Comment bien échouer dans sa vie en 10 leçons
I was afraid of change but I was afraid of not changing ♫

Première leçon : échouer à sortir du ventre
Claudia a peur. Elle aurait dû avoir des contractions, elle aurait dû accoucher. La date est passé et elle sait que ça n'est pas bon... Et si on enfant n'allait pas bien ? Et si elle le perdait ? Paniquée, elle n'arrive pas à fermer l'oeil de la nuit, Henry son compagnon, l'accompagne dès le lendemain à l'hôpital juste pour la rassurer. On leur assure que ça n'est pas grand chose, que ça arrive parfois. Mais Claudia continue à s'inquiéter et elle ne se sent bonne qu'à ça : se faire du mauvais sang... Tout le temps, à chaque moment de la journée. Elle a peur, pour le garçon qu'elle n'a pas encore, pour elle-même qui va devenir mère, pour Henry qui va devenir père, pour leur futur tout simplement. Ça l'a fait se sentir mal et minable.
Mais finalement, l'inquiétude de Claudia se révèle fondée : son enfant ne semble pas pressé de quitter la chaleur maternelle et l'on doit provoquer l'accouchement qui se fait du même coup en siège. Long et difficile, heureusement qu'on ne se souvient pas des douleurs de l'accouchement ! Mais voilà, Sam est né, on est le 3 juillet 1996. Et il ne voulait pas naître peut être parce qu'il savait déjà ce qui l'attendait.

Deuxième leçon : échouer à apprendre à marcher
Apprendre à marcher semble si difficile, et le sol est si dur et Sam a déjà tant de bleus ! Il en est couvert, ses bras, ses genoux. Il ne fait que tombe alors qu'il meurt d'envie de courir, de découvrir le monde autrement qu'à quatre pattes. Il veut voir les choses de plus haut mais il ne veut plus se faire mal... Le tapis n'est pas assez moelleux... Le seul endroit ou l'on est bien c'est au lit. Mais le sien est innaccessible... Il y a bien le lit parental !
Claudia cuisine, pensant que son fils restera tranquille avec ses cubes : si elle savait... Il échappe à sa surveillance et en marchant à quatre pattes se rend dans la chambre de ses parents. Mais le lit est haut ! Il se lève en se maintenant à la table de chevet. Il faudrait qu'il puisse tirer sur ses bras mais il n'est pas assez fort. Il essaye quand même, petit à petit. Hélas il se rate et tombe se prenant le coin de la table sur le crâne... La douleur qui le gagne le fait hurler et sa mère arrive aussitôt comprenant rapidement ce qu'il vient de se passer.
Il y gagne des points de suture, pas grand chose mais assez pour que Claudia se sente misérable, la pire des mères au monde alors que ça n'était qu'un accident.

Troisième leçon : échouer à devenir grand frère
Six ans déjà, Sammy grandit si vite ! Et pour Claudia et Henry il est temps d'avoir un second enfant. Ils s'imaginent déjà tous les quatre, dans leur jolie maison. Ils entendent déjà les rires, les cris, la joie. Tant de chose dont ils ont envie ! Ils veulent un autre bébé. Et le gamin est ravi, on lui a dit qu'il serait grand frère et c'est tout un monde de possibilités qui s'offre à lui.
S'aimer, vivre ensemble, partager joie et peine, c'est tout ce que veulent Claudia et Henry. Ils veulent continuer à faire vivre leur amour, ils veulent agrandit leur famille. Et tout semble parfait. Parce que quand on s'arrête aux apparences, les choses sont souvent parfaites... Rapidement, elle tombe enceinte : plus de règle, des nausées. C'est le plus beau jour de sa vie. Elle le voulait tellement ! Sam a rarement vu ses parents aussi heureux et ça le rend d'autant plus joyeux, d'autant plus excité. La vie semble changée à jamais mais en mieux. Et il va à l'école et il parle avec ses amis. Quand ils parlent de leur frère et sœur, ça a l'air drôle, il a de plus en plus hâte.
La première échographie arrive. Ils ont déjà vécu ça, tout ira bien, il n'y a pas de raison que ça aille mal. Il n'y a que pour Murphy que les choses se passent mal. Alors pourquoi sont ils là, l'air triste. Pourquoi 'papa' tient la main de 'maman' ? Pourquoi tout à coup il n'y a plus de joie. Dans un murmure, dans un léger chuchotement tout est dit :
« Sammy, tu ne seras pas grand frère aujourd'hui, papa et maman se sont trompés. C'était une grossesse pour de faux. »
Ce n'est que bien plus tard qu'il saura ce qu'est réellement une grossesse nerveuse.

