C’était différent, avec lui. Complètement différent. Seule, Azel aurait eu du mal à mettre le doigt sur cette différence, sur ce (ou ces) détail qui faisait que Wes ne ressemblait en rien aux précédents. Un grand brun, aux épaules larges, à l’opposé de son type d’homme favori : les blonds, musclés mais un peu secs. Mais quelqu’un d’extérieur, avec un peu d’observation, n’aurait pas eu de mal à dire ce qui, en Wes, changeait des autres petits amis de la blonde. En réalité, Azel n’était pas amoureuse de Wes. Du moins, pas vraiment. Différemment. Elle l’était sans le savoir. Alors qu’avec les précédents, elle se savait amoureuse sans vraiment l’être pour autant. Avec Wes, elle n’était pas transie d’amour. Elle était transie de désir. Bon dieu, ce qu’elle pouvait le désirer. Quand elle était proche de lui, Azel ne répondait plus vraiment d’elle-même. Systématiquement, une vague de chaleur s’emparait d’elle, les poils se dressaient sur sa peau alors que la chair de poule courait le long de son corps, et elle n’avait envie que d’une chose : l’embrasser. Avec Wes, Azel ne se donnait pas corps et âme. Le corps, oui, l’âme un peu moins. Azel avait donné, dans la catégorie petit copain, et sans même en prendre conscience, elle arrivait à saturation. Elle en avait assez d’être jalouse, assez d’être possessive, assez d’être inquiète, assez d’être trop dévouée, trop attachée, trop niaise, trop tout. Avec Wes, elle n’était pas comme ça. Avec lui, c’était léger. Simple. Évident. Il n’y avait pas de doute sur le fait qu’avec lui, Azel ne suivait pas la même logique qu’avec les autres. Encore une fois, sans en être consciente – il y avait beaucoup de choses dont la Novak n’avait pas conscience, beaucoup de choses qui avaient une signification qui lui échappait –, Azel avait enchaîné les relations de consolation, les relations de remplacement. Remplacer Rhys. Sans succès, bien sûr. Wes, lui, n’en faisait pas partie. Wes était un bel accident, qu’elle n’avait pas prévu, qu’elle avait accueilli dans sa vie comme elle aurait accueilli un ami. Elle n’attendait rien de lui, ne s’imaginait pas la mère de ses enfants, n’avait pas de compte à lui rendre, ne lui en demandait pas non plus. Elle ne pétait pas de câble s’il ne répondait pas à son téléphone durant trois heures, ne vrillait pas à l’idée qu’il couche avec une autre. Il pouvait bien le faire, si cela lui chantait. Cela ne lui ressemblait pas, cet état d’esprit ne durerait pas toute sa vie, mais pour le temps durant, cela lui faisait du bien. Beaucoup.

Elle ne savait plus exactement comment elle l’avait rencontré. Où non plus, précisément. Ils étaient des amis d’amis (d’amis), s’étaient croisés à plusieurs reprises au cours de soirées, puis en ville, sans plus se parler que ça. Mais, déjà, Azel le trouvait mignon. Très mignon. Et puis, dans le courant de sa dernière année de lycée, elle l’avait recroisé encore une fois. Elle ne se souvenait plus où ; des soirées, Azel, elle en faisait au moins deux fois par semaine. Et le week-end. Elle ne se souvenait plus sur quelle musique ; mais ils avaient dansé, s’étaient embrassés, avaient couché ensemble. Et, sans exagérer, c’était peut-être la meilleure nuit qu’elle ait passé. Après ça, ils ne s’étaient pas vraiment rappelés. Ils avaient fini par se recroiser, ils s’étaient souri dans la rue. Ce petit sourire complice, qui sait, qui en veut plus. Puis ils s’étaient revus. Cela faisait, maintenant, plus ou moins un mois qu’ils se voyaient régulièrement. Et, toujours, Azel allait le retrouver le cœur léger. Ce soir, elle avait mis des beaux sous-vêtements en dentelle noir, sous une robe à bretelles rose pâle. Dehors, la température frôlait les deux degrés, mais elle s’en fichait. Ils n’allaient pas passer leur soirée à l’extérieur. De toute façon, elle avait mis le gros gilet de conséquence, et les bottes fourrées. Son sourire s’élargit quand elle aperçut Wes, et elle vint fourrer ses mains dans les poches chaudes de la veste du jeune homme. Les yeux pétillants, elle l'embrassa avec la douceur d’une plume. Ce soir, c’était ciné.

