le more music, la salle de concert de White Oak Station.
tu n’y étais que très peu allée depuis ton arrivée ici, bien que tu aimes beaucoup les concerts, tu n’avais pas forcément toujours le temps d’y faire un tour. et entre la fac, ton travail à la galerie d’art et les sorties dans divers endroits avec tes amis tu n’y pensais pas forcément à cette salle de concert.
mais aujourd’hui, c’était différent. déjà t’étais seule et puis tu sais pas vraiment comment t’as atterri ici en fait. alors ouais, t’avais un peu bu, mais pas trop, pas au point de ne te souvenir de rien, alors bien sûr tu te souviens de comment tu es arrivée là, la vrai question était ; pourquoi ?
pourquoi ici ?
tes pieds auraient pu te mener n’importe où, ton être aurait pu te guider dans divers autres endroits, pourtant c’est ici que t’as atterri. peut être était-ce encore une des nombreuses fantaisies de ton esprit. une des fréquentes folies de ton imagination débordante.
en plus t’avais dû te démener pour rentrer, vu que t’étais arrivée ici sur un coup de tête t’avais pas acheté de billet. tu t’étais simplement incrustée dans un petit groupe de personnes et avais fait les yeux doux au videur, comme tu savais si bien le faire en arrivant devant lui. des magouilles comme celle là, t’en faisais souvent, ça te faisait faire des économies. ça avait été simple cette fois, malheureusement, ça ne l’était pas toujours. puis tu savais même pas qui jouait ce soir, non, t’en savais rien du tout. si ça se trouve t’allais même pas aimer.
mais là tout de suite, tu t’en foutais.
t’avais simplement envie de te mêler à la foule, de te faire engloutir par tous ces gens devant toi, de participer au brouhaha mélodieux  qui parvenait à tes oreilles. t’avais envie de te laisser aller au son de la musique. et tu plongeais enfin dans la foule, tu te faufilais jusqu’à trouver l’endroit parfait. tu te mettais toujours bien au milieu, pour pouvoir profiter de l’ambiance, être au milieu de la marée humaine et pouvoir observer les artistes sur scène en même temps.
mais t’étais à peine arrivée au milieu, t’avais à peine commencé à bouger ton corps que tu sentis un grand coup dans ton thorax. un coup tellement puissant pour ton petit corps frêle que tu n’avais même pas eu le temps de réagir. t’avais simplement volé vers l’arrière, sans pouvoir te retenir à quoi que ce soit.
et tu t’étais effondrée par terre.
connard. tes yeux fusillaient l’accusé. bien que son regard avait l’air désolé, il avait commis l’irréparable.
tu étais tellement préoccupée par l’homme qui t’avait poussé, que tu n’avais même pas remarqué que tu avais entraîné une autre personne dans ta chute. c’est seulement en te relevant que tu remarquas la jeune femme parterre derrière toi.
oh… merde. tu la fixas un moment avant de réaliser que tu pourrais peut-être l’aider à se relever. j’suis désolée. tu parvins enfin à tendre ta main vers elle. mais tu ne la regardais plus, tu tournais à nouveau la tête vers l’homme. c’est à cause de ce… non tu te calmes, tu ne vas pas t’énerver encore, laisse couler Ana, laisse couler.

la tension était redescendue.
tu avais repris tes esprits et tu t’étais calmée, au moins un petit peu. tes yeux avaient laissé s’en aller l’image de cet homme, qui n’avait même pas pris la peine de venir s’excuser auprès de toi ou de te demander comment tu allais.
c’était la moindre des choses.
mais visiblement la politesse était une valeur qui tendait à disparaître dans ce monde. ça te désespérait.
tes pupilles fixaient désormais la jeune femme blonde que tu avais entrainée dans ta chute lorsqu’elle te demandait si tu ne t’étais pas fait mal. c’est plutôt moi qui devrais vous demander ça… en effet, c’est quand même toi qui lui était tombé dessus. toi tu avais eu quelqu’un pour amortir ton choc, elle n’avait eu que le sol dure de la salle de concert, et il n’avait pas l’air d’avoir été tendre avec elle. mais moi tout va bien merci. sûrement un ou deux bleus demain mais rien de bien méchant.
la blonde enchaîna, elle te disait que les gens étaient trop excités pour faire attention aux aux autres. tu haussas les épaules. toi aussi t’étais excitée, mais ça c’était avant. d’un coup toute l’excitation était redescendue avec cette mésaventure.
t’étais passée assez rapidement du stade de je suis surexcitée et j’ai envie de sauter partout, au stade de je suis calme et je me prépare à fusiller quelqu’un.
tes yeux scrutaient les alentours de la jeune femme. tu venais de remarquer que personne ne lui avait adressé la parole quand elle était tombée, ni même avait essayé de l’aider. peut-être était-elle dans le même cas que toi ? vous êtes venue toute seule aussi ?
t’étais ravie de constater que t’étais pas la seule à avoir ce genre d’idée, que t’étais pas complètement tarée non plus des fois.  bien que thybault te disais souvent le contraire, la plupart du temps quand tu lui proposais quelque chose, sa réaction première était de te dire que tu étais folle. même s’il finissait souvent par accepter tout de même.
au fait, moi c’est anaë. je pense qu’on peut se tutoyer non ? tu regardais autour de toi, il est clair que l’endroit n’était pas vraiment propice au vouvoiement et puis la blonde avait l’air jeune, elle ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans, tu dirais même moins.

