Je me tiens devant l'entrée du cimetière, le pot de fleurs à la main, hésitante de tristesse. Je n'aime pas ce lieu. Je déteste l'ambiance lugubre de cet endroit où reposent des corps dépourvus de vie et où le temps semble s'arrêter sans aucune raison rationnelle. Pourtant, jetant un regard sur les chrysanthèmes comme pour me donner du courage, je finis par entrer. Je connais le chemin, je l'ai parcouru deux ou trois fois, et je me retrouve rapidement devant la tombe de ma mère. Si ce n'était pas pour elle, jamais je ne mettrai les pieds dans la froideur du cimetière.  Mais ma mère est morte, et c'est ici que se rendent les défunts après avoir relâché leur dernier souffle. Je m'accroupis devant la pierre tombale pour y déposer les fleurs, et j'effleure en même temps les inscriptions gravées sur le marbre. "Parce qu'une mère c'est formidable, Dieu en a voulu une." Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai choisi cette phrase. Je suis loin d'être une fervente croyante, je suis plutôt du genre terre-à-terre en ce qui concerne la religion. Je pense que c'est la beauté de ces mots qui m'a convaincue, autre que la référence à Dieu. Ma mère était vraiment adorable, et elle me manque terriblement un peu plus chaque jour qui passe. Une larme m'échappe alors que les souvenirs m'assaillent. C'est bientôt un déluge qui coule le long de mes joues dans un profond silence. Je ferme les yeux, repensant à mon enfance où je n'avais qu'elle. Je me sens tellement coupable de l'avoir quitté quelques années auparavant et de ne plus être revenue en ville avant sa mort. J'aurais tellement aimé la voir une dernière fois, pour lui dire que je l'aime et qu'elle sera éternellement dans mon coeur. Elle ne m'avait même pas dit si elle voulait être incinérée ou brûlée, elle était encore trop jeune pour y penser et sa mort brutale ne lui a pas laissé le temps de faire un testament. Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix en choisissant de mettre son corps sous terre, mais il fallait bien faire quelque chose et j'ai fait ce qui me semblait être juste. Je ne crois pas que ça lui aurait plu d'être brûlée, même morte.

Mes pleurs continuent tandis que je murmure :  «Tu me manques maman.. ». J'entends soudain un bruit de pas derrière moi, légers certes, mais il y a bien quelqu'un. Je ne bouge pas, le chagrin m'a entièrement envahie dans mon deuil encore tout frais.  « Ça ne sert à rien de pleurer, elle est peut-être mieux où elle est.  »  Cette fois-ci, je réagis, dévisageant mon interlocuteur. Ses mots me laissent interloquée. Je le regarde, les yeux pleins de surprises à travers le voile de mes larmes, ne sachant que répondre tout d'abord.  Puis, sèchement, je rétorque : « Vous êtes qui vous ? »  C'est totalement absurde ce qu'il dit. La place de ma mère est auprès de moi, sa fille, et cela ne peut être autrement, c'est inconcevable pour moi. C'est peut-être égoïste, mais la mort récente de ma mère remplit mon coeur lourd. « Vous devriez réfléchir à deux fois avant de dire une chose pareille, une personne ne peut être bien qu'auprès de ceux qui l'aiment. Enfin, vous n'avez pas de tombes à balayer au d'autres tâches à faire, au lieu de venir me déranger durant mon deuil ? »  Je suis en colère, en colère contre lui et contre moi même, qui ne peut contenir mes sentiments et mes mots. Je me sentirai coupable de la manière dont je me suis adressée à ce jeune homme plus tard, pour l'instant je ne pense à rien d'autres qu'à ma mère.