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 Cordelier en pélerinage. [Abimael]

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Message(#) Sujet: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 19:28


   

   Abimael Haros
   « Recette pour aller mieux. Répéter souvent ces trois phrases : le bonheur n’existe pas. L’amour est impossible. Rien n’est grave. » L'amour dure trois ans
   
PRÉNOM(S) ET NOM: Abimael Haros SURNOMS: Abi ou Mael ÂGE: 28 ans NATIONALITÉ: Espagnole ORIENTATION SEXUELLE: Ascète, si on considère que la vie monastique ne permet pas véritablement de se trouver une identité sexuelle. STATUT CIVIL: Célibataire EMPLOI/ÉTUDES: Compositeur de musique SITUATION FINANCIÈRE: Bonne. Très bonne même, car Abimael ne se rend pas compte de l'argent qu'il possède. Il dépense extrêmement peu, seulement son loyer, sa nourriture et ses cigarettes. Rien de plus. Il accumule chaque mois ce qu'il lui reste. Et ses partitions rapportent beaucoup.  AVATAR: Gaspard Ulliel CRÉDIT: Abyss

   
   ~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
   Tu sais Abi, t'as eu une vie atypique parce qu'on ne t'a pas vraiment élevé comme une famille conventionnelle. A huit ans et demie tu faisais déjà partie du décor, des petites jambes courant dans le monastère, le sourire aux lèvres dans la chaleur du soir, pour ne pas penser à ton père, ni à cette femme que vous avez laissé dans la cuisine. Pour ne pas penser à la tragédie qui provoqua ton arrivée en Andalousie, pour ne pas t'imaginer seulement une autre vie que celle-ci, au milieu des vergers et dans les couloirs résonnant de tes pas malhabiles. Grandir dans un milieu comme celui-ci peut être à la fois une chance et une malédiction. Parce que l'école, il a bien fallu y aller, et les moines décidèrent d'inscrire cette petite chose fine et fragile aux grands yeux clairs dans une école catholique réputée. Mais contraire à leurs règles. Et cela dura, l'école, le collège puis le lycée, toujours dans cette idée de recueillement, baptisé à neuf ans, la première robe de bure à dix-huit, dépendant dès lors de Dieu pour vivre et rien de plus.

Des amis Abi, il n'en a pas vraiment eu. Des connaissances rencontrées au détour d'une vie, au coin d'un sourire parmi tous ces garçons de riches dont les parents payaient l'école privée une fortune pour convaincre ces gosses insolents que Dieu était leur berger, et tout ce tralala dont ils ne croyaient pas une ligne. Abimael, il y croyait et il y croit encore, parce que pour lui c'est Dieu qui l'a sauvé. Les autres garçons n'aimaient pas ce dévouement pudique du jeune homme dans la cour de récréation, ils n'aimaient pas le voir prier avec ferveur dans la chapelle du lycée pour repartir, heureux et sans soucis, en direction du monastère, à pied parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen de transport que celui-ci. Vivre comme un ascète, voilà ce que le jeune garçon a connu, vivre seulement de l'eau des fleuves et de la nourriture de sa grande maison, partager un dortoir avec des hommes doux mais stricts, se contenter de rien parce que pour aimer son Dieu, il ne faut rien posséder. C'est cette période de la vie d'Abimael qui fit de lui un Franciscain jusqu'au bout de ses longs cils de faon, un croyant chevronné qui s'imaginait passer toute son existence au beau milieu de cette douceur de vivre, insouciant et gonflé de bonheur comme un ballon roulant sur une plage parmi les jeux d'enfants.

Les adolescents sont souvent des gosses irrévérencieux, et Abimael n'a pas fait exception à la règle. Parce que malgré son amour pour Dieu et pour l'ordre dont il fit véritablement partie le jour de sa majorité, il était désobéissant, parfois, chapardeur et rieur dans les moments de silence, un gosse oublié et orphelin qui ne demandait qu'à vivre plus fort pour ne pas penser au lendemain, parce que le lendemain serait encore plus beau que ce jour. C'était cela, sa devise, et même si maintenant tout ça, ça a bien changé, Abimael est resté le même, insouciant et parfois ombrageux, rieur mais mystérieux, incapable de se faire de véritables amis autres que ceux avec qui il partageait de maigres repas le midi et le soir. Des hommes qui l'ont sauvé. Ces enfants de riche ne lui plaisaient pas parce qu'ils ne partageaient pas ses convictions, on riait de cet adolescent qui portait souvent les mêmes vêtements parce qu'il en avait très peu et n'en désirait pas plus. Abimael n'a pas été un souffre-douleur, mais c'est comme s'il avait été invisible, absent. Silencieux et curieux, un bon élève qui apprit la musique grâce à Esteban, un moine virtuose qui lui apprit en dix ans, tout ce qu'il savait. Et cela le sauve, presque, à présent.

      ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
   Le bonheur, ce n'est pas une chose compliquée. Le bonheur, ça peut être tellement infime, regarder un ciel bleu le matin et se dire qu'on ne va pas avoir besoin de parapluie, les cheveux au vent, abandonné vers le ciel. Le bonheur ça peut être un carré de chocolat dévoré dans le monastère à l'abri des regards indiscrets, une cigarette dérobée dans un paquet avec un sourire trop faux pour être innocent. Le bonheur, ça peut être le parfum des oranges dans le verger à l'amorce de l'hiver, la cueillette du printemps et le sourire de Stephan lorsque le soir tombait sur la bâtisse. Le bonheur, c'était le monastère et mes frères, c'était le frottement régulier de ma robe marron sur les épaules et la corde retenant le tout, c'était la silhouette mince d'un jeune homme plein de vie penché sur une table dans la bibliothèque qui écrivait des cantiques jusqu'à n'en plus pouvoir, une vie parfaite. Une vie sans attache, une vie de sourires.

