LET'S GET NAKED

un
Elle avait l’air triste. Là. Assise toute seule sur son banc. Alors tu t’es avancée et tu as vu ses larmes couler et son genou en sang. Et tu l’as senti aussi, cette douleur qui pince le coeur. Alors tu t’es placé devant elle et tu lui as tendu un cookie. Comme ça. Comme si ça pouvait soigner tout ses problèmes. Elle aurait pu te repousser. Elle aurait pu, mais elle a juste levé les yeux vers toi, puis elle t’a sourit. Il était beau son sourire au milieu des larmes. Comme un soleil sous la pluie. Elle a attrapé ton cookie avant de te tendre sa moitié de compote. T’as voulu lui dire que c’était pas la peine. Que t’avais encore des cookies. Mais tu voulais pas la décevoir, alors tu l’as pris, t’asseyant à coté d’elle. Et sans rien dire, vous avez mangé votre gouter. Il a suffit de ça. Quelques larmes. Un cookie. Et cette jolie phrase qui a résonné après plusieurs heures « Tu veux être ma copine ? » Et votre amitié a débuté sans jamais cesser. Après, il y a eu Sacha. La même année. Celle de vos 5 ans. Et dix ans plus tard, c’est Louys qui débarquait un peu paumé de l’autre bout de la Terre.


deux
Tu as vu son regard s’éteindre peu à peu. Sans vraiment comprendre. Elle a commencé à arrêter de manger. Et parfois, tu l’entendais pleurer dans la nuit. Alors tu te levais pour la rejoindre, finissant par se glisser dans ses draps pour la serrer dans tes bras. Elle n’a jamais voulu expliquer ce qu’il se passait. Elle ignorait tes questions en t’adressant un petit sourire avant de souffler ces petits mots « T’en fais pas, c’est rien ». Mais c’était pas rien. Tu l’as toujours su que c’était pas rien. Alors t’essayais d’être là. De comprendre pourquoi elle changeait. Pourquoi elle perdait ce sourire qui la rendait si belle.
Il a fallu que tu le découvres toi même un soir. Les parents étaient sortis et toi, tu revenais de chez Mia pour manger avec ta soeur. Tu te souviens trop bien de ce moment où tu es entré dans sa chambre. Elle, assise contre son lit et entourée de sang. Tu as mis un temps à réagir. A comprendre. T’es resté figé là avant de te précipiter sur elle. Tu as hurler son prénom avant de lui coller une claque. Et elle a émergé. Vaguement. Tu voyais dans son regard ce désespoir. Cette douleur insupportable.
Il parait que tu l’as sauvé ce soir là. En rentrant à temps. En appelant les secours. Tu l’as sauvé de son suicide, mais pas du reste. T’avais jamais compris ce qu’elle vivait. Cette humiliation constante qu’elle subissait au lycée et sur internet. Lesbos. Ce mot qui résonnait comme une insulte à chaque couloir. Cette isolation progressive qu’elle a subit à chaque insulte. Harcelée pour sa différence, elle a abandonné. C’est quelque chose que t’as jamais compris.


