce qui créait des tensions à n'en plus finir entre eux et je supportais de moins en moins leur disputent. »

Il est vrai que niveau disputes, les parents de May-Line devaient détenir un parfait record. Il ne s'était pas passé un jour depuis l'accident de voiture sans qu'ils se crient dessus. Un vrai calvaire pour la jeune fille qui n'avait cessé de croire que tout était de sa faute.

« - C'est comme ça depuis bien quatre ans et j'en pouvais vraiment plus. J'avais besoin de respirer, de prendre l'air et tout ça. Puis, je me suis dit qu'en m'éloignant d'eux, puisque je suis clairement la source ou l'épicentre de leurs disputes, tout redeviendrait comme avant entre eux… »

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La jeune fille haussa les épaules. A vrai dire, elle n'avait jamais réellement cherché à savoir pourquoi elle était la principale source d'engueulade de ses parents, c'était comme ça. Elle avait depuis eu cette impression, l'étrange sensation d'être la faiseuse de troubles. Après tout, ses parents s'engueulaient à propos de son handicap, de son éducation, de sa scolarisation, enfin de tout ce qui pouvait tourner autour d'elle. Ils n'étaient jamais d'accord sur rien quand elle était concernée. C'était donc devenu pour elle une évidence. Si elle quittait la maison ou s'éloignait le plus rapidement possible de ses parents, tout reviendra comme avant. Mais ça, elle n'en savait rien. Depuis qu'elle était arrivée à White Oak Station, elle avait dû appeler ses parents qu'une petite dizaine de fois et ne restait jamais plus de cinq minutes au téléphone. En conséquence, elle n'avait pas la moindre idée de l'ambiance qui se déroulait actuellement chez elle. Elle soupira en silence et dégagea une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux. Avant l'accident, ses parents étaient un exemple même de la vie de couple et de l'amour. Elle rêvait d'avoir la même vie qu'eux, de construire une famille, d'acheter une maison… De vivre le véritable conte de fée et de rencontrer son prince charmant. Mais maintenant, elle se rendait compte que tout n'est pas toujours rose et qu'au moindre pépin, tout pouvait chavirer.

« - Pour tout te dire, j'en sais rien. Je parle très peu avec eux depuis mon départ de la maison et j'estime que c'est mieux ainsi. C'est mieux s'ils en savent le moins possible. La seule chose dont ils sont parfaitement au courant, ce sont de mes résultats scolaires et généralement que le positif. Je ne veux pas qu'ils s'inquiètent pour moi car ils ne savent pas faire face aux difficultés. En fait, il y a quatre ans, on a eu un accident de voiture et j'ai eu quelques séquelles, toutes plus ou moins parties maintenant. Mais à partir de ce moment-là, j'ai vu mes parents se déchirer petit à petit. J'ai entendu dire qu'ils se disputaient tous les soirs après être venus me voir à l'hôpital pour rejeter la faute sur l'autre et quand j'ai enfin pu sortir, tout a continué. Ils n'étaient jamais d'accord sur la façon d'agir avec moi. Si j'avais rien eu lors de cet accident, mes parents ne se seraient jamais disputé comme ils l'ont fait. Donc quand j'ai pu partir pour la fac, j'ai préféré quitté le pays, les laisser se retrouver le plus loin possible de mes problèmes… »

May-Line avait débité son récit sans reprendre une seule fois sa respiration, si bien qu'elle se demandait comment elle avait bien pu faire pour ne pas manquer d'oxygène. Elle baissa les yeux vers son thé qui commençait à refroidir et serra un peu plus le gobelet. Elle faisait encore des cauchemars presque toutes les nuis de ce jour. Elle revoyait ce type foncé droit sur eux, les cris, le choc, presque tout. Elle flippait à l'idée de remonter en voiture et préférait de loin le vélo. Certes, un accident en vélo pouvait toujours survenir, mais elle n'en avait pas eu et psychologiquement, elle se sentait plus en sécurité sur son deux roues à pédales. Elle se tourna légèrement vers Maxym, un demi-sourire de dessiner sur les lèvres. Elle ne devait pas se laisser abattre. C'était du passé, un passé lointain.

