~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
ma vie, vie, vie, vie. ma vie au lycée était aussi brouillon que mes cours, avec pleins de ratures (des gens qui me disaient mais dégage romeo, t'es chiant à jamais venir avec nous là aux soirées, on va te laisser tout seul maintenant), des nuages, des cœurs, des orages au coin de mes copies (entre les interclasses, quand je m'engueulais, quand j'aimais, quand je trainais, je rêvassais), ma vie au lycée c'était pas grand chose, c'était beaucoup de notes qui défiaient l'alphabet, je crois que mon prof s'il le pouvait, il aurait inventé une lettre rien que pour moi, une lettre moins que rien, en dessous de Z-----, ma vie au lycée c'était maman qui m'embrassait sur le front, sur la joue, qui écrivait sur mes mauvaises notes un gros A++, qui disait, mais c'est pas grave romeo, c'est pas grave, on peut pas être bon dans tout. ma vie au lycée c'était pas grand chose, à peine deux petites années, moi j'ai arrêté à seize ans, j'en avais trop marre de l'alphabet et des copies à carreaux.  

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
hahahaha, c'est une blague c'est ça ??? elles sont où les caméras ??? non parce qu'il faut me prévenir moi, j'ai pas forcément envie de passer à la télévision, je suis pas très beau et puis en plus, pour une blague comme celle-là, c'est même pas drôle. ah parce que c'est pas une blague en plus ??? non mais comment vous voulez que je sois heureux moi ??? comment je fais sans ma mère, hein ??? comment je fais ??? j'ai froid moi, je meurs de froid, j'ai beau faire tout ce que je peux, porter vingt milliards de pull, m'entourer de quatre couvertures, à l'intérieur de moi j'ai tout froid, ça doit être le manque d'amour ça, ça pardonne pas. non mais moi, je peux pas être trop heureux, mon sourire il est enterré près de ma mère, là, sous-terre avec comme plafond les tulipes que je lui apporte.  

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
froissé, déchiré, déchiqueté, un objet décomposé, un corps humain, ça pollue combien de temps en moyenne ? ça met combien de temps avant de s'éradiquer ??? moi je sais pas, je me vois pas, je vois le néant, je vois mon corps sous terre, à côté de ma mère, avec comme plafond je sais pas quoi, peut être rien, peut être que personne ne mettrait de tulipes sur ma tombe comme je le fais pour ma mère, mais c'est pas très grave, ça, si ??? je veux dire, moi, j'aurais ma mère à côté de moi, c'est déjà pas mal...

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: emilie. ÂGE: j'ai pas encore la majorité, mais ça arriver, faut bien un jour, hein ? PAYS: douce france. PRÉSENCE: quand je peux, un peu tous les jours. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? oh c'est une vieille histoire... je sais même plus  PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? inventé. AUTRE CHOSE À AJOUTER? des bisous sur vous        (et un peu plus pour chloé   ).

(pour un peu de musique)

Ma maman m'aimait beaucoup.
On habitait dans une toute petite maison, elle et moi, et elle m'aimait tellement que la maison en débordait.
Y avait son amour qui dégoulinait sur le papier peint jaunâtre du salon.
Elle y avait affiché une farandole de photos de moi.
Moi bébé sur le canapé, moi bébé sur le lit, moi bébé dans ma poussette, moi enfant qui fait du vélo, moi enfant qui sourit, qui rit, qui joue, qui vit.
C'était toujours moi sur les photos.
Jamais elle.
Maman disait qu'elle n'était pas très photogénique et qu'il fallait bien que quelqu'un prenne les photos, qu'elle avait eu le temps de voir vingt milles fois son visage grâce aux miroirs, qu'elle avait pas besoin de le revoir.
Alors que moi...
Elle disait que j'étais un petit trésor, qu'elle n'avait jamais fini de découvrir tous les petits détails qui faisaient de moi ce que j'étais. Elle était toujours fascinée quand j'avais un grain de beauté qui apparaissait sur ma joue, mon menton, ma nuque. Je crois qu'elle aimait bien me regarder parce que je ressemblais à papa, papa que je connais pas, papa magicien capable de briser des cœurs même celui robuste de ma mère.  
Je ne lui ai jamais demandé, elle me l'a jamais dit, mais je crois qu'elle était encore amoureuse de lui...
Y avait qu'à regarder ses yeux quand elle me regardait, ils étaient étoilés et en forme de cœur, un peu.
Ma maman m'aimait beaucoup.
Énormément même.
On passait souvent des soirées juste entre elle et moi.
Elle, elle disait non à ses collègues qui lui proposaient de boire un coup après le travail, pour se détendre un peu (ma maman travaillait à l'hôpital, elle s'occupait de soigner les cœurs et les autres petits bobos).
Moi, je disais non à mes amis, à ceux qui voulaient faire des fêtes trop stylés, c'est ce qu'ils disaient, à ceux qui voulaient fêter le début des vacances, la fin des examens.
Nous, on était bien.
On louait toujours des films, deux, un que je voulais absolument voir, un film d'action et ma mère, elle, choisissait toujours un film vachement abstrait, un truc trop artistique, je finissais toujours par m'endormir devant, alors on regardait toujours mon film en premier, le sien en dernier, ça la faisait se coucher très très tard, mais elle s'en fichait, ça la dérangeait pas si c'était pour passer un moment avec moi.
Le matin, quand je me réveillais, mon petit déjeuner était toujours prêt, toujours chaud. Je sais pas trop comment elle faisait, pour savoir à quelle heures j'allais me réveiller, mais elle savait.
C'est qu'elle aussi, elle était un peu magicienne sur les bords...
A l'intérieur de mes pulls, elle cousait toujours un petit cœur avec du fil rouge à l'intérieur.
Un coeur qui voulait dire, regarde Romeo, je suis là.
Ma maman m'aimait beaucoup.
Énormément.
Un peu trop même.
Ça se voyait dans sa façon d'être avec moi, ça s'entendait à sa voix quand elle parlait de moi (voix haut perchée qui frôlait les étoiles).
C'était un peu bizarre mais ça me dérangeait pas.
Je l'aimais aussi énormément, ma maman.
Moins qu'elle,
ça c'est sûr.
Parce
que
le
jour
où
elle
m'a
embrassée
sur
les
lèvres
genre
baiser
d'amour
moi je l'ai poussé, repoussé.
J'ai un peu crié.
Elle me disait des choses comme mais mon fils je t'aime, viens, viens on s'en va, toi et moi, main dans la main, on part loin.
Elle m'a fait très très peur, je me suis visualisé  les soirées juste elle et moi, ça me donnait la chaire de poule, et les coeurs à l'intérieur de mes pulls me démangeaient.
J'ai gueulé.
Je sais plus trop ce que j'ai dit c'est un peu flou.
Je suis parti.
Revenu le sur-lendemain avec un bouquet de tulipes entre mes mains.
C'était trop tard.
Elle était déjà partie.
Maman magicienne a pas su panser les bobos de son cœur, a exécuté un tour de magie et est parti dans les nuages.
Voyage sans retour.