Emma était au volant de sa voiture, essayant tant bien que mal de se concentrer sur la route. Elle venait (encore) de s'engueuler avec son (futur) ex-mari et elle avait la tête ailleurs, bien trop préoccupée par sa vie qui tombait en miettes pour faire attention à ce qu'il se passait devant elle. Douze ans après avoir quitté la France pour White Oak Station, elle ne pouvait pas dire qu'elle était satisfaite de ce qu'elle était devenue... Être divorcée à trente ans n'avait jamais fait partie de ses plans. Elle s'était toujours imaginée mariée et heureuse, avec une belle maison et des gosses qui courent partout. Au lieu de ça, elle était presque célibataire et dormait chez son cousin le temps de régler ce foutu divorce qui l'empêchait de dormir. C'était un échec cuisant. Et voilà que la radio s'y mettait aussi, jouant une chanson qui lui rappelait sa relation avec Max. « Fait chier. » Elle n'avait pas pour habitude d'être grossière mais là, le sort s'acharnait clairement sur elle - et sa patience avait des limites. Emma détourna son regard de la route pendant quelque secondes pour s'empresser de changer de station de radio. Et ne vit pas que le véhicule devant elle ralentissait pour s'arrêter au feu rouge. L'avant de sa voiture percuta donc l'arrière de celle qui se trouvait devant elle dans un bruit tonitruant. Encore heureux, elle ne roulait pas trop vite ! « Et merde ! » Elle resta dans sa voiture pendant quelques instants, le temps de reprendre ses esprits, puis elle sortit de son véhicule pour affronter le conducteur de celui qu'elle venait d'endommager. Le choc n'avait pas été trop violent et, apparemment, il n'était pas blessé. C'était déjà ça. « Je suis vraiment désolée, je faisais pas attention à ce que je faisais... J'étais en train de chercher une radio potable, j'ai pas vu que vous freiniez... Enfin, j'ai même pas d'excuses, j'aurais dû faire plus attention. Je crois que je devrais arrêter de conduire pendant un moment, j'ai tellement la tête ailleurs que je fais que des conneries ! » Elle avait dit cela sur le ton de la plaisanterie mais en réalité, elle était à deux doigts de pleurer. Elle ignorait pourquoi elle l'assommait de paroles. Elle n'était pas du genre à raconter sa vie au premier venu d'habitude - surtout pas dans ces circonstances. Mais là, avec le choc, la panique et l'accumulation de tout ce qui lui tombait dessus ces temps-ci, elle avait dû mal à prendre sur elle. Elle soupira doucement, navrée de s'être donnée en spectacle comme ça devant ce parfait inconnu, puis elle jeta un coup d’œil à sa voiture. « Désolée... Je prendrai les réparations à ma charge, ne vous en faîtes pas. Je dois avoir un constat dans ma voiture. » Elle ignorait ce qu'on faisait en cas d'accrochage parce que c'était la première fois que ça lui arrivait. Elle n'avait jamais de constat de sa vie et elle se sentait un peu bête. Et démunie aussi. Dieu merci, le conducteur de l'autre voiture n'avait pas l'air de vouloir l’étriper. Dans son malheur, elle avait quand même un peu de chance.