Dans une petite ville comme White Oak Station, lorsque l’on veut éviter de tomber dans l’ennui le plus dégradant, une seule solution : trouver l’inspiration. Cela semblait être le problème de ce cher David, mais par chance, Annabeth s’était finalement décidée à devenir son ange gardien en la matière. Ainsi, si le fleuriste trouvait précédemment sa vie morne et sans action, cela risquait de changer du tout au tout à partir de maintenant, et ce alors qu’elle poussait la porte du magasin de fleurs où travaillait le jeune homme. Il s’agissait là d’une entreprise familiale, de ce qu’elle savait, et elle avait toujours vu David y bosser, aussi loin qu’elle s’en souvienne. Sauf que là, ce n’était pas pour embellir son modeste appartement d’un bouquet de fleurs qu’elle s’y rendait mais bien pour mettre en place la première phase de son plan, à savoir : si tu ne viens pas à l’inspiration, l’inspiration DOIT VENIR A TOI. Tel était son leitmotiv et la raison première de ce sourire aussi grand que l’état de Washington. « Helloooo toi ! » lança-t-elle en fanfaronnant à moitié, particulièrement ravie de cette dernière trouvaille qu’elle trouvait littéralement géniale. « J’espère que tu n’as rien de prévu après ton service car figure-toi que je t’emmène en balade : tu as le choix, soit à mon labo pour te montrer sur quoi je bosse, soit directement au cœur de l’action sur une scène de crime. Tu seras… mon stagiaire en quelque sorte et non je ne cherche pas à t’enrôler dans la police, loin de moi cette idée mais puisque tu m’as déjà parlé de ton malheureux syndrome de la page blanche, j’ai décidé que ça valait le coup de tenter quelque chose ! » Anna annonçait toujours clairement la couleur de manière nette, précise et sans bavure. Au moins, David savait à quelle sauce il serait mangé sans attendre la Saint Glinglin et surtout sans baliser vu qu’il n’y avait aucune raison à cela… ce n’est pas exactement comme si elle le lâchait dans la nature alors qu’il ne connaissait pas grand-chose à son métier à elle ! « T’es partant ? Je te préviens je ne prends pas un « non » comme une réponse, alors démerde-toi comme tu veux mais tu me dis oui ! »

Depuis ce matin, rien n'allait pour le mieux. Je venais de recommencer à travailler aujourd'hui, soit lundi matin, après environ un mois de congé forcé. Enfin, pas vraiment vraiment forcé, mais tout de même, après un mois d'abstinence. Enfin, tout le monde comprend ce que je veux dire, j'en suis plus que certain. Lentement, j'ai relevé la tête vers mon grand-père, avant de faire semblant de sourire. Sincèrement, rien de rien n'allait. Il venait de m'annoncer qu'il avait été dans l'obligation d'engager quelqu'un d'autre, dans l'attente de mon retour au travail et que maintenant, puisqu'il était un homme telllllllllllement gentil et telllllllllement poli, il ne pouvait pas mettre sa nouvelle protégée dehors, comme ça, sans vraiment rien d'autre à lui offrir. Aussi bien, qu'il avait décidé de couper mes heures en deux, uniquement pour pouvoir garder Judith avec nous. L'espèce de... Si cet homme n'aurait pas été dans ma famille, je ne sais pas vraiment ce que je lui aurais fait, mais je l'aurais fait. Soyez s'en certain. Tout en soupirant, j'ai relevé la tête quelques secondes, lorsque cette dernière s'ouvrit sur une personne que je connaissais que trop bien. ''Et merd...'' Pour moi, Anna était une bonne personne, une amie dans toute sa forme, mais tellement de choses nous séparait que c'était étrange de nous voir parler ensemble. Même que bien des fois, on ne se comprenait même pas, nous ne faisions que nous regarder en souriant et même que, je me demandais pourquoi elle tenait tant à me parler. Nous n'avions rien en commun, j'étais beaucoup plus jeune qu'elle et en plus, elle avait tellement un métier qui lui en demandait à tous les jours, un peu plus. « Helloooo toi ! » ''Heyyyyyyy'' Je me suis forcé à sourire un moment, avant de perdre ce dernier, puisque je voyais très bien où Anna voulait en venir. Ce n'était pas vraiment dans son style d'agissement de venir me voir tranquillement et vouloir faire causette. Elle voulait certainement quelque chose en particulier et ce, MAINTENANT. Il ne me restait plus qu'à savoir ce qu'elle voulait précisément. Mais lorsqu'elle décida d'arrêter de me faire languir, j'ai soupiré une nouvelle