Quatrième leçon : échouer à apprendre la guitare
L'acharnement est une preuve de faiblesse. C'est continuer alors que tout est perdu et c'est ce que pratique Sam depuis longtemps. En ce moment, il a jeté son dévolu sur la guitare et il joue. À s'en faire saigner les doigts : les cordes commencent même à être rouge. Mais pour lui ça n'est pas de l'acharnement : il s'entraine juste, il apprend. Il n'y a aucun progrès mais et alors ? Ça viendra ! Avec le temps. Il faut juste du temps.
Il sait lire le solfège, il connait tous les accords par cœur et il a une bonne guitare qu'il a eu pour ses treize ans. Mais il est incapable d'être dans le tempo : il va trop vite, pas assez, bref il n'a aucun sens du rythme. Il y a ça et les fausses notes qu'il arrive à produire... La seule personne qui aime vraiment sa musique c'est Annie, la petite sœur qu'il a enfin eu. Ils ont huit ans d'écart et elle l'idôlatre. Quant à elle, elle est adorable et bien plus douée que lui, elle ne pose pas de problème et a tellement été désirée qu'elle est l'enfant choyée de la famille. Sam en est sûr, elle ne connaitra pas les galères et il a le sentiment que lui, il y aura droit et qu'il aura droit à assez de galère pour toute une fratrie... D'ailleurs, il finit par lâcher la musique : il reconnaît enfin que ça n'est pas fait pour lui. Mais sa guitare, il l'a sort encore de temps en temps avec un large sourire, soit pour draguer, soit juste pour gratter les cordes qui lui sont si familières maintenant.

Cinquième leçon:échouer à faire du parkour
Si la musique n'est pas faite pour lui, la danse ne le sera pas plus. Alors Sam teste le sport, mais pas n'importe quel sport : le parkour. Il a vu Yamakasi quand il était petit et c'est à la mode, alors voilà, lui et ses potes ils se lancent là dedans. Seize ans et encore plus stupide que les autres jeunes de leur âge... Les voilà sur un toit en train de se demander si ça va passer ou non.
Le rouquin s'en fiche, il n'a pas peur. Beaucoup de choses l'effraie mais la hauteur, le vide et la douleur non. Pas plus que l'échec d'ailleurs, mais ça c'est parce qu'à force d'y faire face, on apprend à ne plus le craindre. S'il n'a pas peur du vide c'est en fait parce qu'à chaque fois qu'il s'essaye à quelque chose, c'est comme s'il se laissait tomber et qu'il avait moyen de se rétamer. Et il se rétame tout le temps... Alors se laisser tomber au sens propre du terme ne doit pas être si différent qu'au figuré non ?
Il se tient à l'extrémité, il est sur le point de sauter. Son premier grand saut. Il prend une profonde respiration, et recule pour prendre de l'élan mais dans le mouvement, son pied se prend dans la goutière, il trébuche et tombe du toit pour se retrouver quelques étages plus bas dans une poubelle. S'il n'a aucun talent, au moins il a de la chance !
Finalement, tombé au sens littéral ça fait quand même plus peur : la mort elle n'est réelle qu'au sens propre.

Sixième leçon :échouer à s'occuper de sa petite sœur
Le samedi après-midi, Annie la petite sœur de Sam avait GRS, généralement c'était leur parent qui allait la chercher mais ce week-end là, ils étaient absent et avaient donc laissé au soin de leur aîné la maison et la fillette. À l'heure prévue, il la dépose au gymnase qui n'est pas très loin à pied puis se rend chez un ami pour jouer à la console. Même à ça il est nul mais c'est toujours amusant et chez ses amis il peut fumer sans se faire prendre par ses parents. C'était un de ces après-midis tranquilles comme il les aimait tant : une manette dans une main, une bière dans l'autre et une cigarette entre les lèvres, que demander de plus ? Entres potes, ils refaisaient même le monde et s'imaginaient plus tard, riches et posés :
« J'aurais une piscine intérieure. » annonça l'un.
« Moi un héli-port et une putain de serre à papillon. » renchérit l'autre
Ils y allaient tous de leur petit commentaire personnel, se projetant dans un futur brillant et heureux.
Refaire le monde, cependant, ça prend du temps et la GRS ça ne dure pas si longtemps que ça. Combien de temps Annie dû attendre dehors que son frère adoré vienne la chercher ? À vrai dire pas tant que ça, parce qu'elle est partie sans l'attendre, persuadée qu'elle retrouverait son chemin sans lui. À dix ans, elle se pense assez grande mais n'a pas encore de portable et ne peut pas prévenir son frère qu'elle s'en va et surtout qu'elle est perdue. Et quand Sam se rend compte qu'il est très à la bourre pour aller chercher sa sœur, celle-ci s'est déjà égarée dans White Oak Station.
Plutôt paniqué, le jeune homme se met à fouiller la ville de fond en comble à la recherche de sa petite sœur en se maudissant intérieurement d'être un si mauvais frère. Enfin plus généralement d'être une si mauvaise personne. Au bout d'une heure et demis de recherche il la retrouve pas très loin du gymnase mais plutôt à l'opposé de leur quartier là ou il avait concentré ses recherches jusque là :
« Annie ! »
Elle lui saute dans les bras en pleurant, comme elle est restée scotché à son frère pendant tout le trajet de l'aller et que d'habitude elle prend la voiture elle s'est facilement perdue ne sachant pas vraiment à quoi ressemble le chemin.
« ça va aller, chuuut. »
Heureusement, il ne lui est rien arrivé de grave, Sam ne se serait jamais pardonné si sa petite sœur avait dû subir quoique ce soit...