Une vie de musique, une vie fraternelle, sans femmes, sans tentation excepté lorsqu'il fallait sortir, lorsque la nécessité était de mise pour dépenser un argent dont nous ne voulions pas pour acheter des vivres. Au Moyen Âge, nos frères vivaient de la mendicité, mais aujourd'hui le monde a bien changé. Mon bonheur à moi, il était simple, c'était celui de retirer mes vêtements civils pour enfiler ma tenue de pêcheur, de frère mineur, de mendiant dévoué à celui qui a sauvé ma vie pour la rendre plus douce. Voilà ce que c'est, le bonheur et rien de plus. Maintenant que je ne vis plus à la Rabida, ce bonheur je l'ai perdu.

Parce qu'ici, le ciel n'est pas aussi bleu même lorsqu'il fait beau. Parce que le chocolat n'a aucune saveur s'il n'est pas pris dans le secret, parce que la cigarette de la journée s'est multipliée par vingt. Parce que ça ne sent pas l'orange ici, pas même au marché et la cueillette du printemps n'existera plus jamais. Parce que Stephan a disparu, la volonté oubliée et le monde totalement écroulé sous mes pieds. Je crois que je me fais à présent une idée juste de l'Enfer lorsque je sens le poids de l'argent dans la poche de mon jean, des vêtements qui m'appartiennent alors que rien ne doit être à moi, je ne dois rien posséder pour être heureux. Aujourd'hui je possède un appartement, un travail et un compte en banque, aujourd'hui j'ai pourtant tout perdu parce que ce n'est pas ça, ma vie. Ma vie elle était entre ces murs, dans ce jardin et dans ses yeux. Elle était dans la prière, maintenant j'ai tout perdu. Le bonheur, ce n'est pas compliqué. Mais il est dur à rattraper lorsqu'on l'égare, au détour d'un chemin poncé par mille griffures.

      ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
  Dans dix ans ? Est-ce que je sais seulement où je serais demain ? Quand j'étais petit, je voulais faire pilote de course ou explorateur, je voulais visiter l'inconnu. Quand j'étais adolescent, je voulais finir ma vie en Espagne, dans la chaleur réconfortante du soleil andalou, et maintenant ? Maintenant il n'y a plus rien de tout cela, il ne me reste que l'accent chantant de mon pays, très marqué quand je parle en anglais. Il ne me reste que ma musique, de plus en plus violente lorsque je supplie Dieu de me pardonner, alors que j'ai été excommunié. Je n'ai plus rien à prouver à personne, alors dans dix ans ? Sans doute serais-je le même. Quelqu'un qui vit dans le désenchantement le plus total. A écrire des partitions que je vends ensuite à travers le monde, sous un anonymat total, pour des artistes, des orchestres qui me font des commandes, pour l'Eglise, autrefois qui ne veut à présent plus de mes écrits depuis mon renvoi. J'avais un métier. J'avais un but, maintenant je n'en ai plus aucun.

L'excommunication, pour certains, pourrait signer le début d'une nouvelle vie. Après tout, quitter la vie monastique peut conduire à des choses nouvelles. Se marier, avoir des enfants. Trouver du travail et vivre une vie normale, la vie de gens qui ont des propriétés, qui vivent pour les choses et non pour l'essentiel, la vie en elle-même. Je ne vis pas comme ça, je n'en veux pas, de cette vie là. Je veux seulement recommencer à aimer mon Dieu, je veux qu'il me pardonne. Je sais que dans dix ans, je serais toujours au même point. Seul dans mon petit appartement, à vivre de ma musique, incapable de me rendre compte que plus les années passent, plus je m'enrichis parce que je ne dépense rien. Pas par radinerie. Mais parce que pour moi cet argent ne m'appartient pas. Dans dix ans je serais peut-être mort. Mais dans dix ans, je continuerai à aimer le Dieu unique, je continuerai à prier devant Jésus Christ et Saint François d'Assise. Je continuerai à les aimer même si eux ont choisi de me rejeter. La faute était impardonnable. L'une des erreurs que les Templiers firent, de croire qu'ils avaient plus de pouvoir que le Pape. Celle des hommes de Sodome, aussi. J'ai fait tellement d'erreurs en brisant mes serments. Et dans dix ans, je vivrai toujours dans le regret. J'en suis persuadé.
   
Pour la répartition des groupes

   Ce questionnaire servira à déterminer à quel groupe vous appartiendrez. Vos réponses aux questions à développement influenceront également la décision, mais si vous croyez que le groupe choisi ne correspond pas à votre personnage, n'hésitez pas à le signaler au staff. Pour indiquez votre réponse, il suffit d'ajouter checked juste après name="question" correspondant à votre réponse (n'hésitez pas à nous faire signe si vous avez de la difficulté).

   


   
Le matin, quand il est l’heure de se lever :
   

    J'insulte le réveil et l’écrase d’un coup de poing.
    Je profite des derniers instants sous la couette.
    checked Je me lève d’un bond et file directement sous la douche.


   Un métier qui conviendrait bien à mon caractère :
   

   Chef d’entreprise entreprenant d’une multinationale.
    Fonctionnaire d’une petite entreprise familiale.
    checked Marchand de glaces itinérant.


   Je croise au hasard une amie de l’école primaire, je lui dis :
   

    « Il faut absolument qu’on se revoie ! »
   checked « Ça m’a fait plaisir de te revoir ! »
    « C’était le bon temps ! »


   En vacances, je:
   

   checked Pars à l’aventure dans un pays lointain, dépaysement total.
    Vais toujours au même endroit depuis des années.
    Fais un voyage organisé, pour avoir à ne me soucier de rien.


   En ville, je préfère me promener:
   

   checked Dans le parc de mon enfance pour faire le point.
    Dans un square tranquille pour me relaxer.
    En plein centre, là où la vie fourmille, afin de m’ouvrir sur de nouveaux horizons.
Ce qui me permet d’avancer dans la vie...
   