fois. Ce genre d'activité ne m'intéressait pas vraiment. D'accord, j'étais curieux de nature et encore plus depuis que j'étais en couple avec Emily, puisque j'avais l'impression que cette dernière me mettais des barrières un peu partout, mais de là à m'aventurer sur une scène de crime? Je n'en avais aucune idée. ''Et tu crois sincèrement que tes petits amis de la police vont laisser quelqu'un, comme moi, se promener parmi tout pleins d'indices importants? Tu en est vraiment certaine? Vraiment de chez vraiment? D'accord... Je veux bien alors. Pourquoi pas! Laisses-moi quinze secondes, pas plus, et je suis tout à toi.'' Je savais bien que ce n'était pas vraiment le moment de faire des plaisanteries, surtout sur un terrain de crime ou de je ne sais quoi, mais j'avais besoin de me changer les idées. Et peut-être même qu'ainsi, Anna allait finir par comprendre que je n'étais qu'un petit trouble fête, qui sait! Après avoir été parler à mon grand-père, quinze secondes pas plus, je suis revenu dans la boutique, essayant de paraitre joyeux et complètement heureux. Ce serait ma première fois, mon baptême de l'air un peu. Première fois que je ferais une telle activité. En espérant que tout se passe bien et ce, dans le meilleur des mondes.

A tout bien réfléchir, le simple fait que d’emmener un jeune homme totalement extérieur à la brigade, sur une scène de crime qui plus est, ne pourrait qu’attirer de potentiels ennuis à Anna mais comme à son habitude, elle se riait du danger. De toute manière, son capitaine n’avait pas besoin de ça pour lui courir sur le haricot, la jolie anglaise l’avait continuellement sur le dos sans jamais obtenir la moindre trêve… pourquoi donc priver un jeune homme prometteur de l’inspiration suprême en tentant un nouveau procédé ? C’était cavalier comme façon d’agir mais Anna n’était pas du genre à s’emmêler les pinceaux en s’alourdissant d’une procédure n’ayant pas lieu d’être… ce n’est pas comme si David risquait de coucher sur le papier les noms et prénoms des victimes, indics et autres suspects, il allait sans dire que la brunette lui ferait plutôt deux fois qu’une un topo à ce sujet si tant est qu’il veuille s’attarder à écrire ce qu’il allait voir aujourd’hui. « Bah ! Mes collègues ne m’aiment pas beaucoup et je le leur rend bien, sans parler de mon capitaine, donc… on va dire que tu seras l’exception qui confirme la règle et le premier qui fait une réflexion, je lui refais le portrait façon période déstructurée, tu vois le genre ? Limite, si jamais tu me suis sans forcément l’ouvrir, pas sûr qu’ils te remarquent… ils sont tellement occupés à parler gonzesses ces enfoirés ! » Il n’y avait pas à dire, Anna adorait ses collègues aux blagues grivoises et à l’irrespect pouvant être considéré comme leur marque de fabrique. Elle espérait bien que cela les emmerde de voir un civil sur une scène de crime, et allait donc s’occuper de faire en sorte que David en prenne plein les mirettes avant de ne l’accompagner à son labo, où elle régnait quasiment en maître. En même temps, personne ne savait faire ce qu’elle faisait, pas même son coéquipier, bien qu’il soit doué dans son domaine… « En tout cas je suis sûre et va pour quinze secondes ! » s’amusa-t-elle avant de ne l’attendre à l’entrée de la boutique, n’ayant aucune idée de ce qui s’y tramait. Anna savait juste qu’elle n’y avait plus mis les pieds depuis une paye, considérant que ce n’était pas la même chose sans David… mais elle se gardait bien de mettre un nez dans le micmac dont son grand père était responsable : il y aurait certainement des choses illégales au niveau de l’embauche des salariés, aussi valait-il mieux qu’elle soit aussi ignorante qu’un enfant venant tout juste de naître. « Quinze secondes sont écoulées ! » reprit-elle à l’aide de sa précision quasi militaire pour mieux lui ouvrir la porte de la boutique et le faire sortir de là. Quelque chose disait à Anna que le faire sortir de là dedans n’était pas du luxe… « Sinon, pendant que je t’emmène dans ta première expérience de flic, quoi de neuf dans ta vie ? » s’enquit-elle aussitôt. Il ne fallait pas croire, la jolie anglaise appréciait sincèrement David et ne faisait que s’inquiéter de son bien être… de même qu’il l’aurait très certainement fait pour elle à sa place. Aucune curiosité mal placée là dessous !

Tranquillement, j'ai écouté les paroles d'Anna, avant de me mettre à sourire. Il était vrai que ses collègues ne devaient pas vraiment l'apprécier, si elle ramenait toujours des civils sur le terrain du crime. Peut-être que c'était inné chez elle? Peut-être qu'elle ramenait toujours ses amis sur le terrain? Si c'était le cas, elle en avait certainement vu d'autre. Mais quelque chose me disais qu'elle n'avait certainement jamais emmené quelqu'un comme moi à son travail. Lorsque je le voulais, je pouvais devenir un vrai petit... comment dire... je pouvais devenir assez déplaisant, à la limite du supportable. Même pire, bien des fois. Peut-être qu'Anna n'allait pas être très emballée de la situation, mais peu importe. J'allais m'amuser et si jamais ceci était à ses dépends et bien, tant pis! De toute manière, je savais bien qu'elle allait finir par me rendre l'appareil un jour, si jamais je finissais par lui taper sur les nerfs. Je n'étais même pas inquiet avec ça. Elle était tout de même spéciale mon amie. Surtout pour se tenir avec moi, il fallait un minimum de folie. Donc, si je comprenais bien, si je ne disais pas un mot, personne n'allait me remarquer? Génial, Anna pouvait compter sur moi. Une vraie pie, j'allais devenir. Elle ne voulais pas m'entendre parler? Parfait. Compte sur moi, trésor. De toute manière, ce n'est pas comme si j'avais vraiment quelque chose à faire de ma journée. Je pouvais prendre tout mon temps et, par la même occasion, essayer de comprendre le fonctionnement d'un nouveau métier. Peut-être que j'allais devenir amoureux des scènes de crimes et essayer de devenir inspecteur, qui sait? Par contre, si c'était le cas, j'espérais grandement pouvoir tenir compagnie à mon amie. Sans elle, le tout serait beaucoup moins drôle. J'ai simplement répondu à Anna que j'en avais pour 15 minuscules secondes, question d'avertir que je partais pour le restant de la journée au concerné, avant de revenir dans la boutique. Mon amie était déjà sur le bord de la porte, prête pour un long voyage. Ou un court, je n'en savais rien. Peut-être même qu'elle allait simplement m'emmener à son bureau, me tendre une tasse de café et me faire répéter 100 fois: Je ne dirais plus de conneries. Méchante idée, mais c'était possible.

Ce qui se passait de nouveau dans ma vie? Sérieusement? Tellement de choses en si peu de temps et plus que le temps avançait, plus la liste s'allongeait. Plus il y avait de choses à faire et à essayer de complèter. '' Pas grand chose en fait. Mon beau-frère est mort, il y a environ un mois. Ma belle-mère qui a une certaine dépense à tout ce qui se rapproche de moi. Je n'ai plus aucunes nouvelles de ma grande soeur. J'ai de la difficulté avec mon travail. Je n'ai pas réécris depuis un bon moment déjà et je crois que je vais demander ma petite amie en mariage ce weekend. Sinon, rien de nouveau et toi?''

A vrai dire, Anna savait être l’archétype de la nénette qui n’obéit pas aux ordres débiles. Bien évidemment, tout n’était qu’une question de point de vue car des ordres qu’elle jugeait inutiles pouvaient très bien paraîtres logiques aux yeux de ses collègues mais elle n’aimait pas réagir comme tout le monde, et cela ne datait pas d’hier. Peut-être était-ce pour cette raison qu’elle s’entendait si bien avec Samuel ? Après tout, on ne pouvait pas qualifier l’écrivain de forcément « normal » à la vue des réactions qu’il pouvait bien avoir parfois. La preuve, lorsque la jolie anglaise s’était retrouvée expulsée de son appartement par faute de paiement de loyer dans les temps, il l’avait accueillie illico presto, l’empêchant ainsi d’avoir à dormir sous un pont par ces températures si fraîches… ne se disait-il pas pourtant égoïste, égocentrique même, à ne pas supporter la même face en face de lui plus de deux heures d’à filée ? Anna devait être l’exception confirmant la règle, au même titre que David allait l’être pour elle aujourd’hui. Hors de question que l’on ne vire son ami de la scène de crime sous le fallacieux prétexte qu’il n’avait ni badge de police ni arme de service… et puis quoi encore ? Qui sait, peut-être cela lui donnerait-il l’envie de passer des concours pour s’engager, il ne faut jamais négliger ce genre de choses, et Anna ne le perdait pas plus à l’esprit bien que pour l’heure, son idée première était de lui redonner l’inspiration. Le syndrome de la page blanche opérait mais sans doute parce qu’il n’avait pas expérimenté d’autres types de romans potentiels ? A quoi bon vouloir écrire de la bluette sans âme ni originalité alors que l’on peut être très bon en polar, roman psychotique ou en thriller ? David avait l’air d’être quelqu’un se cherchant, et si elle ne pouvait pas l’aider à se trouver, pour sûr, elle voulait lui proposer une autre voie. Sait-on jamais… « Pas grand-chose ?! » s’étrangla à moitié Anna car justement, il avait vécu plus de choses en un mois qu’elle n’en n’avait vécu depuis son arrivée à White Oak, des années plus tôt.

« On va prendre les trucs dans l’ordre parce que je suis quand même quelqu’un de méthodique même si je n’en n’ai pas l’air comme ça : mes condoléances pour ton beau-frère, même si je ne le connaissais pas du tout, je suppose que c’est ce qui se dit dans un moment pareil… il se passe quoi en revanche avec ta belle-mère et ton boulot ? Je n’ai sûrement pas réponse à tout mais qui sait, peut-être qu’en parler te fera du bien. Si tu ne sais pas où est ta sœur : tada ! Je te présente Annabeth Beauchamp, qui est flic et qui peut donc faire des recherches… c’est beau la technique, hein ? » D’accord, ce n’était peut-être pas présenté de la façon la plus douce qui soit, mais au moins, c’était sincère et David ne pouvait pas en douter vu le regard qu’elle lui lançait. Son bien-être lui importait et ma foi, si elle pouvait lui filer un coup de main, alors pourquoi pas ? Sûrement en aurait-il fait de même à sa place, s’il en avait eu les moyens ! Mais Anna restait un cas désespéré, et sous spécifiquement en amour… la preuve, elle s’entichait d’un homme pour qui la fidélité n’était qu’une vague vue de l’esprit alors qu’elle avait toujours rêvé de grande famille, de robe blanche, de marche nuptiale et de toutes les choseries du même genre… étrange, n’est-ce pas ? « J’y crois pas, tu vas demander ta bourgeoise en mariage et tu oses me sortir que c’est pas grand-chose ! Mais bien sûr que si, c’est grand-chose, allo !! Tu as déjà prévu la bague et tout ? Moi, il ne s’est VRAIMENT pas passé grand-chose, à part que mon capitaine est un connard harceleur et que j’habite chez un homme chez qui c’est compliqué… ah, ce serait même long à t’expliquer en fait ! »