abigail & nina
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Pas de soucis beauté 💕
Sitôt accepté la proposition d'Abby, Nina chercha rapidement Corali dans la liste de ses conversations récentes avant de taper un second message.
Ce soir, tu sors ? ☺️ Abby va retrouver un bg et j'veux pas tenir la chandelle 👌
Nina reposa son iPhone sur le bord de la table avant de se réinstaller confortablement dans son fauteuil. Elle resta ainsi, les jambes étendues et sans rien faire, pendant une dizaine de minutes environ. Elle était en vacances pour de bon, elle avait eu les résultats hier et ils étaient très bons alors dorénavant, elle comptait bien profiter. La mention très bien, bravo sœurette ! l'avait félicité Edi pas plus tard que ce matin, en rentrant de soirée. Il avait apparemment passé les heures entre la fermeture de l'Aurora et son retour à la maison chez quelqu'un d'autre -une fille, peut-être ?- et après avoir petit-déjeuner avec sa sœur, il était directement parti se coucher. À ce train-là, elle ne le reverrait pas avant la fin d'après-midi. Tling. Nina sursauta, attrapa son téléphone portable.
Aurora ?
Nina sourit.
Aurora.
C'était souvent comme ça, avec Corali. Pas besoin de long discours.

Nina avait fait le ménage de sa chambre puis s'était prise la motivation de faire le reste de la maison. Elle avait entendu Edi crier « Pétasse ! » quand elle était passée près de sa chambre avec l'aspirateur, s'était mise à rigoler et avait continué comme si de rien n'était. Elle s'était ensuite préparée un casse-croûte, l'avait dégusté devant la télé puis était partie se balader pendant quelques temps. Elle était revenue depuis une dizaine de minutes quand son amie frappa. « Oh chérie ! » Nina la prit dans ses bras, avant de lui retourner sa question. « Ça va super oui, on va pas se plaindre des vacances. Et toi ? » Elle décocha un petit clin d’œil accompagné d'un sourire malicieux, sous-entendant Comment ça va avec le fameux garçon, puis pris le chemin de sa chambre. Elle hocha la tête à la question d'Abigail, tout en poussant la porte de son antre. « Il est dans sa chambre, je crois qu'il dort encore. Il est rentré à dix heures ce matin. » Elle rigola avant de refermer la porte derrière son amie. « Va lui dire bonjour, il s'en réjouira ! » Elle pouffa de nouveau, sachant pertinemment la tête qu'Edi ferait. Abby avait beau être magnifique et ne pas laisser indifférent son grand frère, elle savait qu'il serait en colère que sa sœur l'ait autorisée à rentrer alors qu'il n'avait pas d'autre envie que de dormir. Nina s'installa alors dans son fauteuil, qui faisait face à là où s'était assise Abby. « Alors, raconte-moi tout ! » Ses yeux se mirent à pétiller, comme à chaque fois qu'elle était sur le point d'apprendre un scoop ou une nouvelle importante. « Il est grand ? Brun ? Il s'appelle comment ? »

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« Un stage ? » souffla Nina, étonnée. « Qu'est-ce que tu t'embêtes à faire ça ? Ou alors c'est obligatoire ? » Il y avait bien des filières, après tout, qui imposaient de réaliser un stage pour valider le diplôme. En mathématiques, ce n'était pas le cas. Les plus motivés en faisaient un tout de même, mais malgré tout le sérieux que Nina mettait dans ses études, passer son été à travailler ne l'enchantait guère. Elle ne serait pas étudiante pour le restant de ses jours, et elle préférait profiter de ses vacances scolaires tant qu'elle le pouvait. C'était aussi dans ces moments-là qu'elle plaignait ceux qui ne disposaient pas des moyens dont elle-même disposait, et qui devaient passer leur été à travailler pour financer l'année suivante.

Nina rigola légèrement à la réponse d'Abi, qui n'était au final pas très tentée d'aller réveiller son frère. « Dommage. » Elle aurait adoré voir sa réaction ; mais elle savait aussi qu'il ne serait pas aussi énervé contre Abigail qu'il aurait pu l'être envers Nina. Et puis, il aurait tout de suite compris que l'idée venait de sa sœur et elle aurait eu le droit à son quart d'heure de réprimandes une fois son amie partie.

