wasted
   j'oublie pas le couteau noir tenu part le temps
issu d'la jeunesse désoeuvrée
on est comme une marre de sang sur le marbre blanc

première gifle. elle s'appellera aria. elle devra être forte. et les premiers cris de la gamine, dans la chaleur de l'été. et ses cordes vocales qui vibrent pour le première fois. et son visage, qui se tord, son visage pourpre. ses yeux azur, baignés de ses premières larmes. c'est pas dans les bras d'maman, qu'elle finira. pas dans ceux d'papa. dans ceux de l'infirmière, au regard presque désolant. de voir cette petite chose, fragile. insignifiante, partir dans une vie comme celle-là. on choisit pas, on se bat. on affronte, on continue à avancer. et c'était ça, la première gifle. ça, la naissance. le début, d'un truc pas droit. d'un truc bancal. un truc beau, pourtant. un truc qui aurait pu devenir quelque chose. quelque chose d'encore plus beau. avec un sourire et des yeux pétillants. mais ça n'dépend pas d'nous, tous ça. non, c'est comme ça. on choisit pas, mais on assume quand même. on serre les mâchoires et on ravale les sanglots.

deuxième gifle. t'es rien d'autre qu'un gros con, ace. tu l'as toujours été. la voix qui vibre, regard noir. regard cauchemar. et cette boule, dans sa gorge. et ses yeux, qui s'embrument, c'est plus fort qu'elle. putain, mais elle est pas cette fille-là. non. c'est pas elle. ça n'sera jamais elle. et pourtant, cette aria, celle-là, le regard noir, le coeur douleur, elle prouve le contraire. l'adolescence est passée, la naïveté, l'espoir d'une vie meilleure, d'un monde meilleur aussi. elle n'y a jamais cru. elle n'a jamais vraiment cru au bonheur. parce que ça implique trop souvent d'autres personnes. et elle n'a jamais eu confiance dans les autres. elle avait raison, faut pas ouvrir son coeur. ça gâche tout. alors comment est-ce qu'elle en arrive là ? comment c'est possible, qu'elle se fasse détruire. comment il y arrive, ace. lui, c'brun. qui paraissait différent, des autres. à croire que non, peut-être bien qu'elle, elle n'est pas unique, non plus. mais lui, pas lui. tout sauf lui. toute la terre. lui, qui s'est gravé dans sa chaire, sans lui laisser le temps de sentir la douleur. lui, fourbe. il était plus que tout ça. plus qu'un simple mec de passage. ils étaient ensemble, c'est ce qu'elle pensait. ce qu'elle croyait. jusqu'à ce qu'il couche avec la première salope, du moins.

troisième gifle. merci pour le job, j'en ai vraiment besoin... elle fait la fille concernée, la fille qui s'intéresse, la fille qu'on peut présenter à ses parents. la fille qu'elle n'est pas. parce qu'elle peut pas être cette fille-là devant son patron. qui vient de l'accepter, en tant que gérante musicale. elle veut pas travailler, pas faire ce boulot. pas se lever et se dire qu'elle va devoir suivre des directives. elle, bosser. trimer, pour un salaire à peine viable. même si elle aime ça, la musique. ça libère. ça l'empêche de penser, de regretter. parce que, même si elle veut faire la fille que rien n'touche, c'est pas le cas. elle est criblée de balles. criblée de souvenirs, de paroles. et elle tangue, elle tient plus vraiment droit. c'est pour ça, les tatouages, trop nombreux sur sa peau diaphane. son histoire. ses rêves. ses passions. ses déceptions, ses échecs. tout, pour se souvenir de tout. comme un besoin, une obsession. tout marquer. tout graver.