« Et merde ! » jure-t-elle pour la troisième fois en quelques minutes. Elle lave son linge pour la première fois, et elle n'arrive pas à faire fonctionner la machine. Pourtant, elle suit toutes les instructions que lui a donné Alice, la femme de ménage de ses parents et celle qui lui a appris à s'occuper de son appartement (Olivia n'a quand même pas quitté sa vie de rêve pour l'inconnu total). Mais malgré tous ses efforts, rien ne se met en route. Elle décide finalement d'aller toquer chez son voisin, et de mettre sa dignité de côté pour lui demander de l'aide. Cela fait quatre jours qu'elle a emménagé, et la jeune femme ne l'a pas croisé. Il faut dire qu'elle travaille, désormais. Oui, vous avez bien lu : son père lui a trouvé un emploi de fleuriste, et bien qu'elle n'ait pas besoin d'argent, elle a décidé de faire comme tout le monde. Enfin, il faut bien briser la glace avec le voisinage, et elle va le faire aujourd'hui. Attendant sur le pallier, un sourire apparaît sur ses lèvres dès que la porte s'ouvre. Elle essaye d'être la plus avenante possible, et dit courtoisement : « Bonjour, je suis la nouvelle voisine, Olivia, enchantée. » Très enchantée même, l'homme qui se tient face à elle est plutôt canon. Brun, grand et musclé, avec un look négligé contrôlé, comme elle les aime. « Et moi c'est Devon. Que me vaut le plaisir de votre visite ? Je croyais que vous hiberniez depuis votre arrivée. » Il se moque d'elle, un sourire narquois sur le visage. Prenant sur elle et sans se départir de son apparence polie, Ollie reprend. « J'aurais besoin de votre aide, si cela ne vous ennuie pas. C'est mon premier appartement et j'ai un petit problème avec la machine à laver… Si vous savez comment l'utiliser, je ne dis pas non à un coup de main.» Elle doit avoir l'air ridicule, à ne pas savoir se servir de quelque chose d'aussi simple et banal dans la vie de tous les jours.  « Vous faites dans l'original ! D'habitude, on demande plutôt du sel ou du sucre à son voisin. C'est une nouvelle technique de drague peut-être ? » Olivia, les sourcils froncés, piquée au vif s'apprête à répliquer vertement, sa légendaire susceptibilité la faisant réagir au quart de tour. «  Si c'est pour que vous vous moquiez, j'aurai mieux fait d'hiberner encore un peu ! Et ne vous méprenez pas, vous n'êtes pas du tout mon style. Je préférerais encore aller draguer le voisin du dessous ! » En vérité, il est physiquement tout à fait ce qu'elle recherche chez un homme, mais elle espère lui faire ravaler sa fierté. Quant à ce fameux voisin du dessous, elle l'a vu une fois et il s'agit d'un vieil homme un peu fou et loin d'être attirant. « Ah bon, ce n'est donc pas un filet de bave qui coule sur vos lèvres ? Je croyais, excusez-moi. En tout cas, je ferai passer le mot à monsieur Adams, il sera ravi. » Ollie, n'ayant jamais été habituée à ce qu'on se moque d'elle de cette manière, s'apprête à tourner les talons dans un élan de rage, l'esprit rempli de grossièretés à l'encontre du jeune homme. Celui-ci éclate alors de rire et sort dans le couloir, fermant la porte derrière lui dans un léger claquement. « Calmez vous, je plaisante. Montrez moi donc la cause de vos malheurs, je suis le roi de de la machine à laver. » Le menant dans l'arrière-cuisine, encore vexée d'avoir été ainsi la victime des moqueries du jeune homme, elle lui désigne où se trouve le lave linge et le laisse régler le problème entre deux commentaires sur ses goûts de luxe et ses sous-vêtements Dior qui traînent par là. Vive ma nouvelle vie, pense-t-elle avec un soupir.

[...]

Olivia rentre chez elle après une dure journée et elle n'a qu'une envie, s'allonger et dormir. La jeune femme a toujours du mal à supporter les longues heures de travail, ayant été habituée pendant une grande partie de sa vie à se prélasser et à s'amuser constamment. Elle est allée faire quelques courses en rentrant et la jolie blonde a les pieds en compote après être restée debout pendant aussi longtemps, n'arrêtant pas à la boutique. Le pire de tout, c'est que l'ascenseur de son immeuble est en panne et cela l'oblige donc à prendre l'escaliers, en talons et avec toutes ses affaires. La montée de l'enfer. Arrivée devant sa porte d'appartement, elle a la surprise d'y trouver Devon qui l'attend, l'ayant sûrement entendue arriver. Un sourire se dessine sur les lèvres de la jeune californienne, involontairement bien sûr. Elle le réprime aussitôt, depuis quand est-elle aussi heureuse de le voir ? Ils sont devenu amis au fil du temps mais il reste tout de même très agaçant quand il le veut. Elle n'est pas censée éprouver cette sensation de bonheur à sa vue. « Tu tombes bien, j'ai besoin d'un petit peu d'aide pour transporter tout à la cuisine. » Sans un bruit, il s'exécute, ce qui étonne grandement la jeune femme. D'habitude, il lui aurait lancé plusieurs remarques sarcastiques et se serait sans doute moqué gentiment de ses achats qui se résument à quelques légumes pas très frais, la belle ne sachant toujours pas bien les choisir. « Olivia, il faut qu'on discute. Tu peux venir chez moi quelques instants s'il te plaît ? » Les surprises s'enchaînent. Ils ne vont quasiment jamais l'un chez l'autre et ne discutent pas longuement, enfin jamais sérieusement. Or il semble plus que sérieux à ce moment précis. Après avoir fini de ranger ses courses, elle le suit donc de l'autre côté du couloir, ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre. Elle est à la fois excitée et nerveuse en s'imaginant ce qu'il pourrait bien lui dire. Cela a l'air assez important et son esprit bouillonne en pensant aux multiples possibilités. Devon l'entraîne dans la cuisine, où une énième surprise l'attend, assise sur l'une des chaises. « Selma ?! Mais qu'est-ce que tu fais ici ? » Elle n'est pas censée savoir où vit Olivia, celle-ci ne l'ayant dit à aucun de ses anciens amis. Lors de ses visites à Los Angeles, les deux jeunes femmes se sont vues quelques fois et Ollie a peut-être évoqué le Canada, mais elle n'est jamais rentrée dans les détails. Elles se sont éloignées l'une de l'autre au cours de l'année passée, ne se parlant que très peu et c'est donc doublement étonnée qu'Olivia trouve son amie là. « Elle était en pleurs devant ton appartement, je me suis dit qu'elle serait mieux installée ici pour t'attendre. » Ollie n'a même pas fait attention à l'état de son amie jusque là, trop étonnée pour y prêter l’œil. Pourtant, Selma est totalement repliée sur elle-même, les joues baignées de larmes. Elle ne ressemble plus à la femme douce et enjouée qu'a eu l'habitude de côtoyer Olivia, et cela lui fait un choc.  Devon, aux côtés de Selma, lui frictionne le dos pour la calmer. Un éclair incontrôlé de jalousie traverse alors Ollie, réveillant sa vieille rancœur envers son amie et envers sa facilité à attirer l'empathie, même des personnes qu'elle ne connaît pas. Jalousie exacerbée par le fait que la jolie orientale se fasse réconforter par Devon. Olivia essaie de passer outre ce sentiment déplacé en de telles circonstances et totalement insensé puisqu'elle se fiche de son voisin, et se rapproche de Selma, tentant de comprendre ses bredouillements. « Je ne savais pas où aller... Mon père ne me pardonnerait jamais et ma mère est devenue une loque, l'alcool est la seule chose qui l'intéresse... Oh, j'ai fait la pire erreur de ma vie... S'il te plaît Ollie, je ne pouvais pas rester à Los Angeles, est-ce que je peux habiter chez toi quelques temps ? Dé-désolée... » Olivia n'a absolument aucune idée de ce dont parle son amie, mais elle ne pose pas plus de questions. Elle ne peut pas refuser la faveur de Selma, et hoche la tête en signe d'assentiment, prenant son amie dans les bras. Si il y a bien une chose qu'elle a apprit à White Oak Station ces derniers mois, c'est qu'il faut tendre la main à ceux qui ont en besoin.