« - Désolé de t'embêter avec mes histoires de famille qui ne sont pas spécialement intéressantes. J'ai tendance à m'emballer un peu et si on ne m'arrête pas, je suis capable de faire ma biographie. »

Bon, ce n'était pas totalement vrai ni totalement faux. Certes, elle parlait beaucoup et ce par manque de confident tout simplement. Comme elle passait le plus clair de son temps enfermé chez elle et seule, la communication avec autrui était tout simplement quasi inexistante. Elle commençait seulement à se faire quelques amis, en dehors de son chat et de son voisin, mais ce n'était pas encore tout à fait ça…

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May-Line haussa les épaules. Elle savait très bien à quel point le dialogue est important dans une famille, mais ses parents, eux, un peu moins. Elle avait essayé à plusieurs reprises de leur faire savoir son mal-être, mais il n'y avait rien eu à faire. Elle avait devant elle deux gros têtus qui refusaient catégoriquement de croire voir même d'envisager la possibilité d'avoir échoué quelque part dans leur rôle de parents. A proprement parlé, ils avaient tout réussit. Mais le simple fait que la jeune fille puisse penser que tout était de sa faute ou que ses parents, censés être un modèle pour elle, puissent ne plus s'aimer ou se disputer à cause de différents, ce n'était pas envisageable. Et à chaque fois qu'elle osait en parler, c'était la même scène qui se répétait devant ses yeux. Ses parents riaient de bons cœur, du moins, faisaient semblant et lui prouvait -comme on prouve la réponse d'un problème de maths- qu'elle avait tort et sur une très très longue ligne. Dépitée, elle avait fini par laisser tomber, puis vu leur réaction, elle avait très vite comprit qui avait raison et pour une fois, ce n'était pas ses géniteurs. Maintenant, à quoi bon chercher à comprendre ? Moins elle les voyait, mieux elle se sentait ! Bon, pas totalement. Son père lui manquait atrocement. Sa mère aussi, certes, mais moins. Elle soupira et termina son thé d'une traite. Peut-être que si elle appelait seulement son père, elle obtiendrait toute la vérité. Après tout, elle le connaissait suffisamment bien pour savoir qu'il rentrait dans le stupide jeu de sa mère.

« - Tu sais, c'est assez compliqué à la maison. Ils n'ont jamais pu avoir de deuxième enfants et ils ont failli me perdre une fois, alors ils font tout pour que je sois chouchouté, bichonné et la plus heureuse du monde, même si ce n'est pas totalement le cas. Toute la famille doit être en parfaite harmonie, il ne doit pas avoir de problèmes familiaux et tout le monde doit s'aimer à la folie. Je ne suis pas née de la dernière pluie, je sais très bien qu'ils ne s'aiment plus. Un couple normal aurait déjà demandé le divorce auprès d'un juge, mais pour eux, un mariage c'est fait pour durer. »

Des fois, May avait l'impression de vivre des années en arrière, où les mariages étaient arrangés et devait durer toute une fille, quitte à ne plus parler à son époux ou vivre dans des disputes à longueur de journée. Ses parents étaient réellement devenus bizarre avec le temps. Ou alors était-ce encore une idée farfelue des ses grands parents maternel et leur protocole à deux sous. Des vieux bourges qui n'avaient pas quittés la vieille école. Puis de toute façon, qu'est-ce que sa mère pouvait-elle bien faire ? Si son père venait à la quitter, elle se retrouverait sans revenu. Elle n'avait passé aucun diplôme pour pouvoir élever sa fille dans les règles de l'art. Si ça se trouve, elle tenait le nœud du problème.

