~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
Au lycée, ma vie ressemblait à celle de maintenant. Je n’avais pas franchement de bonnes notes étant plutôt distraite dans mon travail tandis que mon copain de toujours (on est ensemble depuis la maternelle) était une vraie tête d’ampoule. Je passais mon temps collée à lui, très amoureuse bien que je ne lui montre pas assez. Sinon, je n’avais pas franchement d’amis car on me jugeait trop dure et trop méchante avec les gens mais ce n’est pas de ma faute si je suis franche. Garçon manqué, mauvais caractère, je détestai qu’on me le fasse remarquer ou qu’on me contredise et du coup, je pétais souvent les plombs pour rien. Enfin, il m’arrivait de pleurer seule dans mon coin car je détestai montrer mes émotions aux autres et surtout paraitre faible. Pis mieux vaut être seul que mal accompagné même si je ne suis pas seule : j’ai Benjamin.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Le bonheur est une notion tellement futile qu’elle me semble inconcevable. J’aurai pu être heureuse si j’avais pu avoir une vie de famille normale. Mais avec un père absent, une mère décédée et l’absence de fraternités, je me sens plus seule que jamais. Même Benjamin n’arrive pas à combler le vide que j’ai au fond de moi et du coup, je lui rends la vie impossible. Je ne dis pas que je suis dépressive, je suis juste blasée par la vie. J’ai tendance à exagérer mes réponses. Trop boire, trop fumer, finir mal et entrainer mes proches avec moi bien que comme je le dis, je n’ai que très peu d’amis. Il n’est pas rare de me retrouver trop saoule même enceinte. Je perds la tête, je perds le fil et je mentirai si je disais que j’aimais ça mais je ne sais pas comment faire.  

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Toujours avec Benjamin et toujours à la SPA. J’aurai pu devenir vétérinaire mais je ne supporte pas de prendre la vie de quelqu’un et bizarrement être au contact des animaux est la seule chose qui m’apaise et me rende réellement heureuse. Je ne saurai pas dire comment mais j’aime tellement les animaux et tous. Je n’ai pas de phobie particulière. Après, je me vois mal mère maintenant bien que je sois enceinte mais sans doute en serai-je capable dans 10 ans ? Je sais que Ben voudra des enfants et pour lui, je serai capable de lui en donner. S’il n’est plus dans ma vie, alors je ne vivrai plus. Je sais que je ne lui dis pas assez mais pourquoi dire quelque chose qu’on sait déjà ?

Mon histoire. Elle n’est pas bien glorieuse si on la voit de mon point de vue. Je suis enfant unique mais je ne l’ai pas toujours été. En fait, avant, dans le ventre de ma mère, j’avais une sœur jumelle mais ma mère étant assez chétive, elle a perdu l’enfant à 6 mois de grossesse. Je suis restée accrochée. Malheur ou bonheur, je n’en sais rien. Au final, je suis venue au monde et ce jour-là, celui de ma naissance fut aussitôt associé à celui du décès de ma mère qui n’a pas supporté l’accouchement. Mon père aurait pu m’élever dans l’amour et le chagrin mais il ne l’a fait que dans le chagrin. Ne supportant pas de voir ce nourrisson dans lequel il voyait également la mort de sa femme bien-aimée, il a convié ma grand-mère à venir vivre avec nous jusqu’à sa mort profitant pour aller dilapider son argent dans les troquets, dans les jeux et ne revenir qu’au petit matin en sentant l’alcool.

Je ne sais pas ce qu’il lui a fait prendre conscience de son rôle de père mais il l’a su que tardivement.

Tandis que mon père se noyait dans ses déboires, j’ai commencé à marcher, à parler et à être scolarisée. J’ai donc rencontrée Benjamin dès mon premier jour à l’école et je l’ai poussé, la vilaine fille. Lui tomba rapidement « amoureux » de moi. Amoureux comme les enfants. On n’est pas réellement amoureux à cet âge-là. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté qu’il soit mon amoureux parce qu’au fond, j’en avais un peu rien à faire de lui. C’était plus par possession personnelle. On était indissociables. Ecole maternelle, école primaire, collège, lycée et maintenant université pour lui. Il fut mon premier câlin, mon premier bisou, mon premier vrai baiser, ma première fois et mon premier amour. Bien sûr, pas dans cet ordre-là. Je pense que j’ai réellement commencé à l’aimer vers l’âge de 13 ans où quand je l’embrassai, je sentais plus de chaleur et de passion. Plus de possession, que de l’amour. Je crois que j’ai dû lui dire je t’aime vers l’âge de 15 ans.

Mon père n’était toujours pas revenu de sa phase auto destructeur et pendant que je voyais les filles grandir, j’ai perdu ma grand-mère à l’âge de 10 ans avant qu’elle ne puisse me dire pour les règles, les seins, les sous-vêtements, le sexe et les enfants. J’ai donc dû tout apprendre moi-même. Lorsque j’ai eu pour la première fois mes règles, j’ai cru que je mourrai et on s’est moqués de moi à l’école. J’étais jeune, j’avais 12 ans et je suis donc allée à la pharmacie où une femme m’a montrée comment utiliser un tampon et une serviette dans leurs toilettes. Honteux, n’est-ce pas ? Pour les seins, je n’en ai jamais beaucoup eu mais en accompagnant des filles dans les magasins, j’ai compris à quoi servaient les fanfreluches. J’en ai donc pris sans savoir ma taille. Je me sentais mal à l’aise dans ma peau, je ne comprenais pas les filles qui se maquillaient, je les jalousai de sortir avec leur mère. Alors, je me rendis au cimetière pour commencer à parler avec ma mère. Personne ne sait que je fais ça, même pas Benjamin. Je joue l’indifférente alors qu’au fond, je souffre.

Récemment, je suis tombée enceinte et mon père s’est réveillé. Etant catholique, je ne supporte pas l’avortement mais je ne prends pas non plus soin de moi-même. Je fume, je bois, je sors trop souvent. On dit que je suis dans le déni de ma grossesse. Je fais souffrir tout le monde sans m’en rendre compte et je sais qu’un jour, ça va me péter à la gueule. Mais elle me manque, je n’y peux rien.