" Friends are bitter. "

Un samedi matin comme les autres commencent aujourd'hui. Enfin comme les autres. Comme mes autres samedis matins quoi, mais ça risque de paraitre assez exceptionnel à certain un peu trop coincé. J'ouvre les yeux dans mon lit certes, mais ce lit est aussi occupé par une jolie créature, une jolie blonde dont je ne me rappelle ni l'existence ni le nom à vrai dire. Je me demande même si je l'ai connu à un moment de la soirée d'ailleurs. Je la remercie donc assez clairement, lui faisant comprendre que j'ai bien apprécier notre nuit, même si j'étais trop saoul pour m'en souvenir mais qu'elle n'allait pas rester pour le petit dej. Goujat, connard, macho, sans aucun respect pour les femmes, j'ai déjà tout entendu, vous pouvez vous défouler, allez y. En tout cas elle ne s'est pas gêné, m'obligeant même à me lever du lit pour aller fermer la porte derrière elle. Aucune politesse les femmes de nos jours je vous jure ! Clope du matin en main et en bouche, je jette un rapide coup d'oeil à l'horloge. L'horloge indique midi. A l'heure pour le repas et les restes de pates de la veille feront l'affaire. Pendant que celles ci réchauffent au micro onde, je pars à la recherche de mon portable, me demandant à qui j'ai bien pu manquer cette nuit. Et bingo, j'ai bien manqué à quelqu'un et ce quelqu'un n'est autre qu'Emy. Tiens ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de ses nouvelles. Rendez vous à midi à la place ? Ah j'ai loupé l'heure je crois. Tant pis ! Par chance, je n'habite pas bien loin de l'endroit dit, mais ça ne m'empêche pas de prendre mon repas tranquillement. Bon, en grand gentleman je me décide quand même à lui envoyer un message " Salut beauté, j'aurai du retard, mais j'arrive ! " Ni combien de retard, ni pourquoi, juste assez clair pour qu'elle sache qu'elle va attendre, mais au moins ce n'est pas pour rien.

Quinze petites minutes plus tard, je suis fin prêt, sur le pas de la porte et pars à la rencontre d'Emy. Qui est Emy d'ailleurs ? Une fille qui a commencé dans mon lit et qui est maintenant une amie, ue des rares filles que je considère comme une amie d'ailleurs, ce qui ne m'empêche pas de penser à la remettre dans mon lit un de ces jours. J'arrive donc sur la place et commence à la chercher du regard quelques secondes avant de l'apercevoir assise sur un banc, ses écouteurs dans les oreilles. Je m'approche alors en souriant et lui lance " Ca y est, ton prince est là ! "tout en m'asseyant à ses cotés après lui avoir fait la bise. Je reprends assez vite " T'avais tant besoin de moi que tu m'as attendu une demi heure ? Ou alors t'étais en manque de moi.. Je comprendrai parfaitement ! " Prétentieux ? Si peu. Mais elle me connait comme ça et elle l'a toujours accepté.

Cette place est prosaïque.
Le soleil était haut dans le ciel et le clocher de l'église avait fait ses douze coups. Étudiants comme adultes s'empressaient d'aller et venir. Les enfants s'asseyaient sur les bancs de la place et se dépêcher d'engloutir une masse de nourriture suffisamment imposante pour tenir le reste de la journée. Je branche mes écouteurs à mon téléphone pour éviter d'être publiques de ce concerto sandwiché. Mon téléphone vibre, je le déverrouille, et par grande surprise. " Salut beauté, j'aurai du retard, mais j'arrive ! " génial. j'explose et saute de joie secrètement. Je ne savais porter quel jugement sur sa venue, maintenant je sais, et j'en profite pour rénover l'avis que j'avais sur lui et sur son caractère de goujat. J'ai beau dire ça, la confiance m’imprégnait dès que je l’apercevais. Nolan, c'est en quelque sorte : mon pilier, ma colonne ionique.

