~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
J'étais le genre de mec passe partout, simple, intelligent, nageur dans l'équipe de natation. Un mec qu'on trouvait cool, hilarant, charmant. Mais les mecs, lorsqu'ils deviennent ados, font l'inverse de ce qu'ils devraient faire. Au lieu de me monter tel que j'étais, je me suis fait passer pour autre chose. Je me fis prendre au jeu de la popularité. Me moquant des plus reculés socialement parlant, j'étais un petit con. C'est le bon terme. En plus de mon attitude totalement ingrate, j'ai enchaîné les mensonges. Je passais aux yeux de tout le monde pour le tombeur de ses dames. La réalité est bien moins glorieuse. J'étais toujours puceau, car bien trop maladroit pour aborder les filles correctement, quelqu'un de plutôt gentil, câlin et attentionné, un mec qui rêvait de trouver « la fille » idéale, bref, un être aux antipodes du garçon totalement stupide que je laissais paraître. J'ai passé mon lycée à jouer un rôle, à être quelqu'un qui n'était pas moi, pourtant je garde certains bons moments et de belles rencontres.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Je suis malheureux comme les pierres. Ma vie n'a aucun sens. J'ai terminé mes études plus tôt que prévu à cause de mes capacités, j'ai trouvé un job en tant qu'informaticien (la suite logique) et ainsi je débute ma vie en tant d'adulte. Sauf que rien ne se passe. J'ai l'impression de suivre les traces de mon père. Rondouillard, alcoolique et mécanicien depuis qu'il a quinze ans, il n'a jamais quitté la ville et sa vie est merdique. Je rêve de partir d'ici, de voir du pays, d'enfourcher une vieille bécane et de rouler jusqu'au cap horn. Mais ceci n'est qu'illusion, qu'un rêve. Je me contente donc d'enchaîner les journées de boulot, de rentrer le soir, de m'avachir sur mon canapé limite troué, de boire une bière en matant la rediffusion d'un match de football. Boulot et dodo, voilà ce à quoi se résume mon existence. Je suis voué à devenir un être misérable, sans petite-amie, seul et à subir ce train-train quotidien jusqu'à mon dernier souffle. Donc ça serait mentir que de dire que je suis heureux, même si c'est ce que je dis à qui veut l'entendre.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Je me vois inchangé. Toujours la même larve jonglant entre boulot, manger et dodo. Même si dans mes rêves, j'aimerais me retrouver dans dix ans comme un homme charismatique, brave, voyageur et dans les bras d'une délicieuse créature. Avec une bonne situation sociale et une future famille en route. Un futur accompli et où je serais comblé de A à Z. Mais ceci reste un fantasme qui ne se réalisera jamais. Car je n'ai pas le courage nécessaire de prendre des risques.

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: julie. ÂGE: vingt ans. LOCALISATION: france. PRÉSENCE: 7/7, mais ça dépend des jours. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? bazzart. AUTRE CHOSE À AJOUTER? .

Qu'en est-il de ma vie aujourd'hui ? Il n'en est rien. Honnêtement, c'est un désastre. Dans ma tête, celle-ci semble meilleure, mais la réalité me rattrape toujours. Je n'ai plus le goût de la croquer. Je ne l'ai jamais eu. Je me suis laissé vivre et à l'heure actuelle j'en paye les conséquences. Mon enfance est celle d'un enfant banal qui a grandi dans un milieu peu favorisé. Ma mère, qui était une femme totalement aimante et pleine d'amour, décéda brutalement d'un cancer. Mon père, un mécanicien crasseux à la brioche imposante, est devenu dépendant de la bouteille suite à cet événement. Et moi, petit garçon studieux, brillant et curieux, j'ai dû me débrouiller seul pendant de longues années. Dès le début de l'adolescence, j'ai pris la décision de ne pas être la tête de turc de mes camarades. J'en avais les caractéristiques, alors j'ai mis en place un stratagème pour avoir une scolarité tranquille. Celui-ci consistait à être l'opposé de ce que j'étais. Une idée totalement stupide. Au lieu d'être le maladroit et gentil garçon que j'étais, je passais aux yeux des autres comme un mec avec du charme, une certaine arrogance et un penchant pour la méchanceté gratuite. Sincèrement, j'étais un petit con. Mais un petit con qui enchaînait les coups au lycée, qui était cool et apprécié. Même si les ¾ des informations me concernant n'étaient que des mensonges profanés pour embellir mon image. Je n'avais pas conscience que mes gestes et dires auraient des conséquences. Jusqu'à ce que je la rencontre.

