DEUXIÈME ROUND
Tu m'touches, j'te bouffe

14 ans.
Depuis plus d’une heure, Gillian était incapable de se concentrer pleinement sur son film (qui avait pourtant l’air très intéressant, Tom Cruise tenait le premier rôle). Son regard faisait sans cesse des allers-retours entre l’écran du téléviseur et l’horloge de la cuisine dont la trotteuse égrenait les secondes dans un petit tic-tac très agaçant lorsqu’on y faisait attention. « Dis Papa, Maman ne devais pas rentrer il y a une heure ? » D’habitude, Ellen Connors ne manquait jamais l’heure du dîner, ou alors elle prenait soin de prévenir sa famille et qu’ils pouvaient commencer à manger sans elle. Or ce soir-là, aucun sms, aucun coup de téléphone, rien. Nada. Mine de rien, Gillian commençait à s’inquiéter. Assis à côté d’elle sur le canapé, son père soupira en jetant coup d'œil à sa montre. « Si, mais elle a dû avoir un empêchement. Tu sais, une réunion qui s’éternise, ça arrive à tout le monde. Mais je vais quand même lui envoyer un nouveau message. » Son père essayait de la rassurer, mais Gillian pouvait remarquer sa mâchoire crispée et ses sourcils légèrement froncés tandis qu’il allumait son téléphone portable. Gillian s’agita sur son fauteuil, croisa les bras sur sa poitrine naissante et tenta une nouvelle fois de s’intéresser aux cascades pleines d’effets spéciaux plus ou moins réussis de Tom Cruise.
[…]
« Bon aller là ! Tu l’embrasses et on en parle plus ! » Même la scène finale du film était barbante, Gillian était exaspérée. Elle avait toujours détesté les films d’amour, beaucoup trop prévisibles à son goût, et avait innocemment espéré que ce film d’action ne tomberait pas dans le gnagnan. Raté. La jeune fille éteignit la télé d’un geste rageur et se tourna vers son père, qui faisait à présent les cents pas dans la cuisine, le portable vissé à l’oreille. Sa mère n’était toujours pas rentrée et il était en train d’appeler chacun de ses collègues un par un dans l’espoir d’obtenir des nouvelles. En vain. Ethan Connors raccrocha pour la septième fois et secoua la tête négativement à la question muette de sa fille. La dernière personne à l’avoir vu était sa secrétaire lorsqu’elle était sortie en voiture de l’immeuble de la société où elle travaillait. Elle était partie à l’heure habituelle, soit vingt heures, mais peut-être était-elle tombée en panne sur le chemin et que son téléphone n’avait plus de batterie…
La sonnette de la porte d’entrée retentit quelques minutes plus tard, faisant sursauter père et fille. Comme un seul homme, ils se précipitèrent pour ouvrir. Mais ce n’était pas Ellen Connors qui les attendait sur le seuil. C’était un gendarme. « Monsieur Connors ? » Et même avant qu’il ne commence son discours en prétendant comprendre le malheur qu’il annonçait, Gillian savait.


18 ans.
« Hey Gil, tout va bien ? » Gillian essuya furtivement les larmes qui commençaient à s’accumuler au coin de son œil droit avant d’afficher un grand sourire de façade, comme elle savait si bien le faire. « Ouais ouais, aucun problème ! J’avais une poussière dans l’œil. » Gillian grimaça en prononçant ces derniers mots tant elle-même ne croyait pas à cette excuse vieille comme le monde. Évidemment qu'elle n'allait pas bien. Vue de l'extérieur, tout allait bien oui, mais à l'intérieur, elle était en mille morceaux. Et bien que tous ces petits bouts d'âme se recollent petit à petit au fil du temps ce n'était pas encore ça, même après quatre ans. Son ami ne serait pas dupe non plus. En effet, Michael la regardait intensément, comme d’habitude, mais cette fois avec un air inquiet. « Oh ça va hein, j'vais pas me briser en milles morceaux non plus. Arrête de m'regarder comme ça, c’est gênant. » Heureusement, son meilleur ami eût l’air de capter le message et n’insista pas. C’était un des avantages de Michael : il savait comprendre quand il devait la laisser respirer, même si, elle en était sûre, il devait avoir une tonne de questions à lui poser. Gillian haussa les épaules et fourra ses mains dans les poches de son sweat à capuche. « Arrête de me reluquer et concentre-toi sur la route. Tu vas nous faire rentrer dans un mur si tu continues, grommela-t-elle en s’enfonçant dans son siège. » Michael obtempéra de mauvais gré et réajusta ses lunettes sur son nez avant de changer de vitesse et de de suivre le camion de déménagement qui empruntait la sortie d’autoroute.


