leigh ann & cédrik

Étrange. C’était comment je me sentais dans cette boîte de nuit. Jamais (ok, à quelques exceptions près) je n’avais mis les pieds dans un endroit pareil. C’était arrivé à quelques reprises, en fait, maintenant qu’on y pensait. Chaque fois que l’une d’entre nous arrivait à majorité on prenait le temps d’aller fêter un soir. La journée du lendemain était toujours pénible lorsque nous étions sur la route. Je me souviens de mon anniversaire, une boîte de nuit beaucoup trop branchée pour mon awkwardness... J’avais renversé mon verre sur une fille qui s’était alors mise à me crier dessus. Enfin, en quelques sortes puisque j’avais rien pigé : la musique était bien trop forte. On était allées également à l’anniversaire de Mary Ann que j’avais ramassée le lendemain matin à vomir dans les toilettes et puis finalement à celle de Ryann où il y avait beaucoup trop de prédateurs mâles, c’était officiel. Ce soir, j’avais perdu un pari. Si Ryann arrivait à obtenir un certain nombre de « J’aime » sur notre publication sur YouTube, j’allais devoir sortir avec mes frangines. Worst. Bet. Ever.

Alors que mes deux sœurs étaient parties Dieu seul sait où... Je me retrouvais sur le dancefloor avec une robe mauve foncé beaucoup trop courte à mon goût à moi empruntée à Mary Ann. La musique raisonnait à tue-tête dans mes oreilles et bien que j’aurais franchement préféré les Beach Boys, je me trémoussais sur le rythme de Fireball. Après la chanson, je m’approchais du bar et je commandais un « Martini ». Peu importe ce que le barman m’apporta, ce n’était pas un martini... Je me tournais donc vers le gars à ma droite et je lui donnais ce verre, ma foi, étrange. « Cadeau. » que j’lui ai dis. Le barman me regardait d’un œil surpris, comme quoi j’avais déjà terminé le verre, cette fois c’est lui qui me gratifiait d’un sourire en me rapportant deux shots. Misère. Moi qui ne buvait que très rarement je regardais l’homme à ma droite et je lui tendis le deuxième shot. « Cheers » que j’lui ai dit en claquant mon minuscule verre contre le sien qui se retrouvait dans ma bouche en moins de deux. Pas mauvais. Il me tirait légèrement vers lui pour me susurrer (ou hurler, c’est au choix), quelque chose à l’oreille et que j'tente d'écouter attentivement.

leigh ann & cédrik

Tu étais assis au bar depuis beaucoup trop longtemps, alternant entre verre de fort et bouteille d'eau. Tu avais besoin d'oublier, vraiment besoin. Toi qui généralement prend les choses avec positivité et avec un certain détachement, c'était tout l'inverse lorsqu'il s'agit de ta famille, de ton fils. En effet, tu avais reçu un mail plutôt étrange de la part de Claire... Ton ex-copine. La mère biologique de Loïc. (On ne peut pas l'appeler " maman " puisqu'elle n'a jamais été présente pour lui. Jamais.) Elle sortait de nulle part et pourtant, elle avait la ferme intention de faire valoir ses droits parentaux. Elle avait manifesté, pour la première fois en trois ans, son désir de " récupérer " ton fils. Ça te mettait hors de toi et c'est pour cette raison que tu t'étais rendu dans ce bar. Pour oublier, ne serait-ce que pour une nuit, cette bombe qui venait de te tomber dessus.

« Cadeau. » dit une voix beaucoup trop douce pour l'environnement dans laquelle elle se trouvait. Tu regardas d'abord l'étrange verre puis releva les yeux vers la jeune femme. Aucun homme sur terre pourrait nier son physique avantageux; étant humain, tu le constatas également, quoique tu n'en fis aucune remarque. Elle te tendit ensuite un shooter que tu ne refusas pas - on ne refuse jamais de l'alcool gratuit. Ça coûte déjà suffisamment cher. « Cheers » fit-elle avant que vous ne cogniez vos mini-verres ensembles. Tu bus d'une traite avant de t'approcher le visage du sien, lui murmurant - ou presque - à l'oreille : « Avec qui aies-je l'honneur de boire gratuitement ? ». Un large sourire illumina ton visage, posant ensuite tes yeux dans les siens. Ça s'annonçait être une soirée réussie, c'est tout ce que tu pouvais dire maintenant. ~

leigh ann & cédrik

« Avec qui aies-je l’honneur de boire gratuitement? » Je ris doucement, il n’allait pas boire sur mon bras toute la soirée, si? Oh et puis, faut bien dépenser le fric si durement gagné. Que ce soit de cette façon ou d’une autre, l’argent va se ramasser ailleurs rapidement.  « Moi, c’est Leigh. Et toi? » que j’lui demande gentiment. J’avais pris l’initiative de le tutoyer, rendant les choses un peu différente de mon boulot. Après tout, je n’étais pas son avocate, il n’était pas mon client et on se rencontrait dans un bar. C’est quoi les formulations de politesse dans ces cas-là? J’étais un être humain tellement awkward et malaisant que ça en étant presque plaisant. « Tu en veux un autre ?» que je lui propose presque en les commandant presque immédiatement.


Mon œil est soudainement attiré vers le vestiaire où Mary Ann prenait son manteau et me faisait signe qu’elle partait avec un homme. Doux Jésus, déjà? Il n’était même pas minuit! Je hochais la tête et je lui faisais signe que tout était bon. On avait un code entre nous comme quoi lorsque l’une d’entre nous quittait avec quelqu’un d’autre, il y avait un geste de main. Et un texto avec le nom de l’homme en question, son adresse et sa plaque d’immatriculation. Nous avions appris à être bien prudentes en grandissant à travers les différents états américains et les provinces canadiennes. « Ma sœur. » que j’dis à Cédrik alors que je vois son regard se transformer en point d’interrogation. « On a une règle lorsque l’une d’entre nous part avec un homme... Mais ça doit t’être totalement égal. » que j’lui dis en riant doucement de mon propre comportement. C’était à croire que je ne savais pas comment me comporter avec un homme.

On reçoit les shots que j’lui tends en buvant le mien d’un trait, tout comme le précédent. Il ne semble pas trop réticent. « T’es seul, ce soir? » que j’lui demande histoire de ne pas me magasiner une claque d’une fille avec un taux d’alcoolémie vachement trop élevé pour moi. Ou d’un mec, qui sait, il est peut-être gay? Il semble séduisant et savoir prendre soin de lui avec sa barbe parfaitement taillée. Il semblait avoir de l’argent, ne pas avoir été avocate, j’aurais cru qu’il aurait pu l’être. Ou peut-être un homme d’affaires, mais un homme d’affaires ça prend les banquettes et ça réserve le champagne. Il pouvait être haut fonctionnaire, mais j’en doutais. Peut-être consultant ou investisseur... Et pourquoi j’pense toujours au travail, moi quand j’suis dans un bar où la musique est beaucoup trop forte pour penser?!