« Mais m'dame, je vous assure que je ne suis pas coupable, vous vous méprenez ... » « Cesse de bavasser, prend un balai et va effectuer ta colle. Tu seras accompagné de Mademoiselle Bradshawn, donc pas de bêtises. Je vous surveille ! ». Dans ma tête j'ai un tas d'insultes qui me parviennent la concernant. Je me retrouve collé à la place d'un autre pour une connerie que je n'ai pas faite. Quelle injustice. Plus qu'agacé, je trouve ceci honteux. Mais je n'ai définitivement pas le choix. Je me suis foutu dans une sacrée merde, il ne vaut mieux pas que je m'enfonce. Cela risquerait de ruiner ma réputation et mon image d'élève studieux. Cette colle va faire tâche dans mon dossier à l'entrée à l'université. J'empoigne le balai qu'elle me tend et je me dirige vers le petit parc du lycée. Marmonnant dans ma barbe d'autres insultes à l'égard de la sorcière, je rejoins une demoiselle déjà sur place. Celle-ci est accoudé à l'arbre et semble s'en foutre de la tâche qu'on nous a assigné. Son visage me dit vaguement quelque chose. Sans doute une fille que je croise de temps en temps. En réalité, je ne la connais pas en dehors. M'approchant d'un pas timide vers elle, je lui finis par lui dire. « Tu sais qu'on a deux heures pour nettoyer ce merdier, tu comptes rester les bras croisés ? ». Elle me lance un regard noir et effrayant. Pour quelqu'un ayant une gueule d'ange comme la sienne, c'est plutôt intimidant d'être fixé de la sorte. « Et bien pas de temps à perdre, tu peux te mettre au boulot mon coco .. ». Son ton est à la fois moqueur, railleur et sec. J'ai l'impression qu'elle ne m'aime pas et pourtant on ne se connaît pas. Je décide de ne pas me laisser faire et jette au sol mon balai. « Le travail peut attendre. Sinon tu t'appelles ? » « Rhiannon ».

Très vite nous sommes devenues amis. Comme avec cette fille, Ellie, qui m'ignorait complètement au lycée, mais qui une fois rentrée chez elle, venait me parler sur internet. On pouvait rester pendant des heures à discuter de tout et de rien. Sauf qu'avec Rhiannon c'était différent. Avec elle, j'étais moi-même et je ne me cachais pas. On partageait beaucoup de choses et je pouvais parler ouvertement avec elle. Très proche, elle m'est devenue indispensable. Au point qu'à la fin du lycée, je lui ai offert ce que beaucoup de monde pensait que j'avais perdu avec une autre il y a bien longtemps. Elle a été ma première fois et j'ai été son premier. Cette nuit-là fut intense, voir magique. J'ai été submergé par des sentiments que je ne pouvais pas contrôler. Mais quelque chose fut brisé au même moment : notre amitié. Les choses changèrent. Chacun devait faire un choix pour l'avenir, partir et débuter une vie d'adulte. Avec la pression et des sentiments ingérables, une énorme dispute s'en suivie. Elle m'a balancé mes quatre vérités et j'ai réagi comme un con. Au lieu de me battre pour elle, j'ai abandonné. Elle est partie de son côté et moi du mien. Je ne l'ai plus jamais revu. Pourtant elle reste ma première fois, mon premier « amour » même si celui-ci fut de courte durée. Elle reste ancrée dans ma mémoire et je ne peux rien y faire pour l'oublier. Même si avec les années, je suis passé à autre chose, j'ai évolué. Je suis donc entré à l'université pour apprendre l'informatique. Un domaine de prédilection pour moi. Cette période aurait pu être fantastique si je ne m'étais pas pris la tête à chercher qui je voulais être réellement. Je me suis posé tant de questions, je me suis pris la tête et j'en ai oublié de vivre, de profiter. Une fille m'a rappelé pendant un instant ce que c'était de lâcher prise. Une soirée inoubliable.

« Tu te fais chier toi, je me trompe ? » « Bingo .. » Dis-je sans même prendre la peine de lui adresser un simple regard. Celui-ci étant plongé dans le vide, je réfléchis à ce que pourrait être ma vie. En ce moment, je suis les traces d'un être totalement banal. Je sors peu, je travaille beaucoup, mon existence est un désastre et je n'ai pas encore terminé mes études. Que sera ma vie plus tard ? Un quotidien monotone, morne et avec peu de plaisirs ? Je veux vivre et profiter de celle-ci. Je veux me barrer d'ici. Partir loin pour ne jamais revenir. Partir en emportant le strict minimum. Dans ma tête, j'ai l'air d'un aventurier qui n'a pas froid aux yeux. Dans la réalité, je suis qu'un piètre étudiant en informatique qui se trouve à une soirée avec un tas de filles à poils, mais qui ne s'amuse pas. Pensant que la personne venue me déranger était repartie s'éclater, je l'entends reprendre la parole. « Viens avec moi ... ». Sans même attendre ma réponse, elle me prend par la main et m'entraîne avec elle. Je n'ai pas le temps de réagir ou même de refuser. Bêtement, je suis cette fille. De toute façon, ça ne pourrait pas être pire. Ainsi après avoir grimpé de nombreux escaliers, franchis quelques couloirs et portes, je me rends compte qu'on se trouve sur le toit de l'université. Ahuri, surpris, je n'ai plus les mots pour exprimer ce que je ressens. Elle m'approche du bord et me souffle à l'oreille. « Crie ».

Elle m'a fait faire des trucs dingues. Des trucs que je n'aurais jamais fait. Elle m'a fait vibré un instant. Elle ne m'a jamais donné son nom, je n'ai donc jamais su qui elle était. Le lendemain matin, elle s'était envolée. Une déception, mais au fond j'ai beaucoup appris en étant à ces côtés cette nuit-là. Je n'ai pas pour autant pris en compte ces recommandations. J'ai terminé mes études il y a quelques mois et je viens de trouver un job en tant qu'informaticien. Ma vie est toujours aussi minable. Je suis seul, sans ambition, dépourvu de courage. En bref, ma vie se résume à rien, ou presque.