Septième leçon :échouer à vivre avec ses parents
« Tu n'est qu'un bon à rien ! »
ça, Sam le sait mieux que personne mais qu'est ce que ça fait mal de l'entendre de la bouche de sa mère. Claudia est une furie, elle hurle après son fils, récriant qu'il ne fait que squatter chez eux, qu'il ne fait rien de ses journées, et elle n'a pas tord. Lui ne sait pas trop où se mettre, que répondre à ça ? Il s'est fait virer de l'université, l'a caché à ses parents et ils l'ont découvert rendant sa mère folle de rage. Certes elle ne se montre pas grossière mais c'est juste pour que Annie ne prenne pas la fâcheuse habitude de jurer à tout va comme son imbécile de frère :
« Tu feras jamais rien de bon de ta vie, t'as dix-neuf ans et t'as déjà tout gâché : c'est ton unique talent, te mettre dans la merde ! »
L'injure lui a échappé mais elle bouillonne de rage et son fils ne réagit pas, il n'essaye même pas de se défendre ce qui l'énerve encore plus. Elle déteste avoir l'impression d'être la seule à prendre les choses à cœur :
« Tu empoisonnes cette famille. Depuis toujours. »
Elle s'est calmé et le ton qu'elle emploie était si triste et résigné qu'il brise le cœur de Sam. Il ne sait plus quoi faire pour gagner la grâce de ses parents. Son père, lui, ne dit rien, il se tient debout, le visage fermé. Comme toujours Henry n'est pas facile à comprendre mais le jeune homme connait assez sa famille pour savoir que cette fois ça ne passera pas.
Quand son père ouvre la bouche ce n'est que pour lui demander de faire sa valise et de partir. Ce qu'il fait et son unique regret c'est de ne pas avoir pu serrer sa petite sœur dans ses bras avant de partir dans sa voiture.

Huitième leçon : échouer à se faire larguer
Plus de maison, plus de famille, plus d'étude... Sam a l'impression que son monde se casse la gueule, qu'il n'a plus de constante, qu'il est seul. Ça n'est pas si vrai cependant. Parce qu'il a une copine, Serah, et que ça ne peut plus durer. Justement parce qu'il y a trop de changements dans sa vie et qu'elle ne peut pas le soutenir. Et aussi parce que voilà, il n'est pas vraiment amoureux. Le truc c'est que Sam déteste avoir à larguer les gens, jusque là ça a toujours été lui qu'on lourdait et il le gère bien en plus Serah mérite mieux que de se faire dégager par un raté dans son genre. Et il a tout fait pour qu'elle le jette : il lui a menti en ne lui disant pas que ses parents l'avaient foutu à la porte et s'est assuré qu'elle l'apprenait autrement, il lui a fait entendre qu'il la trompait et a fait en sorte de la négligé, assez pour qu'elle lui en veuille mais pas assez pour qu'elle ait l'impression que c'était lui qu'il la lâchait. Bref, le plan était parfait mais Serah est encore plus parfaite.
Elle ouvre la portière et se glisse dans l'habitacle avec son habituel sourire embrassant rapidement Sam sur les lèvres. Le rouquin n'est pas sûr de comprendre... Elle aurait dû être en colère mais pas du tout :
« J'ai appris ce qui est arrivé avec tes parents... » annonce-t-elle en prenant un air grave.
« Oh... Je suis désolé de ne pas t'en avoir parler... Tu n'es pas fâché ? » baratine-t-il en tâtant le terrain.
Elle le fixe de ses yeux de biche et secoue la tête :
« Bien sûr que non ! Ça a du être dur pour toi... Et je suis sûre que tu as besoin de réconfort... »
Il sait ce que ce ton veut dire et il sait qu'il sera incapable de dire non une fois qu'elle l'embrassera, il sait qu'il s'abandonnera entièrement à son étreinte alors avant même qu'elle commence quoique ce soit il prend son courage à deux mains :
« Serah... Je... Je crois pas que je suis celui qu'il te faut. » entame-t-il d'un ton triste, désolé et mal assuré qu'il maîtrise mal parce que clairement, il n'a jamais eu à faire ça. « Tu pourrais trouver tellement mieux je... »
Elle le fait taire d'un baiser et se glisse sur ses genoux après avoir reculer le siège conducteur sur lequel il est assis. Elle sourit toujours, malicieuse et lui glisse à l'oreille qu'il aura tout le temps de la plaquer après avoir fait l'amour et il consent, parce qu'il est faible face à elle...

