Toutes les histoires commencent par "il était une fois", mais la mienne n'est pas un conte de fées
Les princes existent, au rayon biscuit.

Mon père avait tout juste trois ans lorsqu'il a quitté le Canada, ou il était né, tout comme ses parents, pour retourner vivre sur la terre de ses ancêtres : l'Irlande. C'est donc là-bas que j'ai vu le jour, à Dublin, très précisément, tout comme le reste de la famille, du côté de mon père. Car ma mère est française ; ou plutôt était ; tout comme toute sa famille. D'ailleurs, je passais tous les étés dans le sud de la France, à Grasse, capitale des parfums, du moins, jusqu'en 2006. Cette année-là, alors que je rentrais tout juste de France, la veille de la rentrée scolaire, ma dernière année, celle dont on doit se souvenir toute sa vie, tout a basculé pour moi. Nous vivions depuis plusieurs mois dans le Connemara, c'était d'ailleurs la première fois qu'on restait plus de deux mois dans la même ville. Six pour être exact, et j'avais bon espoir de ne plus jamais repartir. J'avais des amis et même un petit ami. Bon, rien de bien sérieux, car je n'en étais pas amoureuse, mais j'étais bien avec lui et il était gentil. Du moins, il semblait l'être. Mais ce soir-là, il était bizarre, nous étions tous les deux à une soirée, organisés par son meilleur ami. Il voulait absolument me faire boire, alors qu'il savait que ce n'était pas mon truc, je ne tiens pas tellement à l'alcool, ça m’abruti. Néanmoins, j'ai tout de même accepté un verre de punch. Et puis, à un moment, je me suis éloignée de lui, je voulais aller me rafraichir à la salle de bain, j'avais chaud et je ne me sentais pas très bien, ma tête tournait, alors que ne je n'avais bu qu'un seul verre. Mais je n'ai jamais atteint la pièce, j'ai pris un violent coup sur la tête et lorsque je suis revenue à moi, j'étais dans une pièce sombre et attachée. Il m'a fallu plusieurs minutes pour comprendre que j'étais enfermée dans un sous-sol. Petite délicatesse de la part de la personne qui avait fait ça, j'avais un matelas, vraiment sale, mais qu'importe et de quoi me désaltérer. C'est tout. Au sang qu'il y avait sur le matelas et sur mes vêtements, j'ai très vite compris ce qu'on m'avait fait. Pas difficile de comprendre au fond, j'avais été abusée après avoir été assommée et droguée. Je savais de qui il s'agissait, mon petit ami, soi-disant si gentil. Il avait bien caché son jeu, je me sentais trahie, salie, honteuse, et j'avais peur aussi. Une sensation que je déteste, avoir peur, me sentir vulnérable. Je ne suis pas quelqu'un de faible, habituellement, je sais me défendre, pourtant là, j'étais complètement perdue et seule.

Je suis restée enfermée là pendant un moment interminable. Du moins, c'est l'impression que j'avais. En fait, mon calvaire a duré trois jours et quatre nuits. Mon ravisseur ; je ne vais tout de même pas dire mon copain ; venait me voir plusieurs fois par jour. Officiellement, pour m'apporter à boire et à manger, mais il venait aussi quand il me croyait endormie. Il me caressait le visage, mais bizarrement, il n'allait pas plus loin. Il disait que s'il ne pouvait pas m'avoir, alors personne ne m'aurait. C'était étrange, vu que je n’avais personne d’autre dans ma vie, je ne suis pas une fille qui change de copain comme de chaussettes. Mais un plan avait commencé à germer dans mon esprit. Je voulais m'échapper. J'étais plus forte que ça, sans doute même plus forte que lui et surtout, j'étais déterminée, je ne voulais pas passer une nuit de plus dans cet endroit lugubre à espérer qu'il ne me retouche pas. Alors la dernière fois qu'il est venue, pensant que j'étais endormie, je me suis brusquement redressé, le déséquilibrant au passage. J'avais une chance sur deux d'y parvenir étant donné qu'il m'arrive d'être maladroite, mais j'ai réussi. Il est tombé sur le dos et le temps qu’il se relève, qu'il comprenne ce qui se passait, j'étais déjà loin. Je n'ai pas perdu mon temps, je me suis aussitôt rendu au commissariat de police, je savais qu'on avait dû me chercher et c'était le cas. Seulement, pendant ses trois interminables jours, pendant ses quatre nuits sans fin, ma mère avait eu un accident. Un accident malheureusement fatal. Apparemment, un fou furieux l'aurait envoyé dans le décor, à l'endroit même où j'étais retenue captive. Nul doute qu'il s'agissait de mon ravisseur. Nous avons su par la suite qu'il souffrait de troubles psychiatriques. Il n'est pas en prison pour ce qu'il a fait, il est dans une institution, dont j'espère qu'il ne sortira jamais. Après ce drame, mon père et moi, nous avons décidé de quitter définitivement l'Irlande, nous aurions pu nous installer en France, mais c'était trop prêt de ces mauvais souvenirs. Alors, nous sommes partis pour le Canada. Après tout, c'est le pays de naissance de mon père. Nous ne sommes jamais repartis depuis.
Mes débuts là-bas ont été difficiles, je ne connaissais personne. Certes, j'avais l'habitude des déménagements, je savais comment les choses se déroulaient, combien les gens peuvent se montrer curieux de voir un nouveau visage. Mais j'étais encore plus perdue que par le passé, parce que en plus de ne connaitre personne, je ne connaissais pas le pays, ni la ville, ni les coutumes. J'étais une étrangère et j'avais tout de même peur que l'on sache ce qui m'était arrivé. Je parlais peut, j'avais du mal à aller vers les autres. Peur de m’attacher à quelqu'un, de faire confiance et de me faire une nouvelle fois avoir. Je ne voulais pas revivre ce que j'avais vécue. J’étais traumatisée et je sais que je le suis encore aujourd'hui. Un an après mon arrivée là-bas, je suis entrée à l'université, pour un cursus de journalisme. J'en suis sortie diplômée et avec les honneurs, quatre ans plus tard. Je travaille dans un journal local et mon travail me passionne. J'ai commencé en bas de l’échelle, à la rubrique nécrologie, mais j'ai vite grimpé les échelons, jusqu'à avoir ma propre rubrique, dans les pages santé. Allez savoir pourquoi, vu que la science n'a jamais été mon point fort, mais bon, j’aime ça, alors je suppose que ça joue en ma faveur et puis, je me débrouille bien, selon les dire de mon rédacteur en chef.