Certains de mes collègues désapprouveraient probablement mes méthodes de travail, mais personnellement, j’étais d’avis que tout le monde avait le droit à une chance de réussir et ce, peu importe les efforts supplémentaires qu’il fallait y mettre. C’est ce qui expliqua pourquoi, lorsqu’une étudiante se présenta pour demander s’il était possible de faire quelques activités de rattrapage pour être à la page sur les cours perdus au cours des dernières semaines, je ne lui avais pas dit de se débrouiller comme certains l’auraient fait, mais au contraire, je lui avais proposé une séance de photographie qui lui servirait à apprendre les notions qui lui manquaient pour poursuivre le cours sans problème. Ayant choisi de lui offrir ce cours sur le terrain plutôt que dans une salle de classe, puisque je préférais de loin la mise en application plutôt que la théorie, je ne pus l’accueillir dans ma classe ou à mon bureau après les cours. En effet, sitôt que j’eus rangé mes affaires et pris mon appareil photo que j’avais eu la présence d’esprit d’apporter cette journée-là, je me rendis dans un parc non loin de l’université. Ne voyant pas l’intérêt de prendre ma voiture pour ce faire, je m’y rendis à pied, et quelques minutes plus tard, je repérai la demoiselle sur un banc. Je m’approchai donc, et je lui dis : « Bonjour Aimee, je ne vous ai pas fait attendre trop longtemps, j’espère. », lui souriant poliment en attendant sa réponse, préférant la vouvoyer pour le moment, comme je le faisais avec la majorité de mes étudiants, sauf en cas d’avis contraire, n’étant pas nécessairement difficile sur ce point, simplement consciencieux de rester aussi professionnel que possible.

Après quelques minutes à fixer l'horizon, ton regard croisa celui du beau professeur qui marchait vers toi. Tu te levas donc, armant ton visage d'un radieux sourire. Après tout, tu n'allais quand même pas être désagréable avec lui; lui qui s'était si gentiment offert pour t'aider à rattraper le temps perdu. « Bonjour Aimee, je ne vous ai pas fait attendre trop longtemps, j’espère. » Tu souris de plus belle en secouant doucement la tête. « Oh pas du tout ! D'ailleurs, je suis très patiente alors même si vous aviez eu quelques minutes de retard, je ne vous en aurais pas tenu rigueur ! » dis-tu avec un grand sourire. Tu pris l'appareil photo que tu avais laissé sur le banc et le porta à ton oeil. Sans réfléchir, tu pris un cliché de monsieur Shelton. Un petit rire s'en suivi. « On peut commencer ? » demandas-tu d'une voix plutôt enjouée, presque trop dynamique. À dire vrai, tu avais plutôt hâte de débuter. La photo t'avait toujours un peu attirer et c'était d'autant plus le cas maintenant que tu pouvais passer quelques instants seuls à seuls avec le professeur ! ~

Je ris doucement et poliment au moment où la demoiselle me dit qu’elle était du genre plutôt patiente, ce qui faisait en sorte que même si je l’avais faite attendre un peu plus longtemps, cela n’aurait pas été plus grave que ça pour elle. Toutefois, pendant que je riais ainsi, je perdis quelque peu ma concentration, laissant ainsi l’opportunité à Aimee de prendre une photo tandis que son appareil pointait droit vers moi. Je ne pus m’empêcher de demeurer quelque peu surpris par son initiative, parce que je n’avais certainement pas l’habitude qu’on me prenne en photo, puisque j’étais toujours celui qui prenait les gens en photo et non l’inverse. Cependant, je ne lui en tins pas rigueur, reprenant une certaine contenance et concentration lorsqu’elle me demanda si on pouvait commencer. Ne voyant certainement pas pourquoi je m’y opposerais, je lui répondis avec enthousiasme : « Bien sûr, allons-y ! » Puis, compte tenu que je n’avais jamais aimé m’imposer de quelconque façon, sitôt que j’eus fait quelques pas en compagnie de la demoiselle, je crus bon de lui demander : « Avez-vous une idée du genre de photo que vous voulez prendre ? », me disant qu’elle pourrait très bien me dire quel type de photographie elle voulait dans son portfolio à rendre à la fin du trimestre dans mon cours, ou simplement pour son plaisir personnel, tant que cela restait dans la limite du raisonnable, bien évidemment.

Bien que le cours de photographie soit une matière sérieuse et obligatoire à la validation de ta première année de faculté, tu avais un peu de difficulté à ne pas le prendre à la légère, surtout avec un professeur aussi canon que Liam l'était. Évidemment, tu ne devais pas être la seule à avoir ce problème. Toutes les filles de la classe devaient être dans le même bateau. Même les gays... Après avoir pris un cliché à l'improviste du professeur, tu lui fis par de ta motivation à commencer la leçon. « Bien sûr, allons-y ! ». Tu te levas d'un bond, le grand sourire collé aux lèvres. « Avez-vous une idée du genre de photo que vous voulez prendre ? » te demanda-t-il alors que vous commenciez à marcher je-ne-sais-où. Tu pris une grande inspiration en regardant le ciel. « Je pense que j'aimerais quelque chose d'abstrait, mais qui dégage quand même un sentiment quelconque. » Oh, super clair ça comme explication ! Malgré qu'il s'agit d'un professeur de photo, il a donc le côté artistique en lui et comprendrait sûrement ce que tu as voulu dire. ~

Ah çClairement d’aplomb à commencer sa leçon, Aimee ne tarda pas à se lever de son banc pour débuter officiellement cette séance photo qui, je l’espérais, n’allait pas compter d’autres clichés de ma personne. Non seulement, j’avais horreur d’être pris en photo, et ce n’était pas nouveau d’aujourd’hui, mais de plus, je considérais que c’était la moindre des choses pour garder un lien professionnel entre Aimee et moi-même. Celle qu’elle avait prise, je ne l’avais clairement pas vue venir, et je n’avais pas su intervenir par la suite, mais si jamais l’incident se reproduisait, alors j’allais lui expliquer mon point de vue sur la question. Pour le moment, cela n’arriva pas, et à mon soulagement, je pus plus amplement me concentrer que les photos que la jeune femme voulait prendre. Rapidement, elle m’expliqua qu’elle voulait quelque chose à la fois abstrait mais capable de susciter une émotion. À son explication, je ne pus faire autrement que sourire, puis finalement lui répondre : « En fait, le sentiment, vous ne pouvez pas le dicter simplement en prenant la photo. C’est l’interprétation qui le donne. » Il fallait avouer que pour le coup, j’avais simplement dicté une phrase toute banale, purement rhétorique, et dans ce contexte, cela ne me plaisait pas vraiment. Histoire de me rattraper, je m’efforçai d’être plus précis en disant : « Pour prendre une photo qui dégage une émotion, il faut que vous la ressentiez, que vous soyez capable de la visualiser en prenant la photo. » Finalement, compte tenu que le fait de la voir regarder le ciel m’avait donné une idée, je pointai les nuages du doigt, et je dis : « Par exemple, le ciel, est-ce que ça vous dit quelque chose en ce moment? Ou pas du tout ? »