Neuvième leçon : échouer à faire de l'origami
Plier dans un sens, puis dans l'autre. Rabattre les coins, déplier, replier, changer de sens, faire des marques et encore plier. Ça le calme. Il a besoin de ça et de la radio : le moteur ronronne doucement alors qu'il fait de l'origami dans sa voiture. Il s'est trouvé un travail puisque son père ne l'a pas appelé : il fait la plonge au Madison Grill. Ça ne lui suffit certainement pas pour se trouver un logement mais au moins il peut manger et payer l'essence.
Il n'a toujours pas revu sa petite sœur, ni sa famille ni Sera. Mais il voit là l'occasion de tout reprendre à zéro. Peut être que cette fois il se foirera moins. Peut être que finalement, son environnement le freinait ! Il déplie une dernière fois le papier et rien. Ça ne ressemble pas au modèle. Il pousse un soupir et se rabat sur des choses simples qu'il a déjà fait un milliard de fois : rouler une clope. S'en fumer une ne lui fera pas de mal. Et puis il se promet que ce sera la dernière : il n'a plus assez de frique. Seulement il sait bien que cette cigarette sera la dernière jusqu'à la prochaine. L'origami ne lui offre pas assez de réconfort, si au moins il avait été moins nul alors peut être qu'il aurait arrêté de fumer parce qu'alors il aurait une passion dans laquelle il gère un peu... Mais même pas. Tant pis et puis il aime bien ça, plier et déplier.

Dixième leçon : échouer à rester en vie
Prendre un peu de recul lui semblait une bonne idée. Partir un moment, s'éloigner de Withe Oak Station juste pour quelques jours, le temps de petites vacances qu'il partagerait avec sa voiture puisque c'est la seule chose qu'il possède encore. Foncièrement gentil, il s'arrête pour prendre une fille en stop, Audrey. Elle est mignonne et drôle : ils n'ont pas beaucoup d'effort à faire pour bien s'entendre même s'ils se connaissent à peine et qu'ils n'ont aucune intention de partager leur secret. Sam ne pose pas de questions, elle non plus et ça leur va parfaitement. Pour dire quoi de toute façon ? Plus il pensait à la soirée où ses parents l'avaient mis à la porte plus il avait envie de vomir et il était bien incapable de savoir si c'était à cause de leur comportement ou du sien. Du coup il préfère se concentrer sur sa survie, parce que c'est ce qui compte réellement.
Il conduit prudemment, les routes sont sinueuses et puis il arrive fréquemment qu'il y ait des animaux. Seulement voilà, il prend de l'assurance avec la radio à fond et la sensation de liberté qui l'habite et qui semble être à son paroxisme au milieux de ces champs. Ils sont seuls au monde, et il se sent bien, comme si pour une fois il ne pouvait rien foirer, qu'il ne pouvait décevoir personne et surtout pas cette fille qu'il vient de ramasser sur le bord de la route. Et puis White Oak Station n'est plus très loin alors il peut bien accélérer un peu. Mais prudence est mère de sureté et il aurait dû continuer à faire attention car voilà qu'un caribou traverse la route, Sam a à peine le temps de réagir qu'Audrey se jette sur le volant, la voiture tourne à gauche ou elle rencontre une sorte de bute qui fait office de tremplin parce qu'ils vont trop vite et que sous le choc, le jeune homme n'a pas freiné. L'engin fait une sorte de vole plané mal contrôlé et s'écrase sur le flanc passager avant de se retourner sur le toit.
Le choc est violent et Sam s'évanouit après avoir lancer un dernier regard à Audrey, au moins, se dit-il, aura-t-il vu une jolie fille avant de mourir.