« Aaah, génial ! » lança Nina, toute excitée. Elle avait beau avoir joué un rôle pendant ses années d'internat, afin de se faire accepter et ne pas être réduite à la fonction de paria parmi toutes les vipères qui étudiaient là-bas, Nina n'en était pas moins une fille qui aimait les gossips et c'était un point qu'elle avait réellement en commun avec sa bande d'amies, et non quelque chose qu'elle avait finit par apprécier un peu par défaut. « Petite chanceuse, va ! » Leo était un prénom sacrément canon, il fallait le dire, il était grand et brun, il conduisait et faisait de la moto... que demander de plus, sincèrement ? Elle l'imaginait déjà, craquant au possible. Ils feraient une bonne paire avec Abi, Nina en était sûre. Elle n'avait qu'une hâte : qu'elle le leur présente. Mais pour ça, pour que ses amies aient la chance de découvrir le mystérieux Leo, il fallait qu'il ait envie de revoir Abigail... et Nina était là pour aider à faire pencher la balance, si tant est qu'il hésitait. Elle savait que son amie n'avait pas besoin d'artifices pour faire craquer la gente masculine, mais une belle robe et un maquillage bien réalisé n'était jamais à négliger. « Siii, bien sûr ! » Nina fit un geste pour signaler qu'Abi pouvait tout à fait se lancer dans une recherche à la  tenue parfaite. C'était une chose qu'elle adorait, aussi, faire des échanges d'habits. Elle ne manquait pas de vêtements pourtant, mais elle trouvait toujours qu'elle n'en avait jamais assez. « Attends ! » cria-t-elle presque, en sautant soudainement sur ses deux pieds, « j'ai acheté un ensemble l'autre jour, je ne l'ai mis qu'une fois encore... tu m'en diras des nouvelles. » Nina plissa les yeux, un sourire aux lèvres, avant de se mettre à fouiller dans ses placards à son tour. Elle avait le nez dans ses tops quand Abigail lui demanda des nouvelles de son côté. « Ah, voilà ! » Elle extirpa un bustier jaune pâle et une jupe noire taille haute bi-matière, courte mais sans faire vulgaire. Elle tendit l'ensemble à son amie avant de répondre à la question qu'elle lui avait posé. « Bofh. » Elle haussa les épaules, mais savait que cette réponse ne suffirait pas. « C'est toujours au même plan avec Ashton, enfin... il pourrait y avoir un truc, mais comme je te disais je n'ai pas trop envie de me lancer dans un truc sérieux. » Pour tout dire, Nina aurait adorait s'éclater, se rendre en soirée, embrasser un mec aussi canon que le Leo d'Abigail semblait l'être, pourquoi pas coucher avec lui aussi ? Et reprendre sa journée le lendemain tranquillement, sans qu'elle n'ait aucun engagement vis à vis du garçon en question. Elle aurait aimé faire ça, mais ça ne la ressemblait pas. Pas du tout, même.

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Nina hocha la tête, compréhensive. Elle plaignait réellement son amie qui était obligée de faire un stage parce que son père le lui avait imposé, et non pas parce que son cursus le demandait. Ce n'était pas une mauvaise idée en soi, parce qu'un stage permettait de découvrir une entreprise, le milieu du travail, et de commencer à se faire un réseau. Ce n'était pas négligeable pour la suite de la carrière, cela pouvait permettre le bouche à oreilles et ainsi dégoter des postes intéressants dans une autre entreprise, mais Nina n'avait pas besoin de tout ça. C'était triste à dire, mais en ce qui la concernait, ça fonctionnait par piston. Son père était assez haut placé et avait assez de contacts à lui tout seul pour faire entrer sa fille dans n'importe quelle entreprise, et avec une bonne position qui plus est. Il n'avait souvent besoin que d'une petite discussion où il usait de persuasion, et si cela ne fonctionnait pas, il se contentait de faire un chèque. Cela paraissait injuste, dit comme ça, mais Nina s'en moquait bien à vrai dire. C'était la dure loi du travail... et au vu de la conjoncture actuelle, elle préférait réunir toutes les chances possibles. Si elle avait cette facilité à trouver un bon travail qui lui était disponible, alors autant la saisir. Elle savait ce qu'elle valait, elle croyait en ses capacités et elle n'avait rien besoin de prouver à personne. Elle n'avait besoin de trimer pour trouver un job par ses propres moyens, pour que les gens sachent qu'elle était douée dans ce qu'elle faisait.

Nina jaugea du regard les trois tops qu'Abigail avait étalés sur le lit, le bustier jaune ne lui convenant pas. La Plae pensa que, en effet, il correspondrait peut-être davantage à quelqu'un de plus bronzé, avant de réaliser qu'elles étaient aussi pâles de peau l'une que l'autre ; Nina l'était peut-être même plus, d'ailleurs. Ce n'était finalement qu'une question de goût -ou alors elle avait vraiment fait une erreur en l'achetant, et en le portant. « Hmm... je dirais plutôt le top blanc ou le rose... parce que bleu foncé sur noir, c'est moyen je trouve. Ça contraste pas vraiment, enfin je sais pas, j'ai toujours trouvé ça bizarre. » Elle plissa les yeux, tentant d'estimer ce qui irait le mieux. Il fallait qu'Abby essaie, de toute manière. Tandis que son amie retirait le bustier et choisissait un des deux hauts, Nina s'assit sur le rebord de son lit. Elle fixa le bout de ses pieds quand Abigail la questionna par rapport à Ashton. Elle haussa les épaules, incertaine de la réponse. « Je sais pas... je, ça s'est super bien passé avec Peter, on a passé des supers mois ensemble mais... je sais pas. On s'est pourtant séparé comme il fallait, d'un commun accord tout ça... mais au final j'avais l'impression, enfin je pense, d'être passée à côté de plein de trucs. De moins vous avoir vu, d'avoir moins fait la fête... » Elle haussa les épaules de nouveau et pinça les lèvres. Elle s'inventait des excuses, Nina. Elle n'avait qu'à se projeter à l'époque où elle sortait avec lui pour se rappeler d'à quel point elle était heureuse, d'à quel point elle l'aimait et aimait passer du temps avec lui, peu importe si elle sortait moins avec ses amies ou en discothèque. Alors, qu'est-ce qui la bloquait réellement ? Peut-être qu'Abigail avait raison, peut-être que Nina avait peur. Mais de quoi ? C'était là toute la question. « J'ai peur qu'il soit trop bien pour moi. » Eh bien, voilà. Ça n'était pas difficile ! « Et qu'il ne me considère que comme une amie... » C'était sûrement ça, sa plus grosse crainte. Bien sûr qu'ils flirtaient tous les deux un petit peu, mais Nina n'avait pas assez d'expérience avec les garçons -au contraire de ce qu'elle avait fait croire durant ses années d'internat- pour être totalement confiante et certaine des sentiments d'un garçon. Elle s'était toujours dit, aussi, que la gente masculine flirtait avec n'importe qui du sexe opposé, et que cela ne voulait rien dire... Et puis, Peter était son premier amour et elle avait peur que cela ne soit pas pareil, pas aussi bien avec Ashton. Elle ne dit cependant rien à ce propos, parce qu'elle avait peur de paraître trop fleur bleue, trop romantique. Elle entendait déjà Abby la reprendre en lui assurant que le premier amour, c'était des bêtises ; qu'on n'aimait pas un seul garçon toute sa vie. « Mais bon ! Tu étais venue pour qu'on parle de ton Leo. » Nina regagna son sourire, avide d'en savoir toujours plus sur ce mystérieux bellâtre. « Tu me diras comment ça se passe, hein ? Hiii, je suis toute excitée pour toi ! » Elle rigola légèrement, avant d'entendre la sonnerie de son téléphone, signalant un nouveau message. Nina, elle n'allait plus rire pour très longtemps. Et, très certainement qu'Abby ne lui dirait pas comment son entrevue avec Leo s'était passée. Ce sms signait, sans aucun doute, le début des hostilités ; celles que Nina savait inévitables mais qu'elle avait tenté par tous les moyens de reculer. Aussitôt, elle fut prise de panique. Celle qu'elle avait ressentit quelques jours plutôt, chez Aimée, n'était rien à côté. Sa respiration s'accéléra instantanément, et Nina regarda Abigail les yeux écarquillés, tentant de paraître naturelle. « Aimée Nolin ?! » Elle fronça les sourcils, feignant l'incompréhension. Elle ne dupait malheureusement personne, et certainement pas l'une de ses meilleures amies. Nina attrapa son téléphone, que lui tendait Abby, et le déverrouilla. Aimée venait en effet de lui envoyer un sms, pour lui demander un renseignement sans importance. Nina profita du ton moqueur de son amie pour tenter de sauver la situation qui se dégradait à vitesse grand v ; « Elle était peut-être désespérée ? » Mais... désespérée de quoi ? C'était une bien piètre excuse. Nina secoua la tête et jeta son téléphone au loin, sur son lit. « Elle peut rêver pour que je lui réponde, à celle-là » lâcha-t-elle d'un ton dédaigneux. Cela lui faisait mal, de parler d'Aimée de cette manière, mais c'était la solution de la dernière chance.

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L'après-midi de Nina -pour ne pas dire sa vie, au risque de paraître trop dramatique- pouvait se diviser en l'avant sms et l'après. Ce ridicule sms qui aurait pu ne rien vouloir dire allait complètement changer le cours paisible de la petite vie rangée de Nina Plae. Elle aurait pu agir l'air de rien, prétendre qu'elle bossait malheureusement sur un même projet avec Aimée, ou même qu'elles s'étaient croisées à l'université et que le temps ayant passé, elles se parlaient avec courtoisie. Abigail aurait peut-être pu comprendre -toujours plus que l'étrange réaction qu'avait eu Nina, en tout cas. Il ne s'était passé qu'une poignée de minutes depuis que la blonde avait répondu que, oui, la paire de chaussures qu'Abi avait acheté la semaine passée s'assortirait à la perfection avec le haut rose et qu'elle avait hâte de voir l'ensemble au complet, qu'elle était persuadée qu'elle ne ferait qu'une bouchée du fameux Léo ; il ne s'était passé qu'une poignée de secondes depuis qu'Abigail avait assuré à son amie qu'Ashton ne la considérait certainement pas que comme une simple amie, à peine quelques secondes depuis que Nina avait souri un peu timidement, avait fait un geste de la main et avait tenté de changer de sujet... Elle était toujours gênée de parler de ses sentiments ; de ses vrais sentiments. Une poignée de minutes, une poignée de secondes, et pourtant Nina avait l'impression que c'était à des années lumières de là. Alors que les battements de son cœur s'accéléraient de façon incontrôlable, elle se maudissait de n'avoir pas approfondi le sujet Ashton, ce qui aurait peut-être empêché Abigail de voir le message destructeur, puisqu'elle aurait été trop concentrée sur leur conversation... Nina paniquait, littéralement. L'angoisse l'avait prise à la gorge, d'un coup. Cette même angoisse qu'elle avait ressenti chez Aimée lorsqu'elles avaient eu leur importante discussion, quelques jours plus tôt ; cette même angoisse, mais en dix fois pire. Vingt fois, cent fois. Nina n'arrivait plus à respirer. Et pourtant, il fallait qu'elle garde la face. Elle ne pouvait pas se décomposer, pas tout de suite. Il fallait qu'elle sauve les meubles. Mais comment ? Comment pouvait-elle sauver quoique ce soit alors qu'elle savait parfaitement l'issue de tout ça ? Comment pouvait-elle atténuer la bombe qui s'apprêtait à exploser ? Comment pouvait-elle ne serait-ce que diminuer les conséquences du plus gros mensonge qu'elle ait jamais proféré ? « Rien, rien » souffla-t-elle enfin comme une prière, quand Abigail lui demanda ce qu'il se passait. Un frisson parcouru l'échine de Nina, et elle se gratta nerveusement le visage. ... quand même pas ton amie ? Sa respiration se coupa. Ton amie ? Ton amie ? « Mon amie ? » Nina haussa les sourcils, tentant de paraître la plus surprise possible. Elle savait qu'elle ne dupait pas Abigail, mais le regard que son amie affichait n'avait rien d'encourageant. « Tu veux rire ? » Nina avait l'air tout, sauf assurée. Elle qui marchait toujours la tête haute, qui avait toujours le sourire aux lèvres, qui était toujours confiante, elle était à présent ratatinée sur elle-même, le regard fuyant. Elle pria mentalement pour que son frère se réveille et vienne lui demander quelque chose dans sa chambre. Ça la sauverait, vraiment. De quoi retrouver son assurance, faire comprendre à Abigail qu'il était temps pour elle de partir, qu'elles discuteraient plus tard. Plus tard, c'était toujours mieux que maintenant. Ça lui laissait le temps de réfléchir un peu plus à ce qu'elle pourrait dire pour sa défense. Mais, cela faisait une semaine qu'elle retournait dans sa tête ses arguments, et ils sonnaient tous incohérents à présent. Inutiles. Certainement pas à la hauteur de ce qu'elle avait fait. Elle n'avait aucune excuse. Nina attrapa son téléphone et appuya sur le bouton central. Coucou Ninette, comment ça va ? Tu es là ce soir ? Je peux passer chez toi ? ♡ Ou tes "copines" te retiennent ? ... Tu leur as dit ? La respiration de Nina s'accéléra plus encore et elle verrouilla son téléphone pour afficher de nouveau l'écran noir. Elle jeta un coup d’œil à Abi, mais détourna bien rapidement le regard. Une larme coula le long de sa joue, puis une autre. Elle était perdue. Son menton trembla, ses lèvres tremblèrent, alors que d'autres larmes s'échappaient de ses yeux. « Je suis désolée » articula-t-elle avec difficulté, la voix faiblarde. « Je suis désolée Abi... » Elle plongea son regard dans celui de son amie, s'imprégnant de ses traits avant que la grande vague de vérité ne déferle sur elles.

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Après avoir bredouillé quelques excuses, Nina baissa la tête pendant quelques secondes. Puis, repensant à ce qu'avait dit Abigail quelques secondes plus tôt, elle releva doucement la tête, puis la tourna de droite à gauche. « Je ne me moquais pas d'elle, Abi. » Elle utilisait encore le surnom de son amie, par habitude, même si elle n'aurait peut-être pas dû au vu de la tension qui avait remplacé l'ambiance légère de la chambre. « Vous vous moquiez d'elle. » Nina posa son regard ailleurs que sur la blonde qui lui faisait face ; n'importe où, mais ailleurs : sur la porte de son armoire, sur la fenêtre en double-vitrage, sur sa table de chevet. Elle n'avait pas été exemplaire, bien sûr. Cela aurait été trop louche. Elle avait rit, elle aussi. Elle avait rit quand ses amies se moquaient d'Aimée, d'un rire faux, qui lui donnait la nausée. Elle avait elle-même débuté les moqueries à certaines reprises, sur d'autres filles qu'Aimée. Pour rentrer dans le moule de sa bande, pour qu'on ne se rende pas compte qu'elle était une traîtresse. Elle s'était moqué à contre coeur, elle était devenue la personne même qu'elle abhorrait, celle qui lui avait fait peur en arrivant à l'internat. Elle n'y avait jamais pris plaisir, mais elle avait fini par s'y habituer. « Elle était loin d'être nulle, tu sais ? » Nina posa furtivement son regard dans celui d'Abigail. « Bien plus int-... » Elle ne finit pas sa phrase, avala sa salive à la place. Elle essuya les quelques larmes qui avaient coulé et prit une grande inspiration. Elle ne devait pas se démonter. Elle devait se montrer forte, le plus longtemps qu'elle le pourrait. « On est bonnes copines, oui » répliqua-t-elle finalement, fermement. « Depuis cinq ans maintenant. » Autant être honnête, non ? À quoi bon mentir de nouveau maintenant, alors que la vérité était si palpable ? Un sanglot prit Nina par surprise et lui souleva la poitrine. Elle se mordit la lèvre, au bord des larmes. Elle finit par se lever et se diriger jusqu'à la porte de sa chambre. « Je comprendrais que tu aies besoin de temps pour encaisser ça. » Elle se tourna vers le couloir, pour inviter Abigail à partir. Nina ne voulait pas de cette discussion, bien sûr. Elle voulait l'éviter à tout prix. Elle préférait y mettre fin tout de suite, alors qu'elle maîtrisait encore un tant soit peu ses émotions. Elle savait qu'une plus ample discussion serait inévitable, mais elle préférait avoir le temps de s'y préparer. Elle s'y préparait pourtant depuis quelques semaines déjà, mais ce n'était toujours pas assez. Ce ne serait jamais assez.