Je m'empresse de répondre à son message : « Ok, je t'attends » Je m’exécute, j'attends, et l'ennuie me tient, enragé. Autant en faire bon usage : je revisite mon passé, redécore la place, déshabille et rhabille les passants et vide la fontaine rien qu'en pensant. Heureusement, voilà mon sauveur : " Ca y est, ton prince est là ! " Je retire mes écouteurs et lui fais la bise. " T'avais tant besoin de moi que tu m'as attendu une demi heure ? Ou alors t'étais en manque de moi.. Je comprendrai parfaitement ! " Je lui souris et lève légèrement mes sourcils. Toujours aussi prétentieux. Il ne fallait, en même temps, pas s'attendre à un changement radical, surtout venant de lui. Je regarde ma montre. Cela faisait bien tentes minutes que j'étais planté sur ce banc comme un rosier fané. Pour moi, ces tons et ces phrases prétentieuse, sarcastique et caustique n'était qu'une carapace pour Nolan. C'était mon avis, peut-être me faisais-je de fausses idées. C'est pour cela que je les évitaient, en n'en venant directement au sujet principal. " Ça va toi ? "lui dis-je en lui souriant, le regard blasé.  

" Friends are bitter. "

Des femmes dans mon entourage ce n'est pas ce qui manque, mais des femmes qui comptent c'est beaucoup plus rare. Et des femmes qui comptent, et qui ne font pas parti de ma famille, c'est carrément miraculeux. D'ailleurs, la seule qui me vient à l'esprit c'est Emy, la seule qui semble me comprendre un peu, et me comprendre de la bonne façon. Elle me le fait sentir sans forcément mettre des mots sur ce que je suis, ce que j'accepterai mal et elle le sait. Elle ignore mes taquineries quand j'arrive, elle ne réplique pas, sachant que ce sont de simples provocations. Je m'assois donc à ses cotés sur le banc, jetant un petit coup d'oeil à la place sur laquelle on se trouve. Toujours des gens qui trainent, des amoureux qui se tiennent par la main, des couples qui se disputent plus loin. Ca donne envie l'amour mais pas bien longtemps, donc pas la peine de s'y frotter. Mon attention se tourne alors vers Emy qui me demande comment je vais " Parfaitement bien et toi ? Que me vaut ce message de détresse ? " Parfaitement bien ? Oui c'est toujours plus facile d'en rajouter pour ne pas avoir de questions. Et je connais ses messages, je me doute bien que si elle m'a demandé de façon aussi insistante de la rejoindre et qu'elle m'a attendu une demi heure, ce n'est pas juste pour me demander si ça va, il y a forcément autre chose. D'ailleurs, ça me fait toujours autant bizarre que quelqu'un m'appelle moi quand il y a un problème. Alors que le monde entier me voit comme un menteur manipulateur, elle décide toujours de se confier à moi, à ma plus grande surprise et c'est aussi peut-être pour ça que je baisse un peu ma garde avec elle. Juste avec elle.

Spoiler:

je n’ai pas peur, je veux avoir peur ! je veux avoir mal ! je veux me souvenir que je n’ai pas peur.
C'était le même scénario : il venait et je vidais mon sac avec aise. Cette fois ci je ne pouvais pas exprimer mes sentiments. Ils étaient trop violents et je les répugnaient, exclamant au monde entier mon aversion pour ce goût amer qu'était mon pilier. Vous savez ? la chose que vous détestez le plus au monde mais qui est indispensable pour votre survie, dans mon cas c'est moi-même. Alors je m'auto-mutile pour me soulager. Je voudrais ne rien ressentir, mais pouvoir exprimer mon ressenti; chose impossible. Je suis aussi complexe qu'une énigme sans réponse. Je plane. Je laisse mon regard divaguer vers nolan, et mes prunelles se mettent à briller. Je prend le bout de mes manches pour venir les coincer dans la paume de ma main et les serrer. Je ne veux pas qu'il voit ces horreurs. Je parle de mes bras scarifiés et de mes veines éclatés. Je parait normal, mais ne serais-je pas folle. Regardez moi, je suis l'adolescente assise sur un banc accompagné d'un ami. Ordinaire, normal; je suis ordinaire et normal, je suis le contraire de moi-même. Je me le répète, mais je ne l'entend pas. Je suis la dernière carte de ce méchant poker. Retournons-là. Je suis le valet de pique : je haïs, je m'affirme. Je suis, je vis, j'attaque, je détruis. Je pense donc je contredis. Je ne suis solidaire que de moi même. Personne ne me brise le cœur. Je détruis tout ce que je touche.