tu avais l’habitude de te faire des bleus de toute façon.
bien qu’on puisse croire en apparence que tu sois une petite fille fragile, c’était loin d’être le cas. en effet, tu es une vraie casse-cou. quand tu étais petite tu aimais escalader tout ce que tu trouvais et des bleus, tu t’en étais fait.
tu t’étais aussi déjà cassé deux ou trois os au passage.
maintenant tu t’étais un peu calmée, mais t’en restait pas moins une fille qui n’avait pas peur de se salir les mains ni peur du risque, du danger.
c’était une de tes plus grande qualité mais par la même occasion l’un de tes plus grand défaut. selon la vision que pouvais en avoir les gens bien entendu.
la blonde te confirma ce que tu pensais, elle était venue seule en effet. pourquoi ne pas rester un peu avec elle du coup ? sa compagnie n’était pas désagréable. elle avait l’air calme, mais très sociable en même temps.
t’aurais bien besoin d’une personne calme pour te canaliser de temps en temps.
elle se présenta ; astrid. tu pouvais enfin mettre un prénom sur cette tête blonde qui te faisais face.
tu laissais le son de la musique parvenir à tes oreilles pendant quelques instants, appréciant les quelques notes que tu pouvais entendre. le groupe était pas mal au final, il faudra que tu penses à noter le nom du groupe dans un coin de ta tête. enfin il faudrait d’abord que tu connaisses le nom.
dis, tu sais qui est sur scène par hasard ? tu tentais toujours, peut-être qu’elle savait, elle.
la musique, t’as toujours adoré ça. tu ne pouvais pas passer une seule journée sans en écouter. et selon ton humeur, tu variais le genre de musique.
après avoir accepté de bon cœur le tutoiement, astrid reprit la parole, te demandant si tu venais souvent ici. pas vraiment en fait. tu réfléchis un instant puis tu te repris rapidement. enfin pas que j’aime pas hein. j’adore cet endroit. c’est juste que j’ai pas vraiment eu l’occasion de venir par ici depuis que j’ai déménagé à white oak station. une simple question et tu déballes déjà ta vie à une sombre inconnue, pas mal ana. t’as toujours été bavarde, mais là tu mettras ça sur le compte de l’alcool. et toi ? tu viens souvent ici ?

la blonde n’avait pas l’air d’en savoir plus que toi sur le groupe qui se produisait en face de vous.
des britanniques, c’est tout ce dont elle se souvenait à propos du groupe. t’en doutais pas une seule seconde, les britanniques ont un style particulier, on pourrait les reconnaître entre mille.
il faudra que tu penses à élucider ce mystère en sortant de la salle de concert. il y aura surement des affiches quelque part qui pourraient t’apporter quelques informations supplémentaires.
astrid vint te poser une série de questions sur toi, avant de s’excuser de son indiscrétion par la suite. tu souriais,  ça ne te gênait pas du tout qu’elle te pose autant de questions, au contraire. ne t’inquiètes pas. tu repris ta respiration avant de commencer le récit de ton arrivée ici. oui, je suis nouvelle ici. je suis arrivée à la fin du mois d’août de l’année passée. tu te souvenais de ton arrivée comme si c’était hier, c’était un peu ton échappatoire ici, ton havre de paix, un petit bout de paradis qui t’avait permis d’échapper à l’enfer qu’était devenu ta vie après la mort brutale de ton frère jumeau.
je viens de sydney, en australie. autant dire que je viens de l’autre bout du monde. mais j’me sens bien ici, c'est différent, ça fait du bien. enfin il fait un peu froid mais c’est cool, j’ai pu voir de la neige pour la première fois de ma vie. tu te souvenais de ta surprise lorsque le premier flocon blanc avait effleuré ta peau te laissant une sensation glacée. t’avais l’air surprise et admirative d’une enfant qui découvrait le monde pour la première fois.
et toi, tu vis ici depuis toujours ? assez parlé de toi, anaë, il était temps d’en savoir un peu plus sur cette inconnue blonde qui te faisait face. c’était la première fois qu’elle venait dans la salle de concert, peut-être venait-elle d’ailleurs elle aussi du coup ? elle était certainement arrivée récemment, comme toi. ou peut-être qu’elle n’aimait simplement pas fréquenter ce genre d’endroit habituellement. raconte moi, qu’est ce qui t’a ramené ici toute seule ce soir alors, astrid ? t’aimais bien, entendre les histoires des gens, parce que chaque personne avait une histoire à raconter selon toi. et c’est ce qui faisait de chaque personne que tu rencontrais, quelqu’un d’unique.