17 ans.
« Tu vas trop vite. Tu vas trop vite. Tu vas trop vite je te dis ! Wow Gabriel tu veux nous tuer ou quoi ?! Non parce que si c’est le cas, tu me déposes sur le bas-côté et tu continues ton trip tout seul hein ! » Les jointures des doigts blanches tellement elle serrait fort son siège, Gillian fusilla le conducteur du regard. Beaucoup moins stressé qu’elle, ce débile de Gabriel arborait un énorme sourire qui lui faisait trois fois le tour du visage, les yeux fixés sur la route que sa voiture de sport dévorait au fil des secondes tel un monstre affamé et amateur de macadam brûlant (bon, j’avoue, pas top comme métaphore). « Ok ok ça va, je ralentis, abdiqua-t-il finalement après que Gillian ait laissé échapper un énième gémissement. Avoue que c’était drôle quand même ! » Il eût droit pour toute réponse à une belle grimace et un majeur levé. « T’es con. Tu sais bien que je flippe quand ça va trop vite en voiture. » Gabriel lui fit son regard de chien battu, il savait parfaitement qu’elle ne lui résistait pas bien longtemps quand il ouvrait ses grands yeux innocents (technique ultime les mecs, prenez-en de la graine). Et effectivement, Gillian poussa un long soupir las et conclut la conversation par une petite tape sur l’épaule de son amoureux. Gabriel éclata de rire à ce manque de répartie pour le moins inhabituel et alors il su qu’il venait de gagner la bataille. « T’es prévisible Connors. Tu crois que je ne te connais toujours pas par cœur après deux ans ? » Gillian leva un sourcil interrogateur. « D’où je suis prévisible ? La plupart du temps je ne sais même pas comment je vais terminer ma propre phrase ! » Le jeune homme rit encore et passa une vitesse, faisant vrombir le moteur de sa Porsche. « Ce petit truc que tu fais avec ton nez là. Tu le fronces quand t’es contrariée, mais pas quand tu es énervée. Prévisible je te dis ! » Là, elle ne savait que répondre vu qu’il était le premier à lui faire cette remarque. Gabriel était la personne qui devait le mieux la connaître (à part Michael peut-être), elle, son fichu caractère et ses petites manies. Même son père ne faisait pas attention à ce genre de détails insignifiants. Une bouffée d’amour grandit dans sa poitrine et elle sourit. Dieu qu’elle aimait ce garçon. Gillian Connors se pencha et l’embrassa tendrement sur la joue avant de poser sa tête sur son épaule (heureusement que l’habitacle de la voiture était relativement étroit, ainsi elle n’avait pas à se déboîter le cou). « Conduis au lieu de dire des âneries plus grosses que toi. »


18 ans.
« Bon écoute Mike. C’est pas que t’es inutile là mais si j’avais voulu l’aide d’une plante verte je serais allée chez Jardiland. » L’intéressé cligna plusieurs fois des yeux en reprenant ses esprits tandis que Gillian repartait avec un nouveau carton dans les bras en soupirant d’un air exaspéré par le laxisme de son ami. « Ah euuh, oui, j’arrive ! » Dans le camion, il attrapa le premier meuble qui lui passa sous la main et s’engouffra dans l’immeuble à la suite de la jeune fille. Gillian Connors emménageait à White Oak Station dans un confortable appartement de Downtown Area, tous frais gentiment payés par papa. Évidemment, ce n’était pas avec ses deux petits bras qu’elle allait pouvoir porter tous ses cartons, alors lui s’était porté volontaire (ou elle l’avait menacé avec une batte de baseball, il ne se souvenait plus très bien) pour l’aider dans son emménagement en plus de la conduire en voiture à sa nouvelle adresse. De toute manière, même s’il l’avait voulu, il n’aurait pas pu lui refuser se service. Il ne pouvait rien lui refuser depuis la Quatrième. « Bon ! C’était le dernier, déclara-t-il fièrement en posant le grand porte-manteau dans l’entrée. Ça m’a l’air sympa ici, tu devrais t’y plaire. » Gillian s’étira le dos comme un chat et poussa un long soupir fatigué. « Ouais, c’est cool. Et le principal avantage est l’absence totale de voisins à l’étage du dessus. Vive les appartements sous les toits. » Michael leva les yeux au ciel. Ce genre de réaction ne l’étonnait même plus, tant il connaissait par cœur le côté antisocial de son amie. Moins elle avait de relations avec les gens, mieux elle se portait. Heureusement pour elle qu’elle avait un charme fou sinon elle pouvait être sûre de finir vieille fille avec trente-six chats et aucune autre espèce d'ami. Un coup d’œil à la fenêtre apprit à Michael que le soir tombait sur la ville. La lumière du crépuscule accentuait le roux flamboyant des cheveux de Gillian, la faisant encore plus sauvage qu’elle ne l’était déjà. Elle était belle, et elle le savait. Mais elle était aussi inaccessible, telle la flamme vacillante d’une bougie, et dangereuse si on s’en approchait de trop près. Mais comme cette petite flamme, Gillian était fragile et un souffle de vent pouvait signer sa perte. Enfin, après réflexion, ce n’était pas si simple. Un ouragan aurait été plus efficace qu’une petite brise. Le grand blond soupira discrètement en détournant difficilement le regard de la jeune fille. Depuis des années qu’il essayait de percer le mur émotionnel que s’était forgé son amie depuis le décès de sa mère, il n’en avait fait qu’effleurer la surface. Même pour son meilleur ami, le mystère de Gillian Connors restait entier. Mais pour combien de temps ?

Spoiler:

Félicitations, tu es officiellement validé(e) !
Ton écriture est tellement agréable à lire, j'en veux plus moi , j'ai adoré ton histoire, les dialogues, les petites touches d'humours, tout ça , bien que dans le fond c'est assez triste

Selon le questionnaire, tu te retrouves dans le groupe Looking Forward.
Tu peux désormais te rendre dans la catégorie Gestion du personnage pour faire les diverses demandes, tu peux aussi recenser ton personnage, ou bien rechercher des liens. Ensuite, tu peux aussi aller créer un ou plusieurs scénarios ou des bandes. 50 points t'ont été ajoutés pour ta validation, tu retrouveras d'ailleurs plus d'informations sur le système de points à cet endroit. Enfin, pour faciliter ton intégration, n'hésites pas à participer à la loterie des rps.

Bref, tout le staff te souhaite la bienvenue sur Feels Like Tonight !