Sa voix retentit. " Parfaitement bien et toi ? Que me vaut ce message de détresse ? " J'avais trouvé un prétexte pour témoigner de ma douleur indirectement : mes études. C'était similaire à moi-même, dans les deux cas ça me bouffait. C'était dur. Dur de cacher des choses à nolan. Je croyais pouvoir lui dire tout. Enfaite je pouvais lui dire tout, j'avais le choix. Mais j'aurais rompue notre amitié par peur qu'il me prenne pour une folle. J'ai peur, peur de le perdre en étant moi-même : emy, la révoltée, l'évadée, la mauvaise tête, la voleuse d’œuf qui volera un bœuf, " la petite salope qui a bon cœur ". J'ai peur de mon destin, de l'avenir, de ces cortèges d'incroyants et de ces citées peuplées de sots. « Non, ça ne va pas. » je suis perdue aurais-je pue ajouter, mais je n'en avais pas le cœur. Je suis faible, ces sentiments me rendent faible, frêle et vulnérable. Je ne suis plus l'intrépide toxico, je suis la malade torturées. Et j'envoie, sans cesse, des s.o.s que personne ne peut percevoir. Je reprend en détail : « Je suis entrain de devenir folle. » dis-je avant de rajouter briévement avec une petite voix et sans conviction « à cause des études. »

Spoiler:

" Friends are bitter. "

Ma plus grande passion ? Etudier les gens. Oui vraiment, étudier les gens. Chercher à les comprendre, à capter leur fonctionnement, prévoir leur réaction. Attention, pas par soucis social, loin de là, mais plutot comme des cobayes, comme des cas à étudier, comme un médecin légiste quoi. Vous n'allez pas me dire que le médecin légiste fait son métier pour le coté humain et social du job non ? Moi c'est pareil. Je fais des études de psychologie, mais uniquement pour mon plaisir personnel, pour ma soif d'apprendre et de comprendre le monde, parce qu'au mieux on le comprend , au mieux on peut le manipuler et en faire clairement ce qu'on veut. Et je crois que si je me suis "attaché" à Emy c'est aussi pour ça. Certes elle m'a compris, elle a capté mon fonctionnement comme je dirais si bien, mais j'ai aussi des milliers de choses à apprendre sur elle, des milliers de trucs bizarres qu'elle dit et qu'elle fait que je n'ai pas encore compris. Une fille qui me comprend mais qui n'est pas intéressante n'aurait jamais pu faire parti de ce cercle très restreint de gens que je peux appeler amis. Mais ce n'est pas son cas, et elle me le prouve, involontairement, une nouvelle fois aujourd'hui.

En effet, elle m'appelle en urgence, c'est donc qu'elle a un truc à me dire. Jusque là, il ne faut pas avoir un doctorat de psycho pour le déduire. Et vient la question " Ca va ? " : question stupide je vous l'accorde mais question qui sous entend que je suis bien là pour parler de son problème et non du beau temps. " Non ça va pas ". Merci, je m'en serai douté jolie brune. Je lui fais un petit signe de la tête, montrant que j'attends la suite, suite qui ne tarde pas à arriver. Elle est donc en train de devenir folle. Ah. Parce qu'elle ne l'était pas déjà ? Elle a toujours été décalée cette fille, il serait temps qu'elle s'en rende compte. Alors que j'étais sur le point de lui répondre ceci, elle complète sa phrase en me disant que sa folie est due aux études. Et là je comprends que ça ne va vraiment pas. Elle commence à mentir, à essayer de mentir, donc il y a quelque chose de plus grave. " A cause des études ? Tu m'as pris pour un blond ou quoi ? Y'a écrit idiot sur mon front ? C'est quoi la vraie raison ? Qu'est ce qui t'arrives ? Un mec ? Ta famille ? Tes amis? Crache le morceau sans passer par quatre chemins, on gagnera du temps. " Et surtout j'ai envie de savoir ce qui te met aussi mal mais j'ai trop de fierté pour te montrer que ça compte pour moi. Et j'espère qu'elle va tout me dire, parce que de toute façon elle sait très bien qu'elle ne repartira pas d'ici sans avoir parler. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle m'a appelé, moi, et pas un autre. Je devrais penser à lui faire payer ses séances de psy à la petite.

