~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
   au lycée, anna n'était qu'une élève parmi tant d'autres. pas spécialement douée, pas spécialement une petite cancre, elle faisait parti d'une large majorité silencieuse, dans la moyenne. ce n'était cependant que par choix. la jeune femme ne se donnait en effet pas réellement les moyens de réussir : là où un bon élève passait une heure, elle n'y passait que trente minutes, apprenant et faisant ses devoirs nonchalamment. discrète en classe, anna l'était encore plus par rapport aux autres, se contentant d'intégrer chaque année un petit groupe de camarades parmi lesquels elle se confondait : cachée dans la masse, elle s'y retrouvait apaisée, ne sortant pas du carcan. quant à sa relation avec ses parents, elle était quasiment inexistante. son père et sa mère, journalistes à toronto, ne voyaient leur fille que deux à trois fois par an. anna vécut toute sa jeunesse chez sa tante, loin d'eux, et ne s'en est pourtant jamais plainte. son adolescence a donc été marquée par une certaine retenue d'elle-même, et malgré cela, elle ne peut s'empêcher de repenser à cette époque avec envie et nostalgie.

      ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
   non, anna n'est pas heureuse - sans toutefois être malheureuse. grandir, arrêter le lycée, devoir vivre seule, prendre soin d'elle, elle avait beau y être préparée, le choc a été brutal. pendant un an, directement après le lycée, la jeune femme a du vivre complétement seule, isolée dans son appartement, et cet épisode de sa vie l'a beaucoup marqué. la vie lui semblait dure, trop dure pour être surmontée : elle se sentait incapable de continuer. aujourd'hui, la solitude, anna la vit encore. malgré sa colocation avec charlie, elle se sent seule, abandonnée. elle a toujours très peu de contact avec ses parents, encore moins avec ses amis du lycée, qui ont eux déjà réussi à construire une vie de famille. en quittant l'école, anna a perdu le ciment qui faisait sa vie. cette situation, cette solitude, la rongent de jour en jour, d'heure en heure : elle se sent seule, tout le temps, et n'est pas heureuse. mais elle ne l'avouera jamais. parce que la reine des glaces n'est pas faible.

      ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
   dans dix ans, anna se voit titulaire d'un master en histoire de l'art, et professeur à une université canadienne. c'est tout ce dont elle est sûre. l'amour, les amis, tout ça n'est qu'une notion vague dont elle n'a aucune idée, et à laquelle elle n'a aucune envie d'y réfléchir. trop incertain, l'avenir lui fait peur et la déstabilise : aura-t-elle des enfants? sera-t-elle une bonne mère? sera-t-elle amoureuse ? l'avenir n'est qu'un amas d'incertitudes dans lequel elle a peur de s'engluer... mais peut-être qu'au fond d'elle, tout ce qu'elle attend du futur, c'est le bonheur. un bonheur sourd, aveugle et rayonnant, qui prendrait source du plus profond de ses vieux os gelés par la tristesse pour irradier autour d'elle, comme une aura de joie pure. mais ce n'est qu'un doux rêve. beaucoup plus pragmatique, anna espère simplement avoir un bon métier. le reste, elle y pensera plus tard... le plus tard possible.

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: josie (chester). ÂGE: 15 ans. PAYS: france. PRÉSENCE: 4j/7j. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? bazzart.  PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? inventé. AUTRE CHOSE À AJOUTER? .

« Oui... Je comprends, oui. ... D'accord. Je lui dirais. » Cachée derrière la porte de la salle de bain, Anna dévisageait sa tante, Mary, au téléphone depuis de longues minutes. Mary Hermills était une femme d'âge mur, au visage marqué de rides bienveillantes. Les plissures aux coins de ses yeux étaient la preuve qu'elle riait, souvent. Celle du lion, entre ses deux sourcils, trahissait une anxiété à toute épreuve. D'une douceur inégalée et inégalable, Mary abritait depuis quelques mois sa nièce - les parents de cette dernière, journalistes à Toronto, avaient décidé de laisser leur fille auprès de quelqu'un qui pourrait mieux s'en occuper qu'eux.

Mary mit fin à la communication, raccrochant le combiné en soupirant. Elle adorait Anna, qui d'ailleurs aller fêter ses huit ans la semaine suivante, mais cette situation lui fendait le coeur. Chaque jour, elle voyait la petite attendre patiemment près du téléphone, presque en apnée, dans l'espoir qu'un jour il sonne, et qu'à l'autre bout du fil, la voix de ses parents retentissent. C'était une enfant timide, calme : en un mot, adorable. En dix mois, elle s'était particulièrement attachée à elle. C'était la fille qu'elle n'avait jamais eu. Quelque chose de spécial, un lien inattendu s'était crée entre elles deux. De l'affection pure, un amour sans borne. C'était sans doute pour ça que tout cela lui retournait l'estomac. Anna voyait rarement ses parents. Elle en vivait loin, comme si pour eux, elle n'avait jamais existé... « Ils ne rentreront pas pour mon anniversaire, c'est ça? » La voix feutrée, presque blanche, d'Anna retentit derrière la porte, manquant de faire sursauter Mary. Elle se reprit bien vite, offrant à la petite un sourire désolé : « Ils ne rentreront pas, non... » Le visage d'Anna, quant à lui, resta inexpressif, terne. Ses yeux semblaient impassibles, n'arrêtant de fixer les iris de sa tante que lorsqu'elle tourna les talons. « C'est pas si grave, Anna! On va aller au restaurant ensemble, tu vas voir. Tu préfères japonais ou italien? » Mary avait bien essayé de cacher la tristesse de ces propos sous une gaieté feinte, mais cela ne servait à rien. D'une voix monocorde, sa nièce lui répondit : « Je n'ai pas très faim. »


Soufflant sur les vingt-trois bougies de son gâteau d'anniversaire, Anna arrêta de penser pendant un instant. Pendant une fraction de seconde, elle semblait avoir oublié à quel point le monde dans lequel elle vivait était cruel. Lasse d'avoir vécu sans ses parents, on lui avait pris sa tante. La seule personne qu'elle était sûre d'aimer, pleinement, entièrement, et qui elle aussi l'aimait, comme si elle était sa fille. Quelques années plus tôt - trois pour être précis - un cancer destructeur avait ôté la vie à Mary Hermills, laissant Anna livrée à elle même. Peut-être que ce fut à ce moment que tout changea. Que la longueur des journées lui parut être plus pesante. Que les goûts s'affadirent et que les couleurs se sont ternies... Plus de parents, plus de tante. Juste la solitude comme une étroite compagnie, chaque jour, jusqu'à sa rencontre avec Charlie. Là enfin, les choses semblaient retourner dans le droit chemin, sans que ce soit pour autant parfait. Elle se sentait juste un peu plus vivante, pour une fois. Mais tout cela, Anna n'y pensait pas. A l'instant même où son soufle éteignit les vingt trois bougies, tout ce qu'elle sentait, c'était la présence de son colocataire auprès d'elle, et l'odeur agréable qui émanait de son gâteau d'anniversaire. Anna avait vingt-trois ans.