~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?

Souviens-toi du soleil qui frappait ta peau, ce jour, où pour la dernière fois, tu as vu le regard de celui que tu voyais déjà comme l’homme de ta vie. Souviens-toi de ce jour, où dans les yeux de ta meilleure amie, des larmes se formaient, prête à perler le long de ses joues. Tu étais là, impuissante. Vulnérable. Tu les regardais, sans savoir quoi faire. Tu partais si loin. Loin d’eux. Tu ne reviendrais pas. Tu ne le pouvais pas. Tu ne savais pas vraiment pourquoi, d’ailleurs. Tes parents t’avaient simplement de dire adieu à Phénix. Tu n’en savais rien et ce choix te déchirer le cœur. Tu venais de passer deux merveilleuses années dans ce lycée local, où tu y avais retrouvé tes amis, tes ennemis. Tu y avais rencontré des personnes parfaites, des professeurs qui avaient su te donner gout au travail. Aujourd’hui, tu partais. Tu montais dans cette voiture, sans te retourner pour cacher tes larmes. Pour te cacher d’eux, alors que tu étais à leurs yeux, la personne la plus forte, le modèle d’excellence. Tu étais parfaite, oui. Mais à partir de ce jour, tout à changer. Ton nouveau lycée, à White Oak Station ne t’a pas plu, tu le détestais même. Les gens ne t’aimaient pas, tu étais différente. Tu ne les aimais pas non plus. Tu te moquais d’eux ouvertement. Ta force d’esprit t’a aidé à t’en sortir, ton charisme a beaucoup joué, ta force de persuasion t’a permis de te constituer l’entourage dont tu avais besoin. Des sbires en admirations. Tu les méprisais, ils t’obéissaient. Tu rigolais, tu adorais. Cela n’a jamais comblé ton manque. Ce manque de lui, ce manque d’elle. Le manque de Phénix. Les deux années, les deux dernières ont été horrible. Tu n’en garderas pas un bon souvenir. Ce lycée te donne envie de vomir aujourd’hui. Tu rêves de partir loin, mais tu as fini par t’attacher à la ville, ce coin si calme. Tu penses même à y inviter tes amis à te rejoindre. Ici, avec eux, tout sera mieux.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?

Tu regardes autour de toi, le vide. Tu entends le silence, il est pesant. Il t’oppresse. Tu te sens seule. Tu te caches dans ton monde idyllique. Tu as oublié ce qu’était l’amour, ce qu’était la joie. Tu fais souvent semblant, lorsque tu croises tes amis, ceux qui le sont ici mais qui ne remplaceront jamais ceux de Phénix. Ceux que tu apprécies mais que tu n’aimes pas tant que ça. Ceux qui pourraient sortir de ta vie demain, sans que tu n’en sois affectée. Tu penses si sombre, si noir. T’as oublié ce qu’était la clarté. Le bonheur, tu ne sais plus ce que s’était. Il te manque quelque chose pour avancer. Pour faire ce sourire vrai, pour arrêter l’hypocrisie. Aujourd’hui, tu n’es pas heureuse. Tu aimerais l’être. Vivre de ton bonheur. Vivre comme tous les autres. Un jour, tu l’espère, tu y croirais presque. Les évènements de ta vie ne t’ont pas aidé à être heureuse et tu n’arrives plus à expliquer aux gens qui t’entourent, le pourquoi tu n’es pas heureuse. Tant de choses, trop de choses. Des malheurs. Tu as renoncé à rêver, à y croire. Tu as fini par te perdre dans le néant, oubliant qui tu étais. Mettant fin à tout ce que tu avais bâti durement.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?


Tu seras toujours journaliste, sans aucun doute. Peut-être pas dans la même ville, peut-être dans un journal plus important. Un journal mondial ou même un magazine de mode. Tu aimes ce métier, tu l’as choisi, tu le ne quitteras pas. Ne croyant plus à l’amour, tu te vois plutôt dans une grande maison, seule ou en collocation, sortant avec des hommes pour quelques semaines, les lâchant après une lassitude profonde. La solitude te plaira, tu l’aimeras. Sans enfants, tu n’en auras pas. Tu n’en veux pas –plus- et tu n’en auras pas. Cette contrainte te déplait. Tu espères que tu auras quitté le Canada, que tu auras réussi à trouver l’endroit qui te convient enfin. Tu auras besoin de te redécouvrir. Dans dix ans, tu auras trente-quatre ans, il sera temps pour toi d’être heureuse. Avant cela, il y a un long chemin à parcourir