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« Vous n'étiez pas les seules méchantes, parce que je ne valais pas mieux que vous, » répliqua Nina, la colère étant bien perceptible dans sa voix. Abigail avait haussé le ton, et elle en fit de même. Elle n'était pas de nature colérique et était d'ordinaire plutôt calme, d'ailleurs, mais elle sentait la situation lui échapper et c'était une manière de reprendre le contrôle. Elle n'était pas tant énervée contre son amie que contre elle. Elle s'en voulait d'en être arrivée là. Elle s'en voulait d'avoir fait tout ce qu'elle avait fait. Si, à l'époque, elle se disait que laisser ses amies se moquer et insulter des lycéennes qui n'avaient rien demandé était un mal pour un bien, qu'au moins ce n'était pas elle qu'elles insultaient, aujourd'hui son comportement passé la dégoûtait. Elle ne valait pas mieux qu'elles, non. Elle le savait. Et elle aurait tout fait pour remonter le temps, revenir en arrière, effacer tout ce qu'elle avait fait. Et le refaire différemment. Elle aurait interprété l'encouragement de son père d'une autre façon ; au lieu de voir dans son "Tu as plus d'un tour dans ton sac" une incitation à entourlouper les filles populaires pour ne pas qu'elles s'attaquent à elle, elle y aurait vu le signe qu'elle était capable de s'opposer à elles, de résister à leurs insultes. Qu'elle aurait trouvé le moyen de leur faire comprendre qu'elles n'avaient pas le droit de faire ça. Oui, si elle pouvait remonter le temps, Nina assumerait la personne qu'elle était et accuserait les coups. « Je ne les ai jamais défendues, non. Et je m'en mords les doigts encore aujourd'hui. Pas toi ? » Elle posa la question avec un air de défi, faisant passer Abigail pour la méchante sans remord. La jeune femme s'énerva alors, interprétant la phrase raccourcie de Nina comme une insulte à son intelligence. Quand elle eut finie de s'emporter, Nina répliqua avec véhémence. « Intéressante. Plus intéressante, c'est ça que je voulais dire ! Et oui, c'est exactement cette opinion que j'ai de vous ! » Elle prit une grande inspiration. Vous n'avez jamais été mes meilleures amies, voulu-t-elle lui balancer en pleine figure. Le souci étant que cela n'était qu'à moitié vrai. Elle n'était pas les meilleures amies de la Nina "du passé", mais elles étaient celles de la personne qu'elle était devenue. Elle s'était accommodée de leurs caractères, de cette tendance à la moquerie. Elle avait refourgué ailleurs tous les mensonges qui avaient tissé leurs amitiés. Elle s'était mise à les apprécier, au fil des mois. À les considérer comme des réelles amies. Elles étaient devenues sa bande, son refuge, son repère. Elle avait peur d'elles, toujours, pourtant. C'était assez paradoxal ; l'amitié qu'elle éprouvait envers elles était paradoxale. « Vous qui n'étiez intéressée que par votre apparence, votre tour de poitrine ou le dernier garçon avec qui vous aviez couché... » Bien sûr, elles avaient toutes grandies et mûries, depuis. Avec l'université, leurs conversations avaient évolué ; mais beaucoup de sujets tournaient encore aujourd'hui autour du fashion faux-pas de telle fille, des ongles de l'une ou du plan cul de l'autre. Nina se dirigea vers la porte de sa chambre, voulant en finir avec cette discussion qui tirait plus sur la dispute. Elles allaient finir par réveiller Edi, qui plus est, et Nina ne voulait pas qu'il apprenne toute l'histoire à travers leur altercation. Avec un peu de chance, son frère se rangerait du côté d'Abi, pour qui il en avait toujours un peu pincé. Quand la blonde demanda à Nina s'il n'y avait pas d'autres choses, en plus de l'amitié cachée avec Aimée, qu'elle lui aurait cachée, sa respiration se coupa. Que pouvait-elle répondre ? Elle ne pouvait certainement pas lui dire que, justement, pendant qu'on y était, elle avait en effet menti sur toute la ligne. Qu'elle avait couché avec le professeur de littérature ? Que des mensonges. Qu'elle avait perdu sa virginité à la fin de son collège, avec un lycéen craquant ? Mensonge. Et que dire de ce secret qu'elle gardait pour la simple raison d'avoir un moyen de chantage ? Au moins, elle ne l'avait jamais répété. C'était une chose contre laquelle Abi ne pourrait pas l'attaquer... mais ce n'était qu'un détail. Elle s'en ficherait très certainement qu'il ait été répété ou non, à partir du moment où Nina s'était débrouillée pour le savoir simplement pour être sûre qu'Abigail ne se retournerait pas contre elle. La jeune Plae prit une grande inspiration. Elle avait menti pendant cinq ans, elle pouvait bien le faire une journée de plus, non ? Elle secoua la tête de droite à gauche. « Rien. Qu'est-ce que tu voudrais que je te cache de plus, de toute façon ? » Cacher une amitié était suffisant, non ? ... Nina commençait à perdre pieds. Il fallait qu'elle reste maître d'elle-même encore un peu. Si Abigail sortait maintenant de sa chambre et de sa maison, elle pourrait encore reprendre ses esprits. Reprendre contenance. Le temps passerait, la tension retomberait. Et elle pourrait aller la voir, demain ou dans trois jours, pour s'excuser. Pour lui dire qu'elle était désolée de lui avoir caché une chose aussi grosse. Abigail lui pardonnerait, et la question des secrets ne seraient jamais abordée. C'était une bonne solution, oui. Il suffisait juste qu'Abi parte maintenant.