« - Enfin bon. Tu as peut-être raison. Je devrais tenter de me faire entendre, mais je n'y crois pas trop. Malheureusement, je ne vois pas trop comment. Je suis un peu loin et par téléphone, ce n'est peut-être pas le meilleur moyen qu'il soit pour avoir une conversation sérieuse avec eux. Et on peut oublier Skype et compagnie, ils ne sont vraiment pas pour les nouvelles technologies. On n'a même pas la télé à la maison… »

Voilà pourquoi elle aimait tant son autonomie. Avoir la télé et flâner devant quand elle en a envie et autant de temps qu'elle le désire.

« - Drôle de vie, hein ? »

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May savait pertinemment qu'elle devait parler à ses parents, mais elle essayait de se convaincre du contraire ou de retarder le moment fatidique où elle serait contrainte de dévoiler ses sentiments. Bien qu'elle puisse se confier facilement à des amis ou des connaissances, auprès de ses parents, c'était une tout autre histoire. Dès qu'elle se lançait, une barrière se montait petit à petit entre elle et eux, au point que ses parents refusent de croire un mot de ce qu'elle pouvait raconter. La jeune fille en avait conclus qu'ils étaient bien trop butés pour songer au fait que la famille parfaite et sans histoire n'existe pas, pourtant, elle allait devoir brise la glace le plus vite possible avant de définitivement couper les ponts avec eux. Elle était persuadée que sa mère en était pour beaucoup, tel un féroce loup-garou alpha qui fait exécuter ses ordres au misérable oméga qu'est son père. Elle était comme ça. Figée dans le temps, dans son idée de famille modèle, ce qu'ils n'étaient évidemment pas. Des fois, elle venait à se demander comment son père faisait pour la supporter. Ils étaient tellement différents, pour tout.
Elle soupira et hocha la tête. Oui, s'ils ne s'aimaient plus, c'était dommage. Il se pourrait qu'ils soient bien plus heureux l'un sans l'autre. Le divorce, à leurs yeux, serait considéré comme un échec et pourtant, l'amour aussi peut parfois être éphémère.

« - Je ne crois pas. Mes parents ont très peu d'amis et les plus proches qu'ils puissent avoir, pensent exactement la même chose qu'eux sur le divorce, le mariage ou la famille. Des fois, j'ai l'impression qu'ils vivent encore dans la préhistoire et ça me dépasse. Comment ils peuvent concevoir de rester ensemble s'ils ne s'aiment plus ? Ce n'est quand même pas à cause de moi ? Je sais que je suis très sensible, mais je suis maintenant assez grand pour comprendre ce genre de choses... »

La jeune fille sourit lorsque Maxym se mit à rire devant sa remarque. Tout le monde avait la même réaction quand elle expliquait que la télé avait été bannie de leur maison depuis...bah depuis toujours en fait. Elle regardait les dessins animés en cachette chez ses grands parents paternels et occasionnellement, chez les voisins. Après avoir apprit que les Powells ne possédaient pas la télé dans leur humble demeure, ils laissent leur télévision allumer afin que May, du haut de ses cinq ans, puissent la regarder de la fenêtre de sa chambre. Certes, avoir le son aurait été du grand luxe, mais c'est grâce à cette technique que son imagination débordante se réveilla et il se pourrait même que ce soit grâce à cette combine que sa passion pour l'écriture et donc écrire des histoires, existe.
La brunette mit de côté ses souvenirs et adressa un léger sourire à sa voisine. Elle ignorait si elle s'était déjà excusé auparavant pour le décès de son père, mais par politesse, elle se sentait obligée de le refaire. L'histoire de sa nouvelle amie lui fit prendre conscience qu'elle devait impérativement parler à ses parents avant qu'il ne soit trop tard.

Peu de temps après, un médecin leur accorda enfin un peu d'attention, signalant que la place pour effectuer une radio était libre. Elle se leva afin de répondre à la question de Maxym. Hors de question qu'elle reste toute seule dans cette salle d'attente remplit de personnes. Puis de toute façon, elle doutait fortement que le charmant jeune homme qui servait de médecin vienne aider son amie à marcher. Il avait plutôt l'air blasé par son travail, impatient de retrouver son cocon familial.

«  Je viens, puis je te serais plus utile là-bas qu'ici. Je ne pourrais pas t'aider à distance pour marcher. »

Elle l'aida de nouveau à se mouvoir en lui faisant signe de s'appuyer sur ses épaules, et elles partirent toutes deux en direction de la salle de radiologie.

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May-Line & Maxym

May ne put s'empêcher de sourire à la remarque de Maxym. C'était exactement ça. Ses parents écoutaient les informations à la radio ou les lisaient dans le journal qu'ils recevaient tous les matins. En revanche, niveau téléphone fixe, ils étaient un peu plus sur la pointe de la technologie. Plus de fils et donc moins de contraintes. En revanche, il était inutile de parler de téléphone portable avec eux. Il n'en voyait pas du tout l'utilité. S'ils sortaient, il suffisait de trouver une cabine téléphonique, de mettre quelques pièces et le tour était joué. La jeune fille s'était acheté le sien avec ses économies et n'en avait d'ailleurs jamais parlé à ses parents. Zut. Une petite angoisse pointa le bout de son nez. Comment allait-elle pouvoir cacher l'appareil en rentrant chez elle ? Aïe, aïe, aïe ! Elle tenta de laisser de côté ce problème pour le moins problématique, mais qui ne la concernait pas encore. Après tout, elle n'était pas sur le point de décoller pour le Pays de Galles, elle avait encore quelques semaines, voir quelques mois pour trouver une solution à la question. En tout cas, il était hors de question qu'elle le laisse dans à son appartement. Elle souhaitait tout de même garder un minimum de contact avec ses amis de WOS. De plus, ce n'était, à proprement parlé, pas de sa faute si ses parents vivaient encore à l'âge de pierre et refusait la technologie moderne. Elle était prête à parier que s'ils le pouvaient, ils seraient depuis bien longtemps partis vivre avec les Amish en Pennsylvanie. La discussion fut coupée par l'arrivée du médecin. Elle allait tout de même devoir songer très sérieusement à une discussion avec ses parents… Finalement, elle allait sûrement rentrer plus tôt que prévu.

La radio et les résultats prirent beaucoup moins de temps que prévu, au plus grand étonnement de la jeune fille. Toutefois, c'était bien loin de lui déplaire. Plus vite elle aurait quitté ces lieux, mieux elle se sentirait. Maxym avait qu'une légère entorse à la cheville. Le médecin lui avait simplement bandé la jambe, lui précisant de mettre de la glace et de se reposer. Le plus pratique aurait été qu'elle reçoive une béquille pour s'aider lors de ses déplacements, mais ce ne fut pas le cas. Si elle en voulait une, elle devait se débrouiller et aller en chercher une à la pharmacie. May-Line reprit donc sa posture habituelle, remplaçant ainsi la béquille, afin d'aider sa nouvelle amie et sortie des urgences.
Une fois dehors, la jeune femme lui demanda s'il était possible de la raccompagnée jusqu'à chez elle. La brunette n'en voyant pas le moindre inconvénient accepta d'un hochement de tête. Elle appréciait Maxym et il était hors de question qu'elle la laisse rentrer toute seule. C'était un peu trop la galère. En revanche son invitation à dîner la gênait un tout petit peu.

« - Maintenant, c'est moi qui vais avoir l'impression d'abuser de ta gentillesse, dit-elle en souriant, mais pourquoi pas ? »

Pour tout dire, malgré le fait qu'elle se sente gênée d'aller manger chez quelqu'un qu'elle connaissait depuis que très peu de temps, elle avait pesé le pour et le contre. Elle devait impérativement se sociabiliser et sortir de son train-train quotidien. D'autant plus que son frigo était légèrement vide et se nourrir une fois de plus de chips et de crème glacée, ça commençait à bien faire.

« - Je te propose de te raccompagner chez toi, si tu veux bien m'indiquer le chemin. Et je reviendrais après être allée te chercher une béquille à la pharmacie, poser mes affaires et nourrir mon chat, si ça te va ? Puis je te donnerais la main en cuisine. Tu devrais te reposer, normalement. »