~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
« Tu vois la meuf genre, toujours bien habillée, maquillée à la perfection, digue de vernis à ongles, toujours entourée d'amis ? Et tu vois l'intello aimée des profs, qui lève toujours la main, qui cultive les bonnes notes ? Ben toi en fait, t'étais un mélange des deux. A la fois la princesse et la grosse tête. T'étais aussi une grand sportive. Tu faisais partie de l'équipe de football américain des filles du lycée. T'étais bonne, tu courais vite et t'avais pas peur de rentrer dans les gens. Tout le monde t'aimait. Tu rentrais dans aucune case. Exceptionnelle et si banale à la fois. Un vrai phénomène. »

Par un camarade de classe

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Je crois que "brisée" est le mot qui conviendrait mieux à ce que je suis aujourd'hui. Je me suis réveillée dans un lit d'hôpital après deux ans de coma, avec pour seul souvenir de ma vie d'avant une douleur atroce dans les jambes et un visage qui me hantait. Je ne sais rien de moi, à part quelques toutes petites choses que j'ai appris grâce à toutes les visites que j'ai eu. Je sais encore lire et écrire, certes, mais mon niveau en maths est équivalent à celui d'un élève de primaire, par exemple. Comme si tout ce que j'avais acquis durant ces 13 dernières années s'était évaporé. Il ne me reste que mon coup de crayon, grâce auquel je suis de retour ici.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Je ne peux pas me projeter dans l'avenir. Je n'ai aucune idée du genre de personne que je suis, donc je ne peux pas prévoir le genre de personne que je serais dans dix ans. Déjà, je ne serais pas militaire. Hors de question. Mon père m'a déjà envoyé à la mort une fois, il est tout simplement inenvisageable que ça se reproduise. Dans dix ans, peut-être me serais-je reconstruite. Soit parce que les flash-back auraient cessé et que ma vie d'avant serait complète dans ma tête, soit parce que j'aurais tiré un trait sur tout ce qu'il s'est passé avant mon coma, et que je me serais bâti une nouvelle moi. Au jour d'aujourd'hui, j'opte plus pour la dernière solution. Mais qui sait de quoi l'avenir sera fait.

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: Deyes ÂGE: 15 LOCALISATION: BIP. BIP. LA LOCALISATION DE L'INDIVIDU A ÉCHOUÉ. PRÉSENCE: Aussi souvent que possible, mais c'est tellement beau ici que... COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? Y a un monsieur ici. Jake. Ben il est zentil AUTRE CHOSE À AJOUTER?

Vous voulez que je vous raconte ma vie ? Sachez premièrement que tous les évènements dont je parlerais qui se sont passés avant le 8 février 2013 ne sont pas tirés de ma mémoire mais des dossiers dans lequel je met le nez depuis cette date et les témoignages que j'ai réussi à récolter.

Je m'appelle donc Charlotte Fitzgerald, Louise de mon deuxième prénom. Je suis née de 28 mars 1990 à White Oak Station, dans une des familles les plus riches de la ville. D'après ce que j'ai trouvé sur eux, les Fitzgerald habitent à White Oak Station depuis des générations et des générations, bien trop nombreuses pour pouvoir les compter. Mon père, canadien, est un chef d'entreprise détesté par ses employés, d'après ce que certains d'entre eux m'en ont dit, et ma mère, française, était la meilleure couturière de la ville. Je suis fille unique.

D'après mon dossier, je mesure environ 1m60 pour une cinquantaine de kilos, ce qui est considéré comme "idéal" par les médecins. Moi, je trouve pas ça petit et maigre, mais peu importe ce que je pense.

Depuis toute petite, je suis fascinée par les gens. Tout ce que l'on peut apprendre sur les personnes rien qu'en les regardant, en détaillant leur manière de s'habiller, de parler, de marcher m'a toujours rendue admirative. Un ami m'a dit que certaines journées, je restais assise avec lui sur un banc, dans un parc, et que nous donnions des vies à de parfaits inconnus. On leur attribuait un prénom, un âge, un métier, un nombre d'enfant, le nom de leur chien, tout ça quoi.

J'étais aussi obsédée par mon avenir. Ce que je deviendrais, ce que je serais m'inquiétait et me donnait envie à la fois. Je rêvais beaucoup de ce que je pourrais faire. J'espérais faire quelque chose de mon talent pour le dessin. J'ai longtemps cherché, cherché, et re-cherché, pour finalement trouver ma voix, à l'âge de dix-huit ans : dessinatrice de portraits robots pour la police. C'était exactement ce qui me convenait, et cette idée me plaisait tout particulièrement.

Mais mon père ne l'entendait pas de cette manière. Il voulait que je serve les Forces Canadienne dès ma sortie du lycée, sans passer par la case études supérieures. On m'a dit que j'étais totalement soumise à mon père, et que je n'avais même pas eu l'idée de protester, de m'opposer aux décisions que mon père prenait pour moi.

C'est ainsi que je me retrouve dans les rangs de l'armée Canadienne, contre mon gré. Même si j'avais parfaitement le tempérament pour exercer cette fonction. Droite, sérieuse, peur de rien, avide de grosses sensations. Foncer dans le tas ne m'effrayait pas. J'étais bonne tireuse. Je prenais des directives, mais j'étais obéissante. En un an, je gravis les échelons, pour me retrouver, en 2011, major de mon unité. Je fais partie de ceux qui se rendent en Irak. Mon avion se fait toucher, s'écrase sur le sol. J'ai vu des photos. Les cinq autres hommes présents sont aussi amochés que moi.

C'est là que mon premier souvenir entre en scène. La première chose que je voit, après deux ans dans le coma, c'est des murs bleus verts, cette couleur dégueulasse qu'on connaît tous par coeur pour avoir tous été au moins une fois dans un hôpital. Je ne suis vêtue que d'une blouse de cette même couleur affreuse. Mes cheveux bruns sont détachés, carrément crades, tout frisés. Y a peut-être une dizaine de médecin autour de moi. Je viens de me réveiller, et j'en ai déjà marre. Et un visage arrive dans ma tête. Un seul, magnifique. Il me semble si familier. Je n'arrive pas à mettre de nom dessus, c'est frustrant.

Je fais quelques mois de rééducation, histoire de réhabituer mes membres à fonctionner, surtout mes jambes qui ont été très très affecté par l'explosion de mon avion. Une fois que je suis totalement remise sur pied, je me remet à dessiner. Mon premier croquis ? Ce visage, qui me hante. Je décide de retourner à White Oak Station, persuadée que c'est dans la ville où j'ai grandi que je trouverais les réponses à toutes mes questions. Je montre mon dessin à tous ceux dont j'entends les témoignages. Pour finalement trouver son nom. Jackson. Jackson Jenkins. Jake. Mon Jake. Mon premier flash-back, c'est un souvenir qui nous met en scène tous les deux. On était beaux. Magnifique.

Je retrouve peu à peu les pas que j'ai déjà faits, il y a des années. Quelques souvenirs me reviennent, de temps à autres, lorsque je me rend à un endroit précis de la ville, ou que je croise une personne que je connaissais, avant. Aujourd'hui, je compte bien faire ce qu'il me plaît. La dernière fois que j'i fait quelque chose que je ne voulais pas, ça m'a coûté la vie. Pas au sens propre du terme, mais vous m'avez comprise.