trois
Les années sont passées et elle a quitté le lycée. Son âme fragile est restée. Cette peur de s’assumer. C’est ce qui t’a encouragé à le crier au monde entier. Tu l’as compris tard que tu étais comme elle. Différent. Tu sortais avec cette fille. Ta première petite amie. Elle était belle, c’est vrai. Elle avait ce petit regard pétillant qui faisait fondre tous les garçons. Tu n’as jamais su pourquoi c’est vers toi qu’elle est allée. Mais tu t’es laissé faire. Sauf qu'elle était envahissante. Et au fond, tu l’aimais pas vraiment. Mais tu restais. Sans trop savoir pourquoi. Tu passais souvent tes après midi chez elle à l’écouter -ou plutôt à faire semblant d’écouter.Puis tu as finis par comprendre pourquoi tu restais. Pas pour elle. Pour son frère. Y’avait cette fascination étrange à le regarder déambuler dans la maison. Le pur hétéro viril. T’y avais jamais tellement réfléchis avant. T’avais simplement intégré la sexualité que tout le monde t’inculquait. Regarder les filles. Se branler devant du porno. Rêver d’en baiser une. T’étais juste formaté comme les autres. Puis ton regard a changé, et t’as réalisé. Tout ça, c’était même pas tes désirs. T’en voulais pas de cette fille. Toi, tu voulais le faire craquer. Cet hétéro presque trop macho. Et c’est avec lui que t’as couché pour la première fois avec un mec, te délectant de le voir céder à tes avances, lui, le gros tombeur.
Après avoir compris que tu préférais les bites aux seins, tu l’as jamais caché. De peur de finir comme elle peut-être. Toi, tu l’as gueulé à la face du monde. « Ouais. Ouais j’suis pédé. Et alors ?! » T’as jamais eu peur. T’as jamais hésité. T’es comme ça. Et toi, tu t’abaisseras pas à en avoir honte. A te laisser crever. Alors, peut-être que t’exagères parfois. Quand tu dragues trop ouvertement ces mecs un peu paumé. Quand tu roules des pelles à un mec avec une provocation certaine, juste pour être sur qu’on te voit bien. Au final, t’es devenu l’extrême opposé de ta soeur. Elle se cache et elle a peur. Tu le cris en provoquant. C’est peut-être pas mieux finalement. Mais c’est comme ça.


quatre
T’éclates de rire bruyamment en voyant la gueule de ces anciennes connaissances de lycée. T’as la main autours de la hanche de Louys, le maintenant contre toi comme un amant possessif. Et pour en rajouter un peu plus, tu viens lécher le creux de son cou, provoquant sa réaction immédiate « Putain Feliks ! T’es dégueulasse ! » Alors tu ris un peu plus, te détachant finalement de lui et de votre petit jeu d’acteur. A coté, Mia et Sasha lèvent les yeux au ciel, dépitée par ta façon d’agir. Mais tu t’en fous. Tu vois même pas cet éclair de jalousie dans le regard de ta meilleure amie. Parce que tu vois pas grand chose de toute façon. Ou alors, juste ce que tu veux voir. « Nan mais … attends… Vous êtes vraiment ensemble ? » Tu souris malicieusement avant de souffler en t’approchant de lui « Pourquoi, t’es jaloux ? On peut s’arranger t’sais … » C’est Lou qui finit par démentir. Par avouer qu’au grand jamais il ne sortirait avec toi. Alors t’hausses les épaules comme un gosse à qui on a refusé un jouet. Tu continues à jouer. La vérité, c’est que tu penses comme lui. Jamais tu sortiras avec. C’est ton meilleur ami. Un peu comme un frère. C’est dégueulasse de baiser un frère.
Tu les suis jusqu’au bar où vous avez l’habitude d’aller tous les quatre. Tu te poses, les laissant débuter une conversation ennuyante sur le temps merveilleux du lycée. Ouais. C’était bien. C’est vrai. Mais t’y retournerais jamais. Les cours chiants. Les profs encore plus chiants. Vivre chez les parents. Tous ces petits détails à la con qui rende ta liberté d’adulte tellement plus savoureuse. Aujourd’hui, tu vis ta vie comme t’en as envie. Tu baises qui tu veux. Tu sors quand tu veux. Tu te couches à l’heure que tu veux. T’as juste à bosser assez pour manger, payer le loyer et sortir. Rien de bien compliqué au fond.


cinq
Une lueur brille au fond de tes pupilles lorsque ton regard se pose sur lui. Une lueur de malice et de provocation. Ce besoin inexorable de le faire chier. De le provoquer jusqu’à le faire craquer. Tu t’en es tapé des hétéros. Ceux qui résistent un peu avant de se laisser aller. Et tu savoures avec délectation ce moment où tu lis dans leur regard que tu as gagné. Que cette nuit, ça sera pas dans le lit d’une fille qu’ils termineront. Mais dans le tient. Lui, il résiste. Il crache violemment sur chacune de tes remarques. Chacun de tes regards. Et ça ne fait qu’attiser ton désir de le faire craquer. De baiser avec puis de te barrer.

Spoiler: