she went quietly (jaimey)

SHE WENT QUIETLY
Jaimie & Casey (Jaimey)

Il était grand temps de prendre mon envol, de me trouver un petit nid douillet, un endroit rien qu'à moi, même s'il n'eut été qu'un mouchoir de poche. Les disputes incessantes de mes parents commençaient à empiéter sur la qualité de mon travail et la fatigue répétée de n'être qu'un tampon entre Scott et mes parents me pesait. Jeune adolescent en période pseudo-rebelle dont les excès n'avaient de cesse d'accroître la tension palpable qui régnait au sein du foyer, mon jeune frère avait réussi à créer plus de conflits que toute la fratrie réunie. Il n'avait aucune limite et en était devenu ingérable. Même s'il n'avait que quatorze ans, ses frasques répétées avaient eu raison de bon nombre de choses. Aussi, le traditionnel repas dominical n'était plus qu'un souvenir, car bien que nous évitions ainsi de nous retrouver durant ce long moment devenu pénible, il s'agissait bien là d'une solution bancale et éphémère. D'ordinaire je n'étais pas lâche mais aujourd'hui, force était d'admettre que je ne cherchais qu'une chose, prendre la tangente.
Profitant de l'été, je me dirigeais au club dans lequel je passais la plupart de mes soirées. Il n'avait rien d'exceptionnel, qu'il s'agisse des boissons ou du décor, rien n'était plus original qu'ailleurs. A vrai dire, il ne m'intéressait pas plus qu'un autre voire peut être moins qu'un autre car trop fréquenté par des pecnots en chaleur et des midinettes en mini short ultra moulant pour exciter les premiers. Une chose cependant m'attirait comme une drogue ; le dj. Jaimie Marlow, mon ex compagne rythmait les soirées, ajoutant à cet endroit banal tout le charme qu'il avait pu espérer. Je me surprenais à trouver n'importe quelle excuse pour y ameuter mes amis et a y traîner plus que de raison dans l'espoir qu'elle me remarque, moi, l'imbécile malheureuse qui n'avait pas su se rendre compte de la chance qu'elle avait.

C'est donc seule et le cœur lourd, ce qui m'arrivait rarement, que je me dirigeais vers le bar ou je commandais un rafraîchissement, histoire de paraître un peu moins cruche, à défaut d'être déjà venue comme une idiote esseulée. Attrapant ma boisson, ce fut à cet instant que mon regard croisait celui de la plus belle sylphide qui m'eut été donné de voir.

Les soirées où elle mixait se ressemblaient, à force d'années, la jeune femme s'était imposé un petit rituel. Après avoir fait le trajet cigarette à la main, la blonde avait jeté celle-ci dans le cendrier près de l'entrée de service. Elle avait posé sa veste, s'était faite servir un verre au bar avant de passer de longue minute seule dans la salle du personnel, casque sur les oreilles à s'écouter quelques morceaux de musique, ceux qu'elle affectionnait particulièrement et qui tenait plus du rock des années soixante-dix que de l'électro qu'elle offrirait aux personnes dans la boîte plus tard. Puis dans une robe vintage, ses cheveux blonds lâchés sur les épaules, son rouge à lèvres prune et son trait d'eye liner, rien qui ne sorte trop de l'ordinaire. Elle plongeait dans la bulle, devant elle, les gens dansaient et elle esquissa un sourire, soudain son regard se posa sur une blonde en face d'elle qui la regardait plus qu'elle ne dansait. Son cœur rata un battement, mal à l'aise, elle porta son regard ailleurs, mais son regard se reporta inlassablement sur cette fille là. Ce n'était pas la première fois qu'elle la remarquait, ni la première fois qu'elle se troublait.

Une fois qu'elle eut fini, elle rejoignit la foule, prise d'une soudaine envie de braver l'impossible. Ses prunelles bleues se posaient sur la moindre blonde, elle cherchait Casey, ça ne pouvait plus durer, venait-elle pour elle ? Pourquoi ? Si non, avait-elle une copine ? L'avait-elle oublié ? Car Marlow avait beau tenté de démontrer le contraire, elle n'avait pas oublié son ex petite-amie, au contraire, désormais elle la voyait près du bar, seule, alors Marlow s'approcha à pas de loup, cherchant à attirer l'attention de la jeune femme sans en faire trop. Elle se retourna et soudain la jeune femme voulut faire demi-tour et partir. « Hey. » lâcha minablement.

Un verre, deux verres, pas plus que de coutume mais plus que de raison, l'un après l'autre sans en distinguer les saveurs, simplement pour le plaisir d’interagir avec quelqu'un, même s'il ne s'agissait que d'ajouter à cette commande un autre verre, faisant office de triste compagnie. Je n'avais pas pour habitude de mouronner mais la dynamique familiale et mon histoire avec Jaimie avait fait boule de neige et faisait remonter de nombreux souvenirs où se mélangeaient déceptions et joies. Beaucoup trop de sentiments paradoxaux pour une seule et même personne, surtout si elle a bu. Aussi, je décrochais mon regard de la scène pour contempler avec lenteur le fond de mon verre. « Salut, excuse-moi de t'embêter mais je peux t'emprunter une cigarette ? » Demandais-je à un inconnu à mesure que son paquet dépassait de sa poche arrière. Visiblement pressé et un peu éméché, ce ne fut pas une mais deux cigarettes que je réussi à obtenir. Je n'étais pas une grande fumeuse et malgré mes quelques principes écologiques, il m'arrivait de temps à autre de consommer quelques cigarettes. En soirée, parfois de manière plus ou moins répétée, quand quelque chose me tracassait.

Attrapant mon propre sac à main, regrettant quelque peu d'être venue regretter un temps révolu et surtout de chercher l'attention d'une fille qui ne se souciait certainement plus de moi, je quittais mon tabouret... pour me retrouver nez à nez avec ladite personne en question. « Hey. » Lâcha t-elle lorsque nos regards se croisèrent et je rougis immédiatement. Sale habitude. « Jaimie ! Hey. Je viens d'arriver. Enfin, j'allais partir. Enfin je veux dire ton mix était super... enfin du peu que j'ai entendu puisque je viens d'arriver. Même si j'allais partir. » Empotée au possible, je baissais la tête, évitant son regard. Ne se rendait-elle pas compte à quel point elle arrivait toujours à me déstabiliser ? « J'allais fumer, tu veux en griller une ? » Demandais-je, audacieuse et faussement nonchalante, histoire de ne pas passer pour la groupie-ex-en-mal-d'amour qui se cache et reconnait cette vérité en prenant ses jambes à son cou. « Ça fait longtemps... j'aime bien tes cheveux. » Lâchais-je en passant un index autour duquel j'enroulais une mèche de sa chevelure, chose probablement déplacée mais j'étais comme ça, spontanée et naturelle. Tactile. Et il n'y avait dans ce geste aucune pensée malsaine. Bien sûr, je me retenais d'y plonger mon visage et de m’enivrer de son odeur. Pour le coup, ça, ça aurait été vraiment déplacé.