Hoani Teva

   ~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?

Le lycée ? Une période que je ne suis pas peu fier d'avoir terminée. On se cherche, on apprend à se connaître soit même, avec plus ou moins de facilité. Le lycée date un peu pour moi maintenant, mais je me souviens y avoir vécu en âme vagabonde. Si ce n'est par mes origines Hawaïenne, je n'étais pas du genre que l'on remarque. J'étais l'ado renfermé du fond de la salle, je ne faisais pas d'émule chez la gente féminine et je dois dire qu'à cette époque les filles m'intéressaient peu, je me complaisais dans mes rêveries bien plus que dans les couloirs de mon vieux lycée. J'ai toujours eu des résultats convenables, assez pour satisfaire mes parents et pouvoir ainsi choisir mes études. Les études, ah parlons en de celles là ! Oui, je suis un littéraire et un rêveur dans l'âme, j'ai du me battre contre professeurs et parents pour faire accepter mon envie de faire des études d'arts. L'art c'est ma passion depuis toujours, je n'ai pas souvenir d'avoir passé une seule journée sans tenir un crayon ou un appareil photo. Globalement pour moi les années lycées se sont plutôt bien déroulées, c'est un peu nostalgique que je me les remémores parfois.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?

Je viens juste d'arriver en ville pour pouvoir finir mes études, je ne suis pas d'un naturel à aller vers les autres mais si je compte rester ici un moment je vais devoir me mettre un coup de pied aux fesses ! Est-ce que je suis heureux ? Sincèrement, je ne prend même pas le temps de me poser la question. J'ai depuis quelque temps un emploi du temps tellement rempli que je n'ai même plus le temps de penser... Entre le déménagement, la recherche d'un appart, la recherche d'un job, les commandes de photos que je dois finaliser et le campus auquel je dois me familiariser, mon Dieu, je ne sais même plus à quoi ressemble un café en terrasse !

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?

C'est dans bien longtemps tout ça. Dans dix ans j'espère avoir ouvert ma propre galerie d'art en ville et pouvoir continuer en parallèle mon propre travail d'artiste. D'ici là j'espère bien que j'aurais rencontré la perle rare qui fera chavirer mon cœur, à mon âge il serait tant, puis j'aimerais que ma mère ait le temps de la connaître... Enfin ça, c'est un autre sujet n'est-ce pas?!

Je suis né sur l'île d'Hawaï un soir d'été, oui c'est un peu un stéréotype mais c'est ainsi que voulez vous ! Ma mère est originaire de cette île, avant de rencontrer mon père jamais elle n'en était partie. Quant à mon père et bien lui il est Américain, il vient du Texas. Il s'est engagé jeune dans l'armée et son métier l'a emmené au quatre coins du monde, dont Hawaï, où il est tombé fou amoureux de ma mère.
J'ai grandi près de cinq ans dans ce petit paradis, malheureusement je n'en ai que peu de souvenir. Mon père était peu présent durant ces années, toujours parti en mission. Ma mère a alors décidé de le suivre, elle ne voulait pas que je grandisse sans lui. C'est alors que nous avons commencé notre long périple : Etats-Unis, France, Australie, Afrique. Villes différentes, continents différents et bien sur écoles et amis différents, c'était chaque fois un nouveau départ. Je ne me plain pas de cette vie, d'un côté je me sent privilégié, j'ai connu divers paysages et diverses cultures, je parle anglais et français couramment, je me sent enrichi d'avoir tant voyager.
Mais ça, c'est le regard que j'ai aujourd'hui sur tout ça. Je me souviens les larmes de ma mère chaque fois que nous devions partir, la peur sur son visage chaque fois que mon père avait pour ordre de rester plus longtemps, et je me souviens de mes angoisses et de mes appréhensions à chaque nouvelle rentrée scolaire... Je pense que c'est ce qui a fait de moi cet homme peu sociable. Je ne dis pas que je n'aime pas la compagnie des autres, mais à force d'être balloté d'un pays à un autre, d'une école à une autre, sans savoir pour combien de temps, j'ai fini par me contenter de ma seule compagnie. J'ai eu un parcours scolaire sans grandes difficultés, et je n'ai pas eu une adolescence tourmentée. Les conflits que je pouvais avoir avec mes parents, et quand je dis mes parents je parle surtout de mon père, venait surtout du choix de vie auquel je me destinais. Hors de question pour moi d'intégrer l'armée et de suivre les traces de mon père, j'ai vu tant de fois les larmes sur les joues de ma mère que je me suis promis de ne jamais reproduire ce schéma. Depuis tout jeune déjà, mon rêve à moi c'était d'être artiste ! J'ai toujours dessiné, d'aussi loin que je me souvienne. Ce qui n'était pas du goût de mon père. C'était des crises et des hurlements chaque fois qu'il rentrait, puis un jours il n'est plus revenu. Je devais avoir seize ans lorsque j'ai perdu mon père. Dans le fond je ne m'en suis jamais vraiment remis, ce fut tellement brutal.
Ma mère et moi sommes rentré à Hawaï, vivre dans sa famille. J'ai fini ma scolarité sur l'île, et j'ai regardé ma mère se laisser dépérir à petit feu, sans savoir quoi faire. Elle aimait tellement mon père que sans lui plus rien n'avait vraiment d'importance. J'ai tout appris de l'amour en les regardant, si vous les aviez vu, je n'ai connu personne d'aussi heureux.
Ma mère ne s'est pas vraiment opposée à mon choix d'études, elle n'en avait pas même la force. J'ai eu le coeur déchiré quand j'ai du prendre la décision de partir à New-York pour pouvoir étudier. Après la mort de mon père l'armée nous avait offert une bourse d'étude pour que ma mère n'est à se soucier de rien, j'ai donc pu choisir la meilleure des universités. J'ai laissé ma mère sur notre île, au début je rentrais à chaque vacances, puis l'argent à commencé à me manquer, le voyage coutait cher, je suis rentré de moins en moins.
Aujourd'hui ma mère est à l'hôpital, depuis deux ans déjà, je m'efforce de travailler comme je peux en parallèle de mes études pour lui envoyer un peu d'argent chaque mois. Je tente d'aller la voir plus de deux fois par an, mais le voyage est long et couteux.
J'ai finalement décidé de venir vivre ici à White Oak Station, c'est un peu une dernière chance pour moi. J'espère pouvoir trouver un poste comme enseignant et un jour pouvoir ouvrir ma propre galerie. C'est une ville qui m'a plu dès le premier instant, je sais qu'elle plairait à ma mère. Mon but aujourd'hui et de tout faire pour pouvoir la ramener près de moi avant qu'elle ne parte...