Seriously, who cares?
You don't.

Oscar nettoie le bar. Il est 1h du matin, il veut rentrer dans son nid. En face de lui, assis sur un tabouret se trouve un homme qui n’arrête pas de lui parler. Le jeune barman, poli avec les clients, se contente de lever les yeux au ciel et de hocher la tête alors qu’il n’a qu’une seule envie; lui dire de la fermer. De plus, l’homme se permet de lui poser des questions sur sa vie personnelle. Oscar le toise, lui explique que ça ne le regarde pas. Puis abandonne. Plus il finira vite, moins de temps ce gars restera dans ses pattes.

Si tu insistes… Je suis né à Calgary, il y a vingt-cinq ans. Tu vas être déçu de ce que je vais te dire, mais comparé à toi, je n’ai rien vécu de très important. Ma mère est une avocate d’affaires qui ressemble à une pierre. Elle ne s’est jamais vraiment bien occupé de moi, elle était bien trop prise par son travail. Honnêtement, je m’en fiche. Je veux dire, quelque chose que je n’ai pas vécu ne peut pas me manquer alors je suis d’accord avec ça. Mon père est le directeur de création d’une agence de publicité. On se ressemble sur beaucoup d’aspects. Les mêmes centres d’intérêt, la même frivolité aussi… Ma mère a des cornes, je ne te raconte même pas. Enfin, ce ne sont pas mes histoires, je m’en moque. Comme tout le reste.

Sauf que c’est devenu mon problème au moment où elle l’a appris. Je devais avoir quinze ans. Une des folles dingues avec qui couchait mon père a décidé de faire du mal à notre famille. Je crois que mes parents n’ont jamais été amoureux, ma mère a simplement décidé de quitter la ville pour des questions de voisinage qui commérait un peu trop sur son dos. Tout a toujours été question de paraître avec elle. Une belle maison. Un beau mari. De beaux enfants. Tu m’étonnes que ma vision des relations humaines soit foutue. Il ne faut pas chercher plus loin. Nous avons donc pris les voiles vers Cranbrook. Les longues journées ennuyantes se succédaient, l’envie de hurler sur ma génitrice qu’elle m’avait arraché à mon père et à ma vie me brûlait à chaque fois que je croisais son regard. Je la déteste, elle n’est pas humaine. Putain… Pourquoi je te raconte ma vie, sérieusement? Arrête de me regarder comme ça, c’est toi qui a demandé.

Mon parcours scolaire était tout ce qu’il y a de plus basique. Je n'avais pas trop d’amis, j’évitais au maximum les gens. Je n’aime pas discuter comme tu as pu le constater. Ou pas d’ailleurs, tu as l’air de t’accrocher. Mais c’est vrai que je suis un sauvage. Je trouvais plus mon compte dans les livres et le dessin qu’avec mes camarades. Ils étaient bruyants et inintéressants. Le seul moyen de les rencontrer autrement était d'aller faire la fête. Je devenais un autre homme. Je te passe les détails, tu n’as pas besoin de savoir ce genre de choses. Le fait est que je n’ai jamais connu l’amour, au final. Parce que j’ai vu ce qu’un couple pouvait donner et non merci, franchement. Je préfère rester seul.

À vingt ans, j’ai entrepris mes études dans le design. J’aimais ça. Parce que me concentrer sur quelque chose canalisait ma trop grande énergie. J’aime créer, aussi bizarre que cela puisse paraître. Ce que je préfère? La vaisselle. J’adore cuisiner alors c'était un plaisir d’imaginer là où j’aimerais mettre mes créations culinaires. Enfin bref. Du coup, j’ai arrêté l’année dernière. Je travaillais en appoint dans un bar et finalement je me suis dit que ça me convenait peut-être mieux, j’ai tellement pris l’habitude de m’occuper de ce genre de lieux que j’ai finalement comme projet d’en ouvrir un. Si je ne change pas d’avis d’ici là.

Avec la réputation que je me suis traîné de ville en ville, j’ai finalement décidé de poser mes valises ici pour être tranquille et apprécier le calme de l’endroit. Et tu vois, ça fonctionne. Cela doit faire un peu plus de six mois que je suis arrivé pour recommencer à zéro et je me sens bien. De là à dire que je suis comblé, n’exagérons pas, mais dans l’ensemble, je n’ai pas à me plaindre. Je ne vois plus mes parents donc tout va pour le mieux, je suppose. Voilà. On ferme, il est 1h15. Bonne soirée.

Oscar pose le verre qu’il nettoie à sa place et adresse un sourire narquois au client qui se lève et paye. Ce dernier n’a même pas répondu, se rendant compte que le jeune homme faisait tout pour ne pas exploser. Oscar comme à son habitude, n’avait dit que les grandes lignes de son passé. Celles qui ne le touchaient pas particulièrement. Étaler sa vie à un client était assez gênant pour éviter de lui parler de son second travail de dealer et de ce qu’il fichait la nuit en boîte. Oscar était un secret, un homme de l’ombre au sang bouillant qui ne demandait qu’une chose; vivre. À son rythme. Comme il l'entendait, au détriment des autres.

Encore une tête inconnue, mais que tu es beau.
Vous voulez nous faire tourner la tête avec tous ses beaux mâles qui arrivent en ville ?
Bienvenue parmi nous, en tout cas.

Oscar A. White a écrit:

T'es pas gentil Arni, j'espère que tu dis ça parce qu'on a parlé sur la CB hier soir, pas parce que j'ai l'air chiant comme la pluie.