Spoiler:

" Friends are bitter. "

Comme je vous le disais, j'aime les choses compliquées, les relations compliquées, les gens compliqués. La simplicité c'est bien trop banal et inintéressant. Oui je me sers de mes connaissances comme des cobayes pour enrichir ma compréhension des autres et alors ? Ca n'a pas l'air de les déranger vu que je les aide par la même occasion. Tous les psy ont un fond un peu pervers et sadique non ? Il en faut bien un pour aimer s'immiscer dans la vie des gens jusqu' à les faire souffrir. Je devrais faire payer mes amis pour m'écouter en fait ! Un jour les gens payeront pour m'écouter poser des questions et pour se laisser scruter dans les moindres détails de leur esprit. Enfin bon, la séance du jour est destiné à Emy, une bonne cliente je dois bien l'avouer, surement une de mes meilleures. Elle est tellement.. étrange qu'elle en devient géniale. Un vrai phénomène à elle toute seule et la phrase qu'elle trouve à me répondre l'illustre parfaitement. Elle est donc incompatible avec elle même. Mmh c'est embetant ça, vous ne trouvez pas ? Quand je vous dis que j'ai devant moi un véritable cas d'étude. La meilleure solution, d'après moi, est de tourné la situation à la dérision. A voir comment elle va le prendre. " Je vois... Et t'arrives à séparer ces deux personnes ou faut que je parle aux deux en même temps ? Non parce que les plans à trois c'est mon délire sauf que là t'as un seul et même corps, donc je me fais un peu arnaquer tu vois ! Une fille deux fois plus chiante mais avec une seule paire de seins.. " Enigmatique aussi n'st ce pas ? Au moins c'est dans son monde, elle devrait comprendre. Et puis peut-être qu'en m'écoutant, elle va trouver ça ridicule et comprendre qu'elle se complique la vie toute seule. Je reprends malgré tout, plus clairement, posant de réelles questions. " Et sinon, pourquoi ton égo est une salope ? T'as grillé le passage piéton à une vieille pour te sentir puissante ou c'est plus grave que ça ? " J'ai dis " réelles " questions, j'ai pas dis plus sérieuses que je sache ! N'empêche que je suis persuadé que mon second degré peut faire des miracles en thérapie psychologique. J'ai hate d'entendre la réponse de ma chère brunette, toujours assise à mes cotés sur le banc, fuyant mon regard comme la peste.

" Friends are bitter. "

Je ne vais pas mentir, bien sur que j'ai essayé de mettre Emy dans mon lit. C'est évident. C'est la première chose que j'ai essayé de faire, comme toujours en fait. Mais ça n'a pas marché, elle n'a pas craqué, elle m'a très vite fait comprendre que mon petit jeu de marchait pas sur elle. Et puis à force d'essayer, je me suis vite rendu compte que plus que son physique, sa personnalité me plaisait vraiment et que ça serait dommage de gâcher ça au lit. Et on en est arrivé là. C'est pas plus mal. Même si, je vous l'avoue, j'aurai surement du mal à résister si elle m'attirait dans son lit. Je ne suis qu'un homme après tout ! " Une arme ? Tu crois encore me faire peur avec tes deux personnalités totalement innocentes ? Je crains strictement rien ! " Peut-être une façon de la rassurer aussi. Elle n'est pas si folle que ça. Certes ça serait mentir de dire qu'elle n'est pas un peu perturbée mais ça reste gérable.

Je lâche un petit rire quand elle se lève pour aller boire un coup, alors que quelques secondes avant elle était dépressive. j'adore cette fille. " C'est toi qui paye alors ! " Quoi ? La galanterie ? Connais pas, désolé. Et voilà le coté folle qui revient, le coté prêt à écraser une vieille femme pour faire plaisir à son égo. Déjà le fait d'écraser une vieille femme volontairement n'est pas très net, mais si en plus ça flatte son égo et ça la fait se sentir puissante, ça devient carrément flippant. Carrément Emy en fait. " Hm.. Je reste toujours persuadé que tu es passé sur la banquette arrière avec ton examinateur le jour du permi ! " lançais je en riant tout en marchant à ses cotés dans la rue piétone. Je m'arrête face à un petit bar, quelques personnes sont déjà assises, personnes que nous rejoignons assez vite en prenant place à une table sur la terrasse. Maintenant que l'amusement du début est passé, que les taquineries ont été lancées, je peux demander plus calmement et plus sérieusement " Bon, qu'est-ce qui t'arrives, vraiment ? Qu'est-ce qui s'est passé pour que je te retrouve dans cet état ? A qui je vais encore devoir casser la gueule ? "  Ca ne serait effectivement pas la première fois que je m'interpose entre elle et un mec à qui elle a fait croire mondes et merveilles dans un moment de folie. Mais je suis aussi là pour ça non ? Même si je ne lui dirai jamais, j'aurais toujours un oeil sur ce petit bout de femme.