Des heures durant, les yeux ouverts face au plafond de sa chambre, tu penses. Tu penses à beaucoup de choses, sans savoir vraiment à quoi. Tu viens de la quitter, pour la seconde fois. Elle vient de quitter la pièce, elle vient de quitter ton corps et tu sens déjà qu'elle te manque. Tu ne l'as jamais vécue auparavant, cette sensation. Jamais. T'as toujours voulu, pourtant, mais aucune fille n'avait réussi à te faire ça. Tu restes distant, t'essaies de ne pas t'accrocher en vain, mais ty n'y arrives pas. Tu fixes le plafond en t'imaginant ce que tu vas pouvoir faire avec elle le lendemain, et le jour d'après. Et sûrement celui d'encore après. Tu tournes la tête vers la porte, espérant qu'elle entre de nouveau pour redéposer un baiser fougueux et plein de passion sur tes lèvres. T'as envie d'elle, constemment. Pas juste en ayant envie de faire l'amour, juste en ayant envie de sentir son corps contre le tien, de sentir son odeur et la passion qui s'en dégage. Tu la veux, tu la désire, tu la soupires. Elle est partie, pourtant. Belle et bien partie. Alors tu te remets à fixer le plafond, laissant tes pensées te rappeler à quel point c'était bien, de l'avoir avec toi. En laissant ton esprit accepter le fait que t'as enfin trouver quelqu'un qui donne sens à la passion, à l'amour. Ca t'effraie, t'es bien trop jeune pour ça. Mais tu ne peux t'empêcher d'aimer cette sensation de peur et d'entrain à la fois. Tu fermes les yeux, tu la vois. Tu t'endors sur son visage. Et lorsque tu te réveilles, le regard perdu et les muscles endoloris, tu te réjouis de savoir que tu la retrouve le soir. Que tu revois son sourire et que tu sens à nouveau son odeur. La journée se déroule, avec juste cette envie. Et quand arrive le soir, que tu l'apperçois au loin devant le cinéma, tu souris. Tu souris jusqu'à ce qu'elle te le rende et qu'elle dépose ce baiser tant attendu sur tes lèvres. Elle frôle tes mains dans tes poches, te voilà déjà frissonant de désir. Le cinéma n'était peut-être pas une si bonne idée. Tu montes une main contre son visage, pour dévorer le rouge à lèvre qu'elle a sur les lèvres. Tu ne le veux pas, mais tu te détaches tôt, pour que le cinéma ne passe pas à la trappe. Bonsoir vous. Que tu dis, remettant une mèche de cheveux sur le côté, regardant son visage pour t'en imprégnier encore un peu. C'était long, sans toi. T'ajoutes alors, t'avouant vaincu de l'effet qu'elle te fait.

« Trop long, oui, » avoua-t-elle à son tour, doucement. Trente-six heures et quelques qu’ils étaient éloignés l’un de l’autre, et Azel n’avait cessé de penser à lui. En se réveillant, en se douchant, en cuisinant, en regardant la télé, quand elle s’était assoupie aussi, et puis tout le long du trajet jusqu’ici. Elle pensait à lui avec des papillons au ventre, elle pensait à lui en souriant. Ça n’était pas tout le temps reposant, d’avoir l’esprit aussi occupé, mais ça la rendait heureuse et c’était le principal. Pour l’instant, avec Wes, ce n’était que du bonheur du début à la fin. Du moment où ils se retrouvaient, le corps de l’un ne demandant qu’à rejoindre celui de l’autre, jusqu’au moment où ils se quittaient, à regret. Parfois, parce qu’ils ne voulaient pas se séparer, ils restaient chez l’un ou chez l’autre pendant trois jours d’affilés. La mère d’Azel l’avait mise en garde. Elle lui avait dit qu’il fallait qu’elle fasse attention, qu’elle se méfie, qu’elle ne passe pas trop de temps avec lui. Que certains garçons se lassent vite, et que d’autres se font rapidement des idées de vie à deux. Mais que, dans tous les cas, il fallait y aller pas à pas, s’assurer que l’un comme l’autre étaient bien sur la même longueur d’onde ; parce que si ce n’était pas le cas, il fallait s’attendre aux pots brisés et aux assiettes cassés. Aux cris, aux larmes, au cœur brisé. Elle s’inquiétait sa maman, tout simplement. Azel aurait voulu lui dire qu’elle avait de l’expérience en la matière, qu’elle savait tout ça, qu’elle en avait fait les frais plus d’une fois. Elle n’était pas sûre que ça la rassure, alors elle s’était contentée d’acquiescer, et de dire que tout allait bien. Qu’elle se sentait bien, avec Wes. C’est que, les parents Novak, ils n’avaient pas vu passer la moitié des petits copains d’Azel. Ils avaient rencontrés Wilfried, son tout premier, puis Rhys, puis un autre peut-être, et Wes enfin. Quatre. Quatre, ce n’était rien du tout. C’était la face visible de l’iceberg relationnel d’Azel. Sa mère avait raison de la mettre en garde contre la gente masculine, mais Azel était déjà tombée dans le piège, et elle y retomberait encore. Elle le savait, mais elle s’en fichait. Un peu. Elle profitait de ce qu’elle avait, elle profitait de son présent ; elle profitait de Wes. Du bout de ses doigts, elle caressa la joue de son petit ami, se retenant non sans mal de lui sauter dessus et de l’embrasser partout où il était possible de le faire. Elle se mordit la lèvre, ne résista pas à l’envie de s’emparer de ses lèvres une nouvelle fois, puis attrapa sa main avant de prendre la direction du cinéma. Arrivés devant le guichet, elle leva la tête pour observer la liste des films disponibles. L’un venait de commencer, trois autres débutaient dans cinq à quinze minutes, et ceux qui restaient ne démarraient pas avec une bonne heure. Les trois qu’ils pouvaient voir la tentaient assez, à vrai dire. Il y avait Demolition qui venait de sortir, avec Jake Gyllenhaal, Kung Fu Panda 3, et Divergente 3. « Tu veux regarder quoi ? » demanda-t-elle alors à son petit ami, ayant du mal à choisir toute seule.