    Les marques d'affection.
    L'ambition.
   checked La curiosité.


   Avec les amis, j'adore:
   

    Parler du bon vieux temps et se dire que c'était mieux avant!
    Faire des plans sur la comète et refaire le monde!
   checked Ne même pas avoir à parler pour se comprendre. Un sourire ou un regard suffit.


   L'élément qui m'attire le plus:
   

    L'air.
    Le feu.
   checked L'eau.


   Un défaut que je me reconnais volontiers...
   

    Je suis un peu rancunier/rancunière.
   checked Je suis plutôt anxieux/anxieuse.
    Je prends des décisions sans réfléchir.


   Le soir, avant de m'endormir :
   
J'écoute de la musique ou lis un livre pour me détendre.
   Je relis mon agenda et vérifie que je n'ai rien oublié de noter pour le lendemain.
   checkedJe ressasse la journée que je viens de vivre, je repense à ce que j'ai fait et ce que j'ai dit.


   

   hors-jeu
   
PRÉNOM ET/OU PSEUDO: Eva ÂGE: 21 ans PAYS: France. PRÉSENCE: Régulière, c'est tout ce que je peux dire. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? PRD, après avoir passé une demi journée à chercher un bon forum city **.  PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? Inventé. AUTRE CHOSE À AJOUTER? ABI ET ALCANTE SONT DANS LA PLACE.


Dernière édition par Abimael Haros le Dim 30 Nov - 22:34, édité 5 fois
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 19:28



   Bénissez-moi, ma vie, et mon esprit ce soir.
   « Aimer quelqu’un qui vous aime aussi, c’est du narcissisme. Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas, ça, c’est de l’amour. »
   
Il y a eu Estrella, d'abord. Belle comme un soleil, l'accent chantant. Elle adorait danser dans la rue, à Madrid. Elle voyageait une fois par an à Pampelone, pour tester son courage devant une foule de taureaux lâchés dans les rues de la ville. Il y a eu Estrella, belle comme une étoile, aux yeux aussi sombres que la nuit, à la bouche si mystérieuse qui cachait un sourire, sur le coin des lèvres. Il y a eu Estrella, qui adorait tricoter, qui adorait la musique et le bruit de la pluie, seule depuis des années, mais si belle et si charmeuse du haut de ses vingt et un ans. Il y a eu Estrella, qui a connu Franco, qui a connu le machisme et la douleur mais qui n'a jamais flanché, qui est restée droite et fière comme un petit morceau de soleil, le regard aussi doux que celui d'un chaton, le coeur aussi grand que celui d'une lionne. Estrella, elle aimait les chandelles. Les lumières de la ville un matin de brouillard. Estrella chantait sous la lune, parfois, un air de Sevillana, parce que Grenade lui manquait, parce que Madrid était si laide. Parce que son Andalousie lui paraissait si loin. Il y a eu Estrella, qui a fait de longues études et qui est devenue cadre commerciale. Parce que son sourire donnait envie de dire "oui" à tout. Même aux fausses promesses.

Il y a eu Pâris, Pâris et son regard de braise, Pâris et ses danses merveilleuses autour d'un feu de joie à Athènes. Il y a eu Pâris, qui buvait un peu trop, qui fixait chaque instant comme si c'était le dernier. Il y a eu Pâris, qui ne respectait pas beaucoup les femmes mais qui le faisait croire, qui aimait les latinos et leur peau bronzée. Il y a eu Pâris, célibataire à trente ans qui collectionnait les conquêtes d'un soir pour les jeter le lendemain, qui vantait ses performances au détour d'une ruelle, pour faire croire au monde entier qu'il était sans nul doute l'étalon de la Grèce. Il y a eu Pâris, qui ne vivait que chichement, de guitare et de chants dans un bar un peu craignos, et qui vendait parfois ses affaires pour finir de payer son loyer. Sa vie lévitait autour d'une voix sensuelle de jeune homme au corps parfait, enfant d'un pays qu'il respectait et haïssait à la fois. Son coeur n'a jamais appartenu à personne, pas même à ses parents morts un peu trop tôt. La fête et le sexe, ses seules raisons de vivre, comme si rien n'avait plus d'importance que ça, continuer à vivre d'amour et de chants jusqu'à ce qu'il ne puisse plus, jusqu'à ce que son corps lâche, que son âme rejette toute entreprise autre.

Et puis il y a eu une rencontre étrange, dans ce bar. Il y a eu tellement de charme dans le regard de Pâris, tellement d'admiration dans celui d'Estrella, il y a eu des mots soufflés à l'oreille, des verres de Tequila, une danse sensuelle et des baisers volés. Et il est tombé dans ce piège, ce piège dans lequel elle l'enferma, un filet d'amour pur teinté d'alcool fort, de vacances et de soleil. Lorsqu'elle rentra de son voyage en Grèce, elle le supplia de venir, de venir vivre avec elle en lui promettant une vie de rêve, si différente que celle qu'il allait s'offrir. Elle lui promit du succès, elle lui promit monts et merveilles. Dominé par un amour qui lui était inconnu, il rassembla ses économies. Salua ses amis, fit la fête une dernière fois avant de grimper dans un bus, direction Madrid, pour une vie nouvelle, comme elle le disait. Comme elle le prétendait. Parce que Pâris était un naïf, il était plus jeune qu'elle, plus bête aussi sans doute, et sous ses airs de macho se cachait en vérité un homme fragile, si fragile de n'avoir connu qu'une vie difficile, une vie de fête où il fallait compter la moindre pièce de monnaie pour espérer dormir dans son lit le soir et manger à sa faim.

Il y a eu un amour qui a duré plus de quatre ans, pur et sans mensonge. Un mariage au bord du Guadalquivir, réunissant deux mondes qui s'opposaient, dont la barrière de la langue n'existait plus, un mariage qui semblait promettre un avenir merveilleux, des danses et des chants à n'en plus finir. Les pieds d'Estrella qui semblaient voler au rythme d'une guitare sèche, seule dans une robe de Flamenco, aussi torride et belle qu'un tourbillon un soir d'été, ses cheveux noirs et longs virevoltant au rythme d'une complainte chantant l'amour et la fidélité. Il y a eu un appartement dans le centre-ville de Madrid, suffisamment grand pour deux, un avenir plein de douceur, si seulement Pâris avait pu émerger de ce puits sans fond qu'était la pauvreté. Parce que chanter dans un bar, ça ne gagne pas plus en Espagne qu'en Grèce. Et lorsqu'il compris cela, ce fut le temps qui bascula. Une vie entière faite d'amour pur qui se déchira, là, dans ce pays qu'il connaissait à peine, entre les bras d'une femme qui le dominait à la fois par son argent et par son autorité naturelle. Même l'enfant qui naquit, le 11 Novembre 1985, ne parvint pas à lui faire oublier tout ce dont il avait atrocement rêvé, quelque part. Et qui lui manquait cruellement.


Chapitre 2 - C'est une rancoeur tenace. Un poison qui s'infiltre lentement.

Quand il est arrivé, c'était au mauvais moment. C'était au moment où Estrella comprit qu'elle en avait assez. Qu'elle avait suffisamment joué avec lui, qu'elle avait envie de le voir partir. Rentrer chez lui. Parce que toutes ces fausses promesses, elle les avait faites pour le persuader de rester, rester auprès d'elle et combler sa solitude. Et peut-être avoir du succès, devenir riche grâce à sa voix grave, à son timbre doux de chanteur de bars. Mais ça ne marche pas à tous les coups. Et ça ne marcha pas, cette fois-ci. Parce que Pâris avait tout tenté, mais jamais réussi. Parce qu'il ne parvint pas à gagner correctement sa vie. Parce que c'était à elle de tout faire, de tout payer et de vivre pour trois, alors qu'elle ne voulait qu'une chose, la solitude, à nouveau. Pouvoir danser encore une fois sous les étoiles. Parce qu'elle n'avait plus le temps dès lors. Dès lors qu'arrive entre ses jupons un enfant, un petit gamin aux yeux clairs et à la voix braillarde, qu'elle sembla haïr dès l'instant où elle le vit. Comme ça, seulement parce qu'il lui empêchait de vivre ses rêves. De retourner dans l'insouciance.

C'est Pâris qui te donna ton prénom, Pâris qui t'appela Abimael parce qu'il trouvait que c'était beau, parce qu'il disait que ça signifiait "Dieu est mon père" à croire que tu étais prédestiné. Et elle, elle ne dit rien, elle ne s'opposa pas à ce nom étrange parce que de toute manière elle ne t'aimait pas, et elle ne l'aimait pas non plus, lui. Elle aurait aimé être seule mais ses responsabilités l'en empêchait, elle aurait aimé tout envoyer ballader mais la seule chose qu'elle parvint à jeter, ce furent des assiettes lors de repas un peu trop animés, autour d'une petite table que ta grand-mère leur avait donné. Et tandis qu'Estrella et Pâris s'entre-déchiraient, toi tu observais, passif, tes yeux clairs bien ouverts pour ne pas en rater une miette parce que c'était comme ça, et pas autrement. Parce que tu étais trop petit pour comprendre que lorsqu'elle criait ce n'était pas légitime, quand elle lui disait qu'il n'était qu'un raté et que lui ravalait son orgueil d'homme pour ne pas te faire pleurer et gardait le silence, calme et sans colère, seulement accablé par le poids d'une culpabilité qu'il ne parvenait pas à abandonner, tu vois. Parce que tu étais son fils, qu'il t'aimait à un point déraisonnable. Parce qu'il était prêt à accepter tout ce qu'elle lui faisait subir pour t'accorder un de ses rares sourires au moment de dormir, pendant qu'elle allait boire, boire boire et grossir devant la télévision, un rituel consternant qui se déroulait chaque soirs.

Et puis l'enfant a grandi, malmené par les cris, par cette mère qui lui jetais des regards dénués d'amour, par ce père qui faisait tout pour le préserver du ménage qui se déroulait à la maison en le couchant tôt, en lui chantant des berceuses d'une voix éraillée par le chagrin, le visage tuméfié par les coups. Parce qu'elle aimait ça, Estrella, elle aimait faire passer sa fureur et sa frustration sur cet homme qu'elle avait autrefois aimé d'un amour si doux. Alors tout était bon pour le marquer. Des coups de casserole, des gifles, des cris et des claques, auxquels il ne répondait jamais, par peur et par amour sans doute, parce que malgré cela il l'aimait encore, d'un amour marqué par la souffrance, d'un amour qu'il ne regretta jamais même plus tard. Alors il ne bougeait pas, il se contentait seulement de lui dire d'attendre que le petit dorme, qu'ils verraient ensuite pour régler ce différent. Et ils le réglaient, dans les cris et dans les coups alors qu'Abimael, lové dans le couloir comme un chat, écoutait en silence, des larmes de rage et d'injustice dans les yeux. Ce manège dura huit ans. Huit ans durant lesquels l'enfant vécut une vie brisée, en échappant aux coups d'une mère indigne grâce à un père aimant, un père qui le protégea toutes ces années.

A l'école, l'enfant n'était ni distrait ni turbulent ; au contraire, se plonger dans l'étude lui faisait oublier qu'au soir, il rentrerait et il devrait ensuite subir de longues heures de silence avant les cris. Il faisait ses devoirs seuls, dans sa chambre alors que son père prenait soin de la maison, attendant Estrella qui arrivait à dix neuf heures précises, encore bourrée de la veille et furieuse contre sa vie. La musique, il l'apprit tout seul. C'était pour lui un défouloir. Il réclama seulement à son père un cahier de solfège, un bloc de partitions. Et il écouta. Et il écrivit. Sans relâche, chaque jour. Pour oublier. Oublier qu'il n'y avait pas de bonheur dans cette maison, seulement quelque chose qui grondait à l'intérieur, et qui finirait en carnage, un carnage dont jamais Abimael aurait pu se douter de l'issue fatale. Mais c'était couru d'avance.

C'est exactement ce qui est arrivé, le jour de tes huit ans. Tu as su immédiatement que quelque chose n'allait pas, quand tu es rentré. Tu l'as su, parce que l'appartement était calme. Tellement calme pour un soir de semaine, un soir où ta mère ne pouvait pas sortir. Tu aurais dû entendre des cris en poussant la porte. Parce que même le jour de ton anniversaire ils ne faisaient jamais exception. Alors pourquoi ce soir ? Que c'était-il passé ? Tu est entré, comme ça, en silence comme tu l'as toujours fait. On t'avait fait un gâteau à l'école, un super gâteau pour te souhaiter un bon anniversaire. Marisa t'avait même fait un bisou sur la joue. C'était une bonne journée. Tu avais amené avec toi, dans ton sac, une bonne note en dictée. Il ne pouvait rien arriver de mieux, et tu avais quand même hâte, hâte de savoir ce que ton père avait choisi de t'offrir cette année, parce que tu étais un enfant, parce que les anniversaires c'était ton instant de bonheur parce qu'on s'occupait toujours de toi, au moins une fois dans l'année. Même ta mère t'accordait un de ses rares sourires. Mais pas ce soir-là. Parce que ce soir là, même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas pu étirer sa bouche pour te rendre un tantinet heureux.

Parce qu'elle git par terre. Aux pieds de ton père, baignant dans une mare de sang. Il y avait un gâteau, sur la table, tu t'en souviens très bien. Un gâteau aux framboises, ton fruit préféré. Tu n'en mangea jamais plus, après ça. Parce que ton père te regarde. Un couteau rouge à la main, du sang plein les doigts et plein le T-shirt. Parce qu'il pleure, de longues larmes discontinues, en sanglots étouffés devant le cadavre d'Estrella qui suinte rouge, rouge et encore rouge, et toi tu as du mal à comprendre. Tu te demandes si tu rêves. Mais tu ne rêves pas, parce que la voix étranglée de ton père résonne dans le silence. Il te regarde, malheureux, et tu as soudain très peur. Parce que qui sait de quoi il est capable avec toi ? Mais non, il ne bouge pas. Le couteau tombe de sa main. Il ne te quitte pas des yeux. "Bon anniversaire, Abi". C'est tout ce qu'il est capable de dire avant de s'effondrer, comme ça devant elle, encore éperdu d'un amour qu'il n'a jamais réussi à réfrener, parce que sinon il serait parti avant, sans aucun doute. Avant de la tuer. Avant de la perdre. Et avant de le perdre, lui, sa seule raison de vivre, son fils. Son enfant qui a vu la mort en face pour la première fois, une mort qui n'était pas la sienne.

Il y a eu la police, après, il y a eu les interrogatoires, il y a eu les pleurs de ton père, et tes longues nuits en foyer sans moyen d'aller le voir, d'aller l'embrasser. Lui dire que ce n'est pas grave, que tu ne lui en veux pas, qu'elle ne t'a jamais aimé de toute manière et que tu comprends son geste, même si tu as huit ans. Non, tu n'as pas pu le faire parce que tu es resté bloqué au milieu d'enfants perturbés qui se sont moqués de toi et de tes vêtements un peu miteux, qui n'ont pas compris que tu voulais sortir, juste sortir pour retrouver Papa, pour lui demander quand il reviendra à la maison pour vivre une vie normale, sans songer un instant aux conséquences d'un tel acte. Le jugement, la prison, la perte et la douleur. Tu ne l'as revu qu'une seule fois. Une seule fois où tu lui as dit qu'il te manquait. Mais que s'il n'avait pas fait ça ils seraient encore ensemble. Même si elle avait fait le mal, Estrella. Elle ne méritait peut-être pas ça. C'était juste une femme malheureuse, non ? Ca aurait pu se passer autrement. Mais tu as expliqué à la Police. Qu'en voyant le gâteau elle a dit que c'était inutile. Que de toute manière ce môme ne valait rien. Qu'ils feraient mieux de le filer à la DDAS pour ne plus en entendre parler, que que lui aussi, le père, il dégage de sa vie. Et elle l'a frappé. Et il ne l'a plus supporté. Sa main s'est refermée d'elle-même sur le couteau, comme ça. Et il l'a empalée une fois. Deux puis trois. Puis dix. Pour être sûr qu'elle ne lui détruirait plus la vie.

Il a oublié la prison dans son calcul. Et la prison, il s'y est pendu, après avoir vu le regard de son fils. Après avoir vu tant de chagrin et de déception.


ça t'a fait l'effet d'une gifle en plein visage, parce que six mois dans un foyer, c'est long, bien trop long pour un enfant de huit ans, trop long parce que trop dur, les brimades, les coups et les vols. Tu étais une proie facile, si facile avec ton silence, avec ta frimousse d'ange, ton chagrin en bandoulière, comme ça. Tu ruminais la mort de ton père, celle de ta mère, la perte d'une famille, une famille horrible, certes, mais une famille. On disait que tu allais être adopté, qu'il n'y avait pas de raison. Ah, vraiment ? Et pourquoi ? Pourquoi l'être alors que tu ne le voulais pas ? Seulement voilà, la rédemption vint d'un bord que tu n'aurais jamais imaginé. Parce que tu passais des heures enfermé dans ta chambre. Les yeux embués par le chagrin. Tout seul. Personne ne te parlait parce que tu pleurais trop souvent, ce sont les filles qui pleurent, tu te rappelles ? Il n'y a pas de place pour la pitié maintenant, à toi de faire ta vie tout seul, d'arranger ton monde et de le façonner à ton image. Mais à huit ans, on ne sait pas le faire, ça. On se contente de se rouler en boule et de penser à tout ça. Au doux sourire de papa, à son visage tuméfié quand il te disait bonne nuit en embrassant ta joue avec sa barbe un peu piquante. Pâris, il était beau, et il l'a toujours été. Ta mère était grosse, à la fin. Laide. Rien à voir avec la succube qu'il avait épousée. Mais lui il a toujours pris soin de toi. Alors tu es resté prostré. Six longs mois. Ta seule occupation, c'était d'étudier la musique. Encore et encore, jusqu'à en avoir plein les oreilles. Avant qu'ils arrivent, tous les trois.

Ils étaient grands, en robe de bure, des Cordeliers. Des Franciscains de la Rabida. Ils avaient le sourire doux, le sourire des gens qui connaissent la douleur et la pauvreté, qui savent comment vivre avec pour oublier. Ils venaient seulement saluer le gérant du foyer, un ami. Et puis ils ont vu cet enfant, sous une table, une peluche à la main. Le cadeau de Papa. Le dernier cadeau de Papa. Ils se sont approchés de moi, m'ont demandé comment je m'appelais. Comme je n'ai pas répondu, ils ont interrogé le surveillant. "Il pleure. Tous les jours. Une sordide histoire de famille. On arrive pas à le faire sortir de son coin." Non, ils ont jamais réussi parce que tu as peur d'eux, tu ne les connais pas, tu vois ? Comment tu pourrais les aimer, ces gens-là, qui ne savent pas comment t'aimer ? Pour t'aimer il faut te lire une histoire de dragons le soir, t'embrasser sur la joue droite en t'appelant "Abi" d'une voix douce, il faut sentir le savon et pas l'after-shave, ça ils ne le savent pas parce qu'ils s'en foutent, ils ne te l'ont jamais demandé. Tu les déteste, mais eux là, ils sont étranges parce qu'ils te regardent avec bienveillance. Et c'est la première fois depuis que Papa n'est plus là. Alors tu te redresses. Tu les regarde, sans ciller, comme tu le fera plus tard, toute ta vie ensuite. Tu n'as plus peur des gens, tu n'as pas peur d'eux parce que tu n'as plus rien à perdre. Tu dis ton nom. D'une voix fluette, et ça les fait sourire.

Et tu t'es retrouvé dans leur voiture, vite, trop vite.

Ils ont signé des papiers, en t'expliquant que tu partais avec eux. Ils ont demandé si tu aimais Dieu. Tu as répondu que tu le priais chaque soir, pour le salut de ton père. Mais que tu ne savais rien de cet étrange bonhomme. Ils ont ri, doucement. Et t'ont expliqué qu'ils allaient t'apprendre. T'apprendre une nouvelle vie loin des contraintes, loin de la douleur, dans la simplicité même. Que tu vivrais avec eux, sans femmes. Et que tu apprendrais qu'il n'y a que Lui pour te sortir de la misère. Lui pour t'aider à sourire à nouveau. Et ils ont réussi. A la Rabida, ils étaient nombreux. Ils t'ont instruit, élevé, tous. Une grande famille d'hommes. Tous aussi étranges et mystérieux, tous plein de secrets et d'amour pour un être accroché à une croix, souffreteux. Tu as refusé d'entrer dans l'église, jusqu'à tes douze ans. Jusqu'à ce que tu croises le regard de cet homme sur sa croix. En statue de bois, au milieu du Choeur. Et tu as compris. Tu as compris que ce regard, c'était celui que ton père t'avait jeté avant d'appeler la police, tu as compris que désormais, ton avenir dépendrait de cet homme mort il y a si longtemps, qui protège maintenant les malheureux, les gens brisés, comme toi. Tu as su dès lors que tu enfilerais ta première tunique de Cordelier pour tes seize ans, et que tu rentrerais dans les ordres, en faisant des promesses. Tant de promesses que tu aurais voulu tenir toute ta vie.

Les années ont passé, tu as su ce qu'était la pauvreté absolue. Tu as compris que tu vivrais sans attache nulle autre que ton monastère et que Dieu. Parce qu'Il t'a sauvé. Il t'a aidé au moment où personne ne pouvait le faire, en envoyant ces trois moines te chercher. Chaque matin, chaque soir, tu lui dis ta gratitude, dans l'église ou au bord de ton lit, dans le dortoir. Ta vie est dédiée à cette entité qui dort, les yeux clos et les poignets percés, au-dessus de ta couche. A vingt ans, on t'a confié à un Frère. Tous les deux, inséparables telle était la règle. Il ne devait jamais sortir sans toi, tu ne devais jamais être loin de lui. Selon ton ordre, il fallait être deux pour résister à la tentation, aux péchés capitaux, aux femmes et à tout ce qui pouvait impliquer de trahir nos règles, et Dieu par la même occasion. Il s'appelait Stephan. Et il a brisé ta vie.

Stephan, il était anglais. Trente cinq ans, quand tu l'as rencontré. Brun aux yeux très bleus, une barbe de trois jours portée en permanence. Un corps mince et élancé. Fumeur qui se cachait des autres. C'est à cause de lui que tu t'y es mis, parce qu'il t'a dit que ça faisait du bien, entre deux séances de travail, et tu l'as cru. Alors en cachette, tu fumais avec lui, vous partagiez les péchés alors que vous auriez du vous en préserver mutuellement. ça a duré sept ans. Sept ans de rires et de sourires, sept ans à connaitre cet homme par coeur, qui te suivait comme une ombre, qui partageait ton quotidien et tes prières, qui n'ignorait strictement rien de toi, qui savait qui tu étais jusqu'au fond de tes os, jusqu'aux moindres recoins de ton cerveau. Sept ans durant lesquels il a su connaitre les petits détails de ton visage qui trahissait tes émotions, il a été perturbé, longtemps par tes yeux clairs qui le fixait, comme ça, quand il fallait parler, presque sans ciller. Parce que c'est comme ça que tu regardais les gens. C'est comme ça que tu aimais faire. Parce que tu montrais aux autres que tu ne les craignais pas. Tu avais cette assurance dans le regard, que tu as perdue maintenant. Tes airs juvéniles, tes mains longues quand tu attrapais une pomme dans le verger et que tu la lui tendais. C'était une belle amitié.

Stephan, il avait eu une femme qui était morte de maladie, un cancer qui l'avait foudroyée en l'espace de six mois. Fou de chagrin il est rentré dans les ordres, ici en Espagne, pour oublier tout ça, oublier tout ce qui le définissait autrefois, un peu comme toi. Sauf qu'il est venu de lui-même, personne n'est venu le chercher. Toi, on t'a sauvé, lui il s'est sauvé tout seul. Il a connu le bonheur. La prière. Les règles strictes, la pauvreté. Il a consacré sa vie à Saint François, comme toi tu as décidé d'en faire ton but premier, toute ton existence régie par un amour inconditionnel et irradiant tous ceux qui passaient autour de toi, et ça n'a pas raté. C'était trop prévisible. Tu le bouffais des yeux, il te le rendait bien. Et vous n'avez pas compris quand c'est arrivé. C'est juste arrivé, c'est tout. Une nuit à la bibliothèque. Vous lisiez des textes bibliques, confortablement installés à un bureau. Le monastère était silencieux. Tellement silencieux. On entendait que le bruissement agile des pages qui se tournaient, parce que pour une fois tu avais abandonné la musique, la composition au profit d'études autres, celle de la vie de celui qui t'a sauvé, de celui qui t'a montré qu'il y avait une autre vie que celle que tu imaginais, dans la peur et la destruction. Vous parliez, un peu de tout et de rien, comme d'habitude. Et il s'est approché, comme ça sans prévenir. Il a déposé ses lèvres sur les tiennes. Ses mains sur tes épaules. Et à partir de là, ça a été très vite. Bien trop vite pour que tu prennes conscience que tu brisais une règle fondamentale, une règle terrible. Une règle qui ne pouvait pas être évincée comme une cigarette à l'angle d'un mur.

Parce qu'il te touchait, il te touchait si fort, à des endroits que tu n'aurais jamais soupçonné, parce que pour la première fois ton corps s'est éveillé et a répondu à son appel, comme ça, parce que tu as crié, presque, étouffé par sa main, par son corps si près, par ses soupirs et par sa brutalité, parce que c'était la première fois, ta première fois. Parce que tu goûtais à l'interdit, au Fruit Défendu et que ta voix lui soufflait "encore" sur un ton éraillé par le plaisir, parce que tu n'as pas pu résister, parce que tu avais envie de lui, tellement envie de lui. En sept ans tu avais su l'aimer si fort que c'était devenu invivable, et il te l'avait bien rendu, sur cette table de bois, qu'il t'avait accompagné si fort que tu as cru flotter dans les airs malgré la douleur, malgré ces caresses que tu savais impies. Malgré le châtiment qui t'attendait, tu vois ? Tu aurais seulement voulu continuer. Mais l'heure, vous l'aviez oublié. Et a cinq heures du matin, c'est la première messe qui sonne. Les pas ont résonné dans le couloir quand tu te serrais contre lui, tu n'as rien entendu. Mais ils sont rentrés, parce qu'il y avait du bruit. Et ils vous ont vus.

C'est la honte qui t'a submergé ensuite, immédiatement.

Ces hommes qui t'ont protégé, qui t'ont fait confiance t'ont immédiatement rejeté, ont signé ton expulsion, ils t'ont foutu dehors comme ça, avec tes maigres possession et cet argent qui dormait sur un compte auquel tu n'avais pas le droit de toucher durant ta vie monastique. La spirale infernale a repris. Parce que tu as tout perdu. Tu l'as regardé, Stephan, plein de colère et de haine parce que c'était de sa faute, de sa foutue faute si tu n'as pas su lui résister, sa faute si tu as connu le rejet et la honte, le plaisir coupable, la colère et le chagrin qui n'étaient pas revenus depuis des années. Tu avais trouvé une maison, tu avais reçu la confiance de Dieu. Et tu as tout perdu. Tout. Comme s'il ne s'était rien passé, comme si c'était une parenthèse volée au détour d'un couloir, d'un battement de cil éphémère qui t'a pris les dernières années de ta jeune vie, ces années qui furent les plus belles, les plus formidables. Et on te renvoyait comme ça, brusquement si brusquement dans le monde réel, le monde de cruauté et de douleur. Tu as vingt huit ans, tu as toute ta vie devant toi. Mais tu souffres. Parce que tu sais que tu vas devoir tout recommencer. Avant de partir, de monter dans la voiture, il a voulu te dire pourquoi il avait fait ça. Mais tu t'es détourné, silencieux. Il a dit qu'il t'écrirait. Mais tu ne voulais déjà plus entendre parler de lui.

J'en suis là, maintenant.

"Il est un peu austère, mais je n'ai malheureusement pas mieux à vous proposer immédiatement.

- Il est parfait, merci. J'ai été habitué à pire.

- Vous devez payer le loyer tous les cinq du mois. Les charges sont comprises.

- J'ai déjà lu ça sur l'annonce.

- Vous avez besoin d'autre chose ?

- Seulement les clés, merci."

Il sort. Il me tend les clés, le regard indéchiffrable. L'appartement comporte trois pièces. Un salon, une cuisine, une chambre. Une salle de bains minuscule. Non meublée, le parquet un peu branlant, qui craque. Mais c'est au centre ville. Et je peux tout voir, comme ça. J'ai posé mes partitions sur mon nouveau bureau, parce que je dois travailler pour gagner ma vie maintenant, malgré mes économies, malgré la peur de l'inconnu. Parce que je ne sais rien faire. Je ne sais pas faire de compta, je ne sais pas gérer l'argent. Je ne sais pas faire dans l'administration. Je n'ai pas mon permis. On était coupés de tout à la Rabida. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir. Je suppose que je vais devoir me débrouiller, c'est comme ça que ça fonctionne. Le crucifix est toujours là, bien en place au-dessus de mon lit. Je n'ai presque pas de meubles. Parce que je ne possède rien, je n'ai jamais rien possédé. Dieu ne voudrait pas que je possède, pas après tout ça, pas après tous ces péchés. Je fume une cigarette à la fenêtre, tire un papier de ma poche. J'ai reçu cette lettre hier. Je le hais. Il a su que je partais pour cette nouvelle ville, je ne sais pas comment, m'isoler du reste du monde. Je ne sais pas comment. Et je me surprends à la relire pour la cinquième fois depuis hier soir. Parce que c'est de sa faute, quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse. Parce qu'il était mon Frère. Parce qu'il m'a trahi.

Je vivrai de ma musique, et de rien d'autre. Malgré mon renvoi je n'aurais pas de femme. Ni d'enfants. Ni de relations. Je reste un moine malgré la souffrance, malgré le manque. Je ne veux pas trahir mon Dieu encore une fois. Je refuse de penser à lui. Alors je tire un briquet de ma poche et allume cette feuille pleine de venin, pleine de mensonges et de cruauté. Et tandis qu'elle part en fumée, je laisse mes larmes couler une dernière fois, avant de l'oublier. Parce que ce n'est pas lui qui me fera gagner ma vie. Ce n'est pas lui qui me sauvera de la douleur, pas lui qui me permettra d'aller mieux. Il ne le pourra jamais. Dans la bataille, j'ai perdu ma dignité. Et l'amour du Sauveur. Je ne sais pas comment je vais sortir de là. Comment je vais pouvoir trouver une nouvelle façon de sauver mon âme. Comment vivre une nouvelle vie en oubliant ce passé. Je ne sais pas, et pour le moment je m'en fous.

Je voudrais juste dormir, et ne plus me réveiller avant des années. Jusqu'à avoir tout oublié.


Dernière édition par Abimael Haros le Dim 30 Nov - 21:13, édité 2 fois
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Joanne Jacobsen

Joanne Jacobsen

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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 19:30

bienvenue :heart:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 20:03

bienvenuuuue :heart: le deuxième du duo, donc :hehe2:
j'ai hâte de voir de quoi va retourner votre lien :eyes:
n'hésites pas si tu as la moindre question en tout cas, bon courage pour la suite de ta fiche :heart4:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 20:33

Merci à vous deux ! :D
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 20:48

Bienvenue à toi, bon courage pour le reste de ta fiche !
Et au passage, j'adore ton avatar :heart:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 21:05


Bienvenue parmi nous :heart4:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 21:51

:love2: :crazy: :omg5: :youpi: :love: :pompom: !

T'es beauuuu et tu sens bon le savon ! Je m'en vais te pourrir la vie ! :hero:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 22:05

Merci merciii !

J'ARRIVE TOI :love2:
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Maxine Fields

Maxine Fields
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyDim 30 Nov - 23:12

Bienvenue :heart:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyLun 1 Déc - 10:11

bienvenue. :heart:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyLun 1 Déc - 22:15

encore mille fois désolée pour ce retard :eyes2: :eyes2:

Félicitations, tu es officiellement validé(e) !
ta fiche est juste sublime. j'ai eu un vrai coup de coeur, enfin non, c'est plus que ça :eyes2: c'est merveilleusement bien écrit, l'histoire est tellement bien travaillée, ça fait tellement vrai, c'est tellement beau :**: je ne sais pas si c'est volontaire, cette alternance du tu, du je, du il, mais je trouve que c'est vraiment bien maîtrisé; et moi qui suis complètement athée, ça me donne un autre regard sur la religion. je crois que je ne le répéterais jamais assez, mais j'aime vraiment beaucoup, beaucoup ta fiche de présentation :heart4: elle est longue, mais c'était un plaisir de la lire, et c'est tellement rare de détailler autant un personnage, autant les parents, autant la vie, pfou. j'adore,et j'ai hâte de voir ce que ça va donner en rp :faint: :heart:

Selon le questionnaire, tu te retrouves dans le groupe Seize the day.
Tu peux désormais te rendre dans la catégorie Gestion du personnage pour faire les diverses demandes, tu peux aussi recenser ton personnage, ou bien rechercher des liens. Ensuite, tu peux aussi aller créer un ou plusieurs scénarios ou des bandes, ainsi qu'un compte instagram pour ton personnage. N'hésites pas non plus à venir t'inscrire aux mini-floods pour faciliter ton intégration sur le forum ! 50 points t'ont été ajoutés pour ta validation, tu retrouveras d'ailleurs plus d'informations sur le système de points à cet endroit.

Bref, tout le staff te souhaite la bienvenue sur Feels Like Tonight !
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyLun 1 Déc - 22:16

MERCI MERCIIII


(Trop de compliments je vais mourir /SBAFF/ merci encore :D)
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyLun 1 Déc - 22:18

désolée, mais quand j'aime une fiche je peux pas m'en empêcher :angel:
franchement, c'est un beau duo que vous formez avec alcandre, et j'ai hâte de voir de quoi va retourner votre lien :heart:
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyJeu 4 Déc - 23:33

Bienvenue parmi nous!!!
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Message(#) Sujet: Re: Cordelier en pélerinage. [Abimael] Cordelier en pélerinage. [Abimael]  EmptyVen 5 Déc - 23:37

désolée du retard et bienvenue à toi ! :love2: j'adore, genre vraiment, tout ce que tu as écris, l'histoire est magnifique et divinement bien rédigée, un choix d'avatar génialissime et lepseudo est top. bref : :like: si tu as la moindre question n'hésite pas, en tout cas amuse-toi bien parmi nous !
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