Le soleil triomphait dans le ciel. Fier guerrier paré d’or, il dominait l'étendu bleue. Ses bras réchauffaient les corps et les âmes des passants. Cruel, il frappait également sans prévenir les peaux fragiles et délicates des promeneurs. Omniscient, il était présent à chaque coin de rue, derrière chaque porte, chaque fenêtre, sur chaque toit de la ville… Le printemps était loin derrière. L’été avançait rapidement. Les fleurs blanches et roses des arbres étaient fanées. Les fruits et les roses embaumaient l’air. Le long des avenues étaient animés par la bonne humeur des festivaliers.
Posé à une terrasse d’un café avec livre, comme n’importe quel mortel, Enzo profitait du soleil et du beau temps. Il quitta un instant son ouvrage des yeux et dirigea son regard sur les alentours. Il observa la population de White Oak Station vaquer à leurs occupations. Les demoiselles avaient sorti leurs plus belles jupes colorées pour laisser respirer leurs gambettes. Leurs peaux blanches attiraient l’attention de n’importe quels hommes ou femmes aimant la beauté des corps. Des gouttelettes de sueurs cascadaient parfois sur leur visage puis se jetaient dans le vide et atterrissaient dans leurs décolletés plongeants. Certaines personnes préféraient l’hiver à l’été, mais personne ne pouvait réellement détester cette saison. On pouvait l’aimer un peu moins que les autres, mais lorsqu’elle était là, les cœurs étaient plus léger. Selon Enzo, il ne pouvait y avoir de dépressions estivales. Les étudiants étaient en vacances et profitaient de ces instants pour vivre de nouveaux émois, de nouvelles passions. Les parents pouvaient profiter de leurs marmailles en sortant de leur travail, sans se précipiter à la maison pour leur faire faire leurs devoirs. Les personnes âgées poursuivaient lentement leur vie en se plaignant de la chaleur. Mais pour une fois, ce n’était pas à cause de leurs articulations pénétrées par l’humidité de l’hiver qu’ils rouspétaient. L’été donnait cette étrange impression que le monde était beau. La laideur disparaissait de la surface de la Terre. Le soleil, ce héros, réduisait en cendres les difformités de l’existence. L’été : ce magnifique mirage.
Enzo termina son verre d’eau gazeuse en contemplant la trépidante vie des habitants de White Oak Station. Son esprit s’était raconté des histoires sur la jeune femme rousse aux yeux bleus assise sur un banc. Son cerveau avait mis en scène des dialogues entre de jeunes hommes et de jeunes femmes qui se promenaient en se tenant la main. Lorsque son imagination se mit à décliner, il se leva, défroissa d’une main son T-shirt blanc, lissa les plis de son jean brut et paya sa consommation. Les mains dans les poches il fit quelques pas, se dirigeant vers la grande place de la ville. Beaucoup de personnes étaient assises sur des bancs et dégustaient des crèmes glacées. D’autres personnes ne faisaient que passer. Enzo se rendit alors compte qu’il avait oublié son livre à la terrasse du café. Il se figea et se retourna brusquement. Une jeune femme qui passait par là et qui n’avait pas pu anticiper qu’il ferait volte-face au beau milieu de son chemin, le percuta. La petite silhouette fine fit presque un rebond contre le sien et atterrit sur le sol. Dans sa chute, elle laissa tomber une pochette et son sac qui s’éparpillèrent autour d’eux. Confus et inquiet, Enzo s’accroupit et attrapa la main de la jeune femme afin de l’aider à se relever. « Je suis vraiment désolé, Mademoiselle. Je suis parfois tête en l’air. Vous n’avez rien de cassé ? Laissez-moi vous aider à vous relever. » Les gigantesques yeux bleus de la jeune femme se posèrent alors sur lui. Deux grandes billes de verre... Son visage ressemblait trait pour trait à ceux d’une poupée. L’odeur sucrée et féminine qui se dégageait d’elle accentuait encore un peu plus cette impression. Gracile, il aurait presque pu la soulever de terre avec un seul bras sans forcer. « Il y a des minois de femme si particuliers, qu’on a envie de les graver dans nos souvenirs afin de les utiliser comme muse lorsque les vers sont fait prisonniers de la vilenie de la vie. » Pensa-t-il. Est-ce de ce type de visage dont se sont inspirés les fabricants des poupées de porcelaine ? Certainement. Il ne serra pas trop fort sa main en la relevant. Il avait peur de la casser.
Lorsqu’elle fut sur ses deux jambes, il la regarda des pieds à la tête pour s’assurer que par sa faute, elle ne s’était pas entaillé sa peau de craie à un quelconque endroit. « Vous allez bien ? » demanda-t-il encore, soucieux de lui avoir causé une forte douleur. Les ravissantes créatures ne devraient jamais avoir à souffrir. Le mal sublimait la beauté avant de la défigurer et de la dénaturer… « Laissez-moi ramasser vos affaires. Tout ça est de ma faute, c’est à moi qu’en incombe le labeur. » Il s’accroupit alors de nouveau et rassembla les feuillets qui s’étaient échappés de la pochette. En y regardant de plus près, il se rendit compte que c’était des photographies. Il se figea lorsqu’il reconnut un des visages imprimés sur le papier glacé. Son cœur fit un bon dans sa poitrine. Une femme se tenait au milieu de nulle part et tenait un enfant dans ses bras. Le photographe avait réussi à prendre l’instant clef, l’instant d’amour et de complicité intense qui existe entre une mère et son enfant. Entre la mère de son enfant, Charlotte et sa fille Alaska. Il se redressa, troublé par cette photo qui devait dater de quelques mois à en croire l’âge de sa fille. Une époque où il était absent... « Est-ce vous l’artiste qui avait pris ces photos ? » demanda-t-il sans quitter l’image des yeux. Une vague de mélancolie le submergea. Il pensa aussi bien à Alaska et Charlotte présentes sur cette photo, qu’à son fils qui se trouvait à des milliers de kilomètres de lui : Ulysse.
Magdalena apprécie fortement cette période de l’année. L’été. Habituellement, la blonde a des vacances donc elle peut en profiter pour voir un peu du pays, mais cette année, c’est différent. Magdalena n’a pas de congés durant les deux mois où tout le monde peut en profiter. Avant d’avoir les résultats de ses examens, la blonde a trouvé un poste d’assistante dans une agence de photographie. Certes, elle préférerait avoir un autre poste qu’une simple assistante mais elle est tout de même parfaitement consciente qu’il faut bien commencer en bas de l’échelle. Et puis, si son patron ne lui donne pas d’opportunité pour évoluer plus tard, elle pourra tout de même tenter de se lancer, seule. Ce sera à voir avec le temps, bien sûr. Pour le moment, c’était simplement une passion et un rêve de travailler dans cette branche. Elle peut enfin le mettre en application. Magdalena espère tout de même que les retours qu’elle pourra avoir, par rapport au travail fourni, seront positifs. C’est très important pour elle parce que la blonde ne se voit pas travailler dans un autre domaine que le monde de la photographie. C’est un peu toute sa vie, cette passion. Même si elle n’en a fait qu’à sa tête en début d’année scolaire, la photographie lui permettait tout de même de se remettre de la perte de sa sœur ainée. Anna était tout pour elle et ça n’a vraiment pas été évident pour la blonde, ex-rousse. A chaque fois qu’elle connait un coup dur, elle se tourne vers sa passion. Elle prend le temps de quitter son appartement avec son appareil photo, tout son matériel, pour pouvoir se balader un peu dans les rues de la ville et prendre quelques clichés. C’était ce qu’elle avait prévu de faire en ce beau jour de soleil. Elle ne travaillait ni au bar, ni à l’agence de photographie. Jour tranquille mais ce n’est pas suffisant pour qu’elle puisse quitter White Oak Station. Si elle quitte la ville, c’est pour plusieurs jours, donc c’est un peu tendu. Elle allait se contenter du bourg de White Oak Station pour aujourd’hui. Elle ne se fait pas de soucis, elle trouve toujours de bons sujets pour faire des photos. Il faut laisser place à son imagination, donc ce n’est pas vraiment un problème pour la blonde. Magdalena est très imaginative. Jordan lui avait envoyé un message pour qu’ils puissent se voir mais elle ne lui avait pas répondu. C’était un peu tendu depuis la dernière fois, donc bon…
Une fois qu’elle fut prête, Magdalena pris son sac avec tout son matériel pour quitter ensuite son appartement. Elle avait pris quelques clichés un peu plus tôt et elle voulait aller les déposer à son patron, à l’agence, tout en prenant quelques photos sur le chemin. Autant faire les deux, joindre l’utile à l’agréable, comme on le dit si bien. Il arrive à Magdalena de prendre des photos de paysages, mais ce qu’elle préfère, ce sont les photos de personnes qui trainent dans la ville. Leurs visages peuvent montrer tellement d’expressions, sans qu’ils ne s’en rendent forcément compte. C’est ce qu’elle arrive à capter qui l’intéresse. Sur certains on peut voir des moments de bonheur alors que pour d’autres personnes, on peut apercevoir leur détresse. Magdalena marchait tranquille vers la grande place, son appareil devant ses yeux pour capter n’importe quel moment intéressant, quand on la percuta d’un coup. La blonde était tellement concentrée dans son travail qu’elle ne s’était même pas rendu compte que la personne devant elle s’était arrêtée et qu’elle s’est retrouvée plaquée contre lui. Forcément, vu son gabarit et celui de la personne devant elle, elle chuta et se retrouva rapidement au sol. L’homme se sentait désolé, se rapprocha d’elle avant de s’accroupir et de lui tendre sa main. « Je suis vraiment désolé, Mademoiselle. Je suis parfois tête en l’air. Vous n’avez rien de cassé ? Laissez-moi vous aider à vous relever. » La blonde esquissa un sourire, avant d’attraper sa main, et de lui répondre. « Non, c’est bon. J’ai rien. » Elle était juste surprise, mais elle n’a rien de casser. Il l’aida à se relever et Magdalena vérifia son appareil photo pour voir s’il n’était pas abimé. Quand il lui demanda si ça allait, elle se contentait d’hocher la tête pour toute réponse. « Laissez-moi ramasser vos affaires. Tout ça est de ma faute, c’est à moi qu’en incombe le labeur. » Magdalena s’apprêtait à dire quelque chose, mais il était déjà accroupit, en train de ramasser les clichés qui étaient sortis de son sac suite au choc. « Merci. » Oui, c’est tout de même la moindre des choses. Et puis, quand il se releva, il semblait bloqué sur un des clichés de la blonde. Il ne disait plus rien, se contentant de regarder la photo. « Est-ce vous l’artiste qui avait pris ces photos ? » Elle hocha une nouvelle fois la tête, avant de se rendre compte qu’il observait tout le temps le cliché et donc, qu’il ne voyait pas sa réponse avec ses gestes. Elle prit donc la parole. « Oui. » Réponse assez courte, comme à son habitude. Ce sont bien ses clichés, son travail, elle n’allait pas faire un discours pendant un moment alors qu’elle a simplement à répondre par une réponse positive. « Vous les connaissez ? » Magdalena ne connait pas forcément les personnes qu’elle capture avec des clichés, donc autant poser la question.
La photo absorba pendant un long moment son attention. Le cliché était parfait. Rares était les photographes à réellement pouvoir capturer de véritable moment heureux et non pas ceux mis en scène. De vrais moments de complicité. De vrais moments de bonheur. Enzo n’observa plus la beauté de la jeune femme qu’il venait de bousculer. Il était subjugué par la beauté de sa propre « femme ». Enfin. L’adjectif possessif était peut-être de trop. Il ne savait pas s’il pouvait l’appeler comme ça. Il pensait que tout aurait été plus simple. Justement, il avait été un véritable simple d’esprit. Charlotte lui avait dit qu’elle l’aimait toujours, mais qu’elle ne pouvait plus se jeter à corps perdu dans une relation sans lendemain. Il ne savait pas comment lui prouver qu’elle pouvait perdurer dans le temps. Chien échaudé à peur de l’eau froide, disait-on. Une profonde mélancolie s’installa au creux de ses entrailles ; retournant son estomac, faisant palpiter son cœur, comprimant ses poumons …
Il revint à lui lorsqu’elle le questionna à son tour. Il planta son regard assuré dans les grands yeux de poupée de la jeune femme. Elle était belle, mais aucune beauté ne valait celle de sa Vénus Blanche. À cette simple pensée, il comprit. Il avait toujours en quête du beau, du pur, du parfait. Charlotte n’était pas parfaite, d’autres femmes sur cette planète étaient certainement plus belles et plus pures qu’elle ne l’était, mais ce qui importait c’était qu’il sentait que sa quête était terminée. Il avait terrassé le Minotaure. Il avait ramené la Toison d’Or. « Heureux qui, comme Ulysse, à fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ». Quelle ironie que son fils se prénomme comme le héros grec ! Il était comme Ulysse. Il avait vu du pays. Il avait été à la recherche du beau, avait fait un fantastique voyage. Cassandre son ex-femme était devenue Calypso. Elle l’avait retenu prisonnier, mais lui n’avait songé qu’à Pénélope. Comme Ulysse il avait succombé au corps de la nymphe, c’était laissé prendre dans ses filets, lui avait fait l’amour jusqu’à ce qu’il se réveille. Il n’était pas rentré, il était arrivé, mais son voyage était terminé. White Oak City était devenu sa Ithaque. Il pensait devoir combattre les prétendants de Charlotte, les défier et triomphait afin de regagner le cœur de sa dulcinée. Il ne lui avait pas été totalement fidèle, mais pouvait-il seulement la blâmer. Cassandre avait beau l’avoir ensorcelé, il n’était pas réellement prisonnier de son lit. À tout moment, quand Charlotte avait fui, il aurait pu tenter de la retrouver.
« Oui. » Répondit-il finalement. « Je les connais. » Enzo montra la photo à la jeune fille. Elle devait la connaître puisque c’était son œuvre. « Ici. Ce magnifique petit bout de femme c’est ma fille, Alaska. Et la jeune femme qui la tient dans ses bras et sa mère. Ma … » Il hésita sur la désignation qu’il devait donné à Charlotte. Elle n’était pas sa femme. Pas sa petite-amie non plus. « … Ma ravissante Charlotte. » Finit-il simplement par dire. « Votre photo est vraiment réussie. Vous avez vraiment l’œil Mademoiselle ! » Un sourire se reforma sur ses lèvres, chassant quelques touches de chagrin qui parsemait ses yeux céruléens. « Est-ce que vous les vendez ? Je suis prête à vous l’acheter. Votre prix sera le mien. » Dit-il franchement. Il n’avait pas de photo de sa fille ni de Charlotte. Il n’avait jamais osé garder la moindre trace d’elle dans sa vie de peur que Cassandre ne découvre son existence. Aujourd’hui, il pouvait la mitraillé avec son portable ou avec un réflexe, mais il n’avait pas autant de talent pour les images que les mots. Il voyait très bien ce cliché encadré dans sa nouvelle maison … celle qu’il n’avait pas encore achetée. Celle qui lui appartiendrait quand Charlotte aura compris qu’il n’avait pas l’intention de la laisser une seconde fois. Il ne pouvait rêver meilleure première acquissions pour son nouveau chez lui. Pour leur nouveau chez eux.
Un silence s’installa, pesant un peu sur la discussion qu’ils avaient entamée, quelques instants auparavant. Magdalena ne comprenait pas pourquoi, mais il était devenu muet après avoir récupéré le contenu du sac de la blonde, tombé au sol. Principalement des photos puisqu’elle devait se rendre chez son patron, à l’agence, pour pouvoir lui donner ses derniers clichés, ses dernières trouvailles. Rapidement, Magdalena se rendit compte que si le brun ne parlait plus, c’est parce qu’il était concentré sur une de ses photos, comme s’il était absorbé par ce cliché et que plus rien autour existait. Magdalena était tout de même pressée mais elle ne pouvait décidemment pas le couper dans ses pensées. Le pauvre, il n’allait plus rien comprendre si tout d’un coup, elle claque des doigts sous ses yeux. Au bout de quelques minutes, il reprit tout de même son esprit, et il se mit à lui demander si c’était elle qui avait prise cette photo. Elle aurait pu répondre non, pour être tranquille et pouvoir retourner à ses occupations, mais bizarrement elle se dit que si elle lui répond par la négative ou par la positive, il voudra en savoir plus. Pour qu’il se soit arrêté sur cette photographie c’est que forcément il les connait. Magdalena préférait tout de même s’en assurer. Quand elle osa enfin lui demander s’il connaissait cette femme et son enfant, il planta son regard dans celui de la blonde, ce qui l’a mettait un peu mal à l’aise. Vu son regard perdu quelques instants plus tôt, il n’allait surement pas lui dire non, ou alors sinon c’est qu’il doit vraiment avoir un problème. « Oui. » Magdalena ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, en se rendant compte qu’il pouvait encore parler. Durant un instant, elle avait cru qu’il avait perdu l’usage de sa langue. « Je les connais. » Il lui montra la photo, celle qu’elle avait prise quelques temps plus tôt. Magdalena esquissa un sourire, se rappelant de cet instant entre une mère et sa fille, instant qu’elle a réussi à capturer. « Ici. Ce magnifique petit bout de femme c’est ma fille, Alaska. Et la jeune femme qui la tient dans ses bras est sa mère. Ma… » Oh, tout s’explique du coup. Mais pourquoi semble-t-il tellement perdu par rapport à une photo de sa fille et d’une femme ? C’est la mère de l’enfant, c’est ce qu’il vient de lui confirmer, non ? Elle a un peu de mal à la suivre, et elle en profita pour le reprendre un peu, histoire de tirer cette histoire au clair. Est-ce que c’est sa petite-amie, son ex-petite-amie ? Magdalena est très curieuse, donc bon. « Votre ? » Il reprit rapidement. « … Ma ravissante Charlotte. » Donc elle n’est pas sa petite-amie. Ca doit être une histoire compliquée entre eux, et Magdalena n’a pas envie de rentrer dans les histoires des autres. « Votre photo est vraiment réussie. Vous avez vraiment l’œil Mademoiselle ! » Elle esquissa un sourire, son visage se mit à rougir. Elle n’est pas habituée à recevoir des compliments sur son travail. « Est-ce que vous les vendez ? Je suis prêt à vous l’acheter. Votre prix sera le mien. » « Non. » La réponse de Magdalena ne se fit pas prier. Il n’est pas bien dans sa tête, à lui demander ce genre de chose. Certes, elle aurait pu gagner de l’argent en vendant ses photos mais ce n’est pas son but. Si elle a prit ce cliché, c’est parce qu’elle voulait capturer ce moment d’amour partagé entre une mère et sa fille, pas pour qu’un inconnu dans la rue l’achète et en fasse n’importe quoi. « Comprenez-moi… Je ne vous connais pas, et même si vous semblez connaitre les personnes sur cette photo, rien ne me prouve que vous soyez relié à elles. » Ca pourrait très bien être un psychopathe, qui sait ? White Oak Station est une petite ville, et tout le monde est censé connaitre tout le monde. Elle ne l’a pas vu auparavant. Magdalena récupéra le cliché dans ses mains, avant de le remettre dans son sac.
« Non. » Répondit-elle du tac au tac. Il la fixa un long moment, ne sachant quoi dire de plus. Il ne s’attendait simplement pas à cette réponse. Son cœur se brisa. Lui qui pensait avoir là l’occasion de se rapprocher un peu de sa fille et de Charlotte par ce biais. Ses yeux céruléens furent traversés par une profonde tristesse, un profond abattement. Ses émotions venaient de faire les montagnes russes : surprise, joie, mélancolie, espoir, peine. La jeune femme lui donna les raisons de son refus : elle ne le connaissait pas, il pouvait bien être un psychopathe.
Enzo cligna des yeux un moment puis sourit alors qu’elle récupérait la photo pour la glisser dans son sac.« Vous avez raison. Je pourrais bien être un menteur et ne pas connaître ni cette femme ni ce bébé. Mais dites-moi mademoiselle, quel intérêt aurais-je à payer une photo de personne que je ne connais pas ? Je ne vois que trois bonnes raisons » dit-il en faisant le chiffre deux avec ses doigts. Enzo n’était pas mauvais en rhétorique et il savait qu’il devait adopter une meilleure logique que celui du « papa-gâteau » voulant absolument la photo de sa fille dans le salon. Cette jeune femme ne semblait pas être née de la dernière pluie. « La première, c’est que je suis un féru d’art et que je suis prêt à tout pour avoir votre travail sur les murs de ma nouvelle maison, même à vous faire croire que je suis le père d’une petite fille et que j’ai potentiellement une femme qui m’attend. Au moins, reconnaissait que ce serait une mauvaise stratégie si je voulais aussi vous draguer. En tout cas, avec cette première raison, vous devez convenir que si je suis prêt à mentir pour acheter votre travail, c’est que vous être vraiment très bonne et que je ne vais pas me contenter d’un simple non. Cela voudrait également dire que je suis prêt à être votre mécène et ce serait dommage d’envoyer paitre quelqu’un qui peut vous aider dans votre passion. La deuxième raison pourrait être en tout point identique à la première situation que je vous ai énoncée, mais avec un aspect négatif. Je pourrais être un féru d’art fou, un peu maniaque prêt à tout pour avoir cette photo, dont vous mentir. Mais cela peut vouloir également dire que je suis prête à bien d’autres choses plus graves : vous traquer, vous menacer, vous voler. » Il observa un moment la jeune femme, amusé par les inepties qu’il était en train de déblatérer. « Dernière raison. Je suis un véritable mythomane qui aime avoir de photo de femme inconnue sur ses murs et dans ce cas-là je serais frustré de ne pas avoir celle-là. Rebelote. Je ferais tout pour l’avoir : traque, menace, vol, etc. »
Il haussa les épaules l’air de dire : ce serait ballot si j’étais vraiment un psychopathe. « Je ne sais pas pour vous, mais il vaudrait mieux que je sois vraiment le père du bébé sur la photo. » Il ne parla pas de Charlotte, ne sachant toujours pas comment la désigner. Il avait peur que cela mette le doute dans son esprit et qu’il perde contenance devant la jeune femme rousse. « Ne vous méprenez pas mademoiselle, je ne vous menace pas. Je ne vais pas vous suivre et vous traquer pour cette photo. Je suis vraiment le père de cette petite fille et, voyez-vous, je n’étais pas là à cette époque. C’est un moment de sa vie où j'étais malheureusement absent. Je ne peux pas remonter le temps et je tente de profiter des instants présents, mais avoir une photo de quand elle n’était encore qu’un nouveau-né me ferait vraiment plaisir, surtout que votre photo est vraiment magnifique. Pas seulement parce que ma fille est sur le cliché, mais parce qu'elle tout traduit la tendresse de ce moment : la lumière, l’angle, l’expression exacte des deux visages. Si vous aviez pris cette photo deux secondes plus tard, elle n’aurait pas été la même. Elle ne serait pas moins belle, mais elle ne serait pas magnifique comme celle que vous avez là. »
Il lui fouilla dans la poche de son pantalon et en sortie un porte-carte. Il en prit une et la tendit à la jeune femme : « J’ai conscience que cette ville est petite et que si tout le monde ne se connaît pas, ils se sont tous plus où moins croiser quelque part. Je suis Enzo Artman. Je viens d’être titularisé pour la rentrée en tant que Professeur de Littérature étrangère à l’Université de la ville. Je serais également ravi de voir vos autres travaux. »
Spoiler:
Désolée encore pour le retard. Je devrais avoir plus de temps maintenant :)
Magdalena avait encore un peu de mal à croire la scène qui se déroulait sous ses yeux. Un homme qu’elle ne connaissait pas auparavant lui est rentré dedans et quand il a voulu l’aider pour ramasser ses photos tombées au sol, il est resté planté devant une des photos, celle d’une mère avec sa fille qu’elle avait prise au parc. Ce qui fait que la situation est bizarre est que l’homme était prêt à payer n’importe quelle somme pour avoir ce cliché. Il faut quand même être taré. Magdalena ne le connait pas et elle ne semble pas l’avoir vu auparavant dans cette ville. Si ça se trouve, c’est un psychopathe. La blonde récupéra sa photo qui était dans les mains de cet homme avant de la remettre dans son sac. « Qu’est-ce qui me prouve que vous en êtes pas un ? » White Oak Station est une petite ville mais il peut aussi y avoir des psychopathes dans les endroits les plus paumés. On est à l’abri de rien. « Vous avez raison. Je pourrais bien être un menteur et ne pas connaître ni cette femme ni ce bébé. Mais dites-moi mademoiselle, quel intérêt aurais-je à payer une photo de personne que je ne connais pas ? Je ne vois que trois bonnes raisons. » Magdalena s’apprêtait à dire quelque chose mais il fut plus rapide et se mit à sortir les raisons possibles pour avoir cette photo. Il allait falloir qu’elle se concentre pour ne pas le perdre durant ses explications. Un amoureux d’art ? Et bien, on peut dire qu’ils ont un point commun. Ou alors c’est une de ses stratégies pour l’amadouer. Il faut qu’elle reste sur ses gardes. « Au moins, reconnaissez que ce serait une mauvaise stratégie si je voulais aussi vous draguer. » La blonde ne put s’empêcher d’esquisser un sourire suite à cette remarque. « Très mauvaise approche, c’est sûr. » Il marque encore un point. En plus, il lui faisait des compliments sur son travail. On doit lui avoir appris à bien amadouer les personnes pour obtenir ce qu’il veut. Elle hocha la tête, pour le remercier de lui dire que son travail est bon. Et puis, il émit aussi l’hypothèse d’être un fou, qui serait prêt à tout pour avoir cette photo, ce qui ne l’a rassurait pas vraiment. « Mais cela peut vouloir également dire que je suis prêt à bien d’autres choses plus graves : vous traquer, vous menacer, vous voler. » Est-ce qu’elle a le droit de partir au courant ou son cas est déjà foutu ? Elle l’écouta tout de même parler de la troisième raison, qui se terminait par la même méthode que la seconde raison. Un peu plus et elle serait vraiment en train de flipper là. « Vous avez conscience que vous êtes bizarre ou pas du tout ? » Non parce qu’elle est un en train de paniquer mais elle essaye tout de même de ne pas trop le montrer. Et il prit la parole une nouvelle fois, en lui disant qu’il ne la menaçait pas, et qu’il n’allait pas non plus la suivre ou la traquer. Il lui expliqua un peu sa situation et Magdalena l’écouta d’une oreille attentive. « Je suis vraiment le père de cette petite fille et, voyez-vous, je n’étais pas là à cette époque. C’est un moment de sa vie où j’étais malheureusement absent. Je ne peux pas remonter le temps et je tente de profiter des instants présents, mais avoir une photo de quand elle n’était encore qu’un nouveau-né me ferait vraiment plaisir, surtout que votre photo est vraiment magnifique. » Il continua à faire des éloges sur son travail, ce qui est tout de même plaisant. Magdalena n’est pas vraiment habituée à ce qu’on lui dise autant de compliments. Elle a plutôt tendance à se rabaisser. Il n’a pas tort quand il dit qu’elle a pris la photo au bon moment, au bon instant. Une seconde plus tard et la photo n’aurait pas eu le même charme. « Merci. » Magdalena n’est pas encore totalement convaincue mais elle est touchée par son histoire. Elle aurait pu lui demander les raisons pour lesquelles il n’était pas présent pour sa fille, mais ce point ne la regarde pas du tout. Ca doit rester sa vie privée, il ne va pas non plus tout lui dire. Et puis, l’homme lui tendit une carte. Magdalena baissa les yeux dessus pendant qu’il prit de nouveau la parole. « Je suis Enzo Artman. Je viens d’être titularisé pour la rentrée en tant que professeur de littérature étrangère à l’université de la ville. Je serais également ravi de voir vos autres travaux. » « Bon, ok. Je veux bien vous croire, parce que la carte apporte beaucoup aussi. » Peut-être qu’elle avait tort, mais elle avait envie de croire en cet homme. « Vous parlez beaucoup, vous savez. Vous usez toujours autant votre salive avec des inconnus ? » Elle esquissa alors un sourire en coin, avant de mettre la carte qu’il lui avait donné dans son sac. « Je garde votre carte, au cas où vous êtes vraiment un psychopathe. J’aurais moyen de porter plainte contre vous. » Magdalena en sortit ensuite le cliché qu’il voulait lui acheter, et le lui tendit. « Un père ne devrait pas être séparé de son enfant. Gardez-la, c’est cadeau. » Un sourire se dessina sur les lèvres de Magdalena. Elle aurait eu l’impression d’avoir fait sa bonne action du jour.
Spoiler:
T’en fais pas, tu étais absente. Et ta réponse était superbe. J’ai pris plaisir à te répondre.