Voilà quelques jours que nous songions à faire entrer une fille dans le groupe. Au départ, tout le monde n'était pas chaud, mais à force l'idée est devenue de plus en plus présente dans nos esprits. On voulait voir ce que ça donnerait si on laissait quelqu'un d'autre entrer dans le groupe, qui plus est une fille. C'est sûr que notre groupe était vraiment bien à trois, on s'entendait parfaitement et il y avait des jours où je doutais de ma propre idée. Mais je continuais de penser qu'il nous manquait quelque chose pour décrocher le succès. Une fille peut être... Dans tous les cas nous en étions venu à un accord : on allait attribuer à une fille une période d'essai histoire de voir comment ça se passait entre nous et comment nos "fans" allaient réagir. Car après tout, c'est leur avis qui comptait le plus. Quoiqu'il en soit, nous avions vraiment du mal à trouver un coup de coeur, une fille qui nous correspondrait à tous les trois. A croire qu'aucune fille ne pouvait réunir une voix et un charisme digne d'un groupe de rock. Moi j'attendais de tomber sous le charme d'une artiste, pas d'admirer simplement ses performances techniques. Qui plus est il fallait qu'elle joue de l'instrument qui nous manquait le plus : à savoir de la basse. Bref, je devais donc me confronter à la dure réalité, comme quoi il n'était pas si simple de trouver la perle rare. Alors je faisais souvent la tournée des bars, parce que certains artistes s'y produisaient et que j'espérais y trouver mon bonheur. Ce soir-là je m'étais rendu au Old Pub qui regroupait un public assez spécial mais qui proposait généralement des artistes qui savaient chanter juste et pas seulement réciter des paroles avec autant de talent qu'une mamie chantant dans un karaoké. J'avais donc pris une place au comptoir et me commandais un Coca. Triste vie que d'être mineur. Une jeune fille monta sur la petite estrade de bois et commença à chanter. Ça avait des airs des folk, peut être un peu plus "dur" que la normale. J'aimais bien. J'aimais beaucoup en fait. Elle avait une voix douce mais lorsqu'elle décidait de tout donner je découvrais tout un potentiel pour en faire une chanteuse de rock. Son dernier morceau, elle l'accompagna de basse, et c'est à cet instant que je su que c'était d'elle dont nous avions besoin. Hors de question que je la laisse filer. Elle acheva enfin sa dernière chanson et les applaudissements fusèrent, parfois accompagnés de quelques sifflets d'hommes appréciant la bière. Elle descendit de l'estrade et j'en profitais pour me lever afin d'aller la rejoindre. Salut, dis-je en me plaçant devant elle. J'aime beaucoup ce que tu fais. J’agrémentais mon compliment d'un sourire chaleureux. Ça fait longtemps que tu fais de la musique ? Je préférais y aller mollo, et ne pas la brusquer en lui demandant directement de rejoindre mon groupe. Ce serait le meilleur moyen de me prendre un vent, non ? Alors je préférais simplement entamer la conversation avec elle.

But if you sing.

L es regards rivés sur moi dresse un regard insolent à travers mes pupilles ambrées et légèrement dilatées par les quelques drogues que j'ai inhalé avant de monter sur scène. Les toilettes de ce pub sont un repère que j'ai vite accueillit avec délice après mon arrivée dans ce trou perdu. Depuis que je suis ici, mes sens sont totalement dilatés par le peu d’oxygène que je tente d'ingurgiter à tout prix. Je suis claustro. Malade de cette ville, jalouse des gens que je connais et qui, sans cesse méprise mon esprit en lançant de nombreuses photos de Washington et New York sur Instagram. Je hais mon ordinateur portable et ma faiblesse pour observer ce genre de souvenirs douloureux qui ne seront pas prêts de revivre et de faire de nouveau crépiter la flamme qui m'habite. Alors je meurs à petit feu à travers cette station nauséabonde et qui emplit mon corps d'une nausée violente à chaque coup d'oeil perdu. Je n'aime pas le temps, je n'aime pas l'endroit, je n'aime pas le peu d'habitants parce qu'ils sont trop peu nombreux pour en tirer quoi que ce soit. J'ai vécu dans un luxe qui ferait tourner de l'oeil n'importe quel banquier expérimenté. J'ai vécu d'une débauche si dévastatrice que j'en ai fait trembler les mémoires les plus tenaces. J'ai fait tourné de l'oeil les riches fils et filles de bonne famille et j'ai démembré les soirées les plus extraverties pour qu'elles soient à mon image. J'ai foutu ma merde bien plus haut que toutes les générations qui m'ont précédé. Je suis une reine, une mythique incarnation de la déchéance New Yorkaise et je sombre à présent dans un délire bien plus viscérale qu'auparavant. Le terrain de jeu est bien différent ici. Ma fortune ne sert à rien, ma dégaine de poufiasse ne fait plus tourner de l'oeil mais attise les convoitises des camionneurs qui s'arrêtent pour faire des pauses. Un trou paumé. Pour une fille paumée. J'ai choisit d'y suivre Damian mais je crois bien que je tentais de fuir un passé qui tente désespérément de me rappeler à présent. Allison Jessiann Carpenter est désormais prisonnière de ses plus grands tourments, d'un désarrois impénétrable qui glace son être et qui vide peu à peu le restant de chaleur qui lui restait pour vivre une vie d'effrontée. Alors je me languis dans la seule passion qui pourrait bien faire recouvrir à mon âme une certain dignité au lieu de me laisser errer dans une destruction des plus totales. La musique vide mon esprit, elle me permet de m'accrocher à quelque chose. Ma voix suave ici, semble faire trépigner les foules. Mes courbes ou mes notes. Je ne sais pas trop à vrai dire. La basse que j'ai empoignée me permet de discerner les sons les plus méritants et je joue sans lire dans les regards car c'est pour moi et moi seule que je tempère devant ce micro avec une véhémence non feinte. Le spectacle se termine et je rejoins d'un pas non-chalant le bar pour m'accorder une pause bien méritante. Une supplémentaire dans une journée délabrée au plus haut point. Ma démarche féline rencontre celle d'un homme qui me fait face dorénavant. En faites, j'aurais presque l'impression qu'il me barre le passage et je lorgne sur lui un regard méprisant lui montrant bien que ce soir je ne suis clairement pas intéressant. D'ailleurs, je ne devrais l'être jamais mais j'ai une fâcheuse tendance à toujours franchir les pires limites jusqu'à ne plus pouvoir contrôler quoi que ce soit. Mais en couple, je fonce jusqu'au bout pour laisser mes admirateurs toujours dans une torpeur désagréable pour eux et totalement jouissif pour moi. C'était une manière dangereuse de jouer avec la gente masculine mais c'était aussi une façon pour moi de ne pas m'affliger le supplice de me sentir totalement emprisonnée d'un homme. Bien que je l'étais au fond de moi. Consternant. Ses paroles sont sans arrières pensées ni ambiguïtés. Au point que je me demande si ce soir je ressemble à quelque chose. Je hausse un sourcil négligent en le toisant des pieds à la tête. Craquant. Très charmant même. Si tu voulais me mettre dans ton lit, ce n'est clairement pas la bonne technique. Et je passe alors derrière lui pour faire signe au barman de m'apporter fissa un whisky. La boisson divine pour une star méprisée. Mais il a piqué ma curiosité et attisé la flamme dangereuse qui se balade au fond de mon âme. Alors je me retourne après une brève hésitation. T'es le genre de mec à tourner souvent autour du pot ? La provocation est délicate et mon sourire l'ait bien moins. Mais sa douceur naïve me marquait assez pour que je daigne lui accorder une minime importance. A voir ce qu'il allait en faire par la suite ...