~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
putain d'lycée. il n'y a aucune tolérance. les gosses, c'est vachement méchants quand ça s'y mets. moi, j'étais traité comme une sous-merde, comme un.. ah ouais, voilà mon surnom; le looser. sympatoch, non ? j'étais vraiment pas aimé. j'sais pas pourquoi, j'suis pas un mec bien agressif, pourtant. j'étais rejeté, maltraité, humilié. le vrai cliché du bouc émissaire, vous voyez ? celui qu'on frappe pour passer ses nerfs ; celui qu'on humilie devant tout l'monde juste parce que c'est une grosse tête et un no-life ; celui qu'on bouscule dans les couloirs juste pour le fun ; celui qu'on traque pour connaitre ses secrets et mieux s'en servir contre lui. ah ! ouais ! ça allait loin hein ! j'ai même eu l'droit à la tête dans les cuvettes, juste pour vous dire.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
heureux ? mais qu'est-ce que c'est être heureux, exactement ? j'ai jamais compris. moi, j'suis ni heureux, ni malheureux. j'en ai juste rien à battre de la vie, de tout ça, quoi. j'vis au jour le jour, je planifie rien, si j'crève bah tant pis. j'suis complètement insensible au malheur et au bonheur - j'en ai juste, vraiment, mais vraiment, rien à carrer de tout ça, vous comprenez ? non, j'suis certain que vous comprenez pas, c'est méga compliqué à expliquer. en tout cas, j'suis immunisé contre tout. j'ressens presque plus rien, c'est drôle. 'fin, si la haine, ça j'connais. très bien même. j'sais pas si ça s'rejoint au malheur ?

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
dans dix ans ? mh. j'sais pas, j'aimerais bien être milliardaire et tout quoi. 'fin ça c'le rêve de tous j'imagine. pour creuser plus, j'aimerais beaucoup rencontrer quelqu'un - une femme, un homme, rien à battre - qui ferait chavirer mon coeur. j'ai jamais aimé quelqu'un vraiment, j'espère y arriver un jour. ça a l'air fun, comme sentiment, l'amour. comme une sorte de drogue. non, c'est pas ça ? ben d'après plusieurs témoignages, c'presque pareil hein. être shooté à l'amour. ça doit être cool ouais. bon, à part ça, si possible, construire une famille - avoir un gosse ou adopter.

putain, mais quand j'vais pouvoir m'casser ? il a quoi à m'observer comme ça ? j'ai quelque chose sur l'pif ?
mais j'en ai rien à carrer de cet endroit, j'vois pas pourquoi mes foutus parents m'ont envoyés ici. et puis... merde ! mais quand est-ce qu'il va arrêter d'bouger d'la patte comme ça ?
« bon, ezeckiel, je vais être franc. tes parents t'ont emmené ici parce qu'ils souhaitent que ton comportement s'améliore. »
il a fouillé un moment dans un sac et ressort plusieurs papiers. j'ai réussi à voir des chiffres - et l'un m'a interpellé, et j'ai déduit par a+b que c'était mes bulletins. qu'est-ce qu'il me voulait ce gus ?
« tes notes sont misérables, ezeckiel. tes appréciations aussi. »
il en lit une - la pire, évidemment - où le prof racontait que j'me barrais du cours sans autorisation et que je séchais régulièrement. et bien sûr, mon insolence sans pareille. un autre bruit de feuille, et je tourne la tête, parce que franchement, j'en avais rien à faire de tout ça.
« mh, et il parait que t'as un casier judiciaire »
okay, ça a piqué ma curiosité, alors j'l'ai observé, et il relève ses lunettes avec une grimace ignoble, me scrutant de ses yeux noirs et vicieux. j'avais l'impression d'être une proie, et lui un prédateur. pas très agréable. 'fin, j'avais toujours eu cette impression, au pire, avec tout l'monde.
« chez nous on sait mater ce genre de bonhomme, mon gars, alors tu vas te tenir bien jusqu'à qu'on décide de te lâcher. ça marche, ezeckiel ? »

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j'ai trimé, dans cet établissement. c'était un truc de redressement. pfiu, la sévérité, j'vous dis pas. aucune liberté, rien. on peut même pas fumer une clope. une vraie prison. digne de d'leur réput, y'a rien à redire, ils font bien leur boulot.
mais il m'a suffi de jouer au bon élève modèle pendant quelques années pour qu'il m'libère. mais qu'ils sont stupides - ça n'a fait qu'amplifier mon envie d'vengeance, tout ça.

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tristesse. longue, infinie, tristesse. souffrance - désespoir.
la vie est injuste, n'est-ce pas ? favorisant les uns, détruisant les autres. c'est comme un jeu. des pions.
nous sommes des pions. on nous fait avancer, reculer - on nous détruit. certains ont plus de chances que d'autres. c'est bien connu, ça. la vie est injuste.
à première vue, on ne peut pas dire qu'elle l'ait été avec ezeckiel - doté d'un physique avantageux, et d'un esprit vif et intelligent - mais il suffit de creuser un peu plus, pour découvrir des blessures qui refusent de cicatriser.

nous sommes d'accord pour dire qu'un enfant, se doit d'être innocent, au début, et d'apprendre peu à peu la vie. une entrée en douceur dans le monde des adultes. en douceur, oui, voilà.
mais ezeckiel n'a pas eu cette chance; il a été toute suite balancé dans ce monde. on parle bien de celui où on trime, où on souffre, où on patauge. où il faut éviter de tomber, sinon on se fait piétiner.
dès ses onze ans, on a commencé à lui en faire baver. il ne comprenait pas. qu'avait-il fait pour ça ? qu'avait-il fait pour être autant détesté ?
peu à peu, il se mit à forger une carapace, à construire un masque. à ses quinze ans, il était déjà indépendant, ne comptait sur personne, et était à la limite de la paranoïa. au fur et à mesure, il a développé une défense sans failles, un autre ezeckiel. celui d'autrefois, naïf et tendre, laissait place à un étudiant renfermé, presque agressif. il répondait à la violence par la violence, multipliant les passages dans le couloir de la direction des divers établissements qu'il a côtoyés. son dossier est plein à craquer de diverses appréciations plus que négatives.
pendant de longues années, on lui a montré qu'un seul sentiment - la haine. il n'a que ça en lui, ayant oublié le reste de sentiments. effacés. ce n'était plus qu'un adolescent violent, rempli de haine, de colère, qui menaçait d'exploser à tout moment.

au fil du temps, il a réussi à calmer tout ça, à prendre du recul. à ses dix-huit ans, on pouvait remarquer une nette amélioration; bien que cynique, moqueur et ironique, il avait développé une certaine sociabilité, qui laissait encore certes à désirer. mais il lui arrivait parfois de parler, d'opter pour un ton amical. malheureusement, ezeckiel n'a qu'une envie; faire souffrir les autres, autant qu'ils l'ont fait souffrir. le corbeau est animé par la vengeance, il ne vit que pour ça.
évidemment, avec certaines personnes, il peut révéler une autre personnalité, contraire à celle qu'il adopte régulièrement.

ezeckiel a aussi un casier judiciaire, pour avoir à maintes reprises tenté d’infiltrer les ordis de l’état et les quelques plaintes reçues à cause de sa violence d'autrefois.

le corbeau est un surnom qu'on lui a attribué à cause de sa chevelure noire, de son intelligence plus haute que la moyenne, et qu'il n'a aucune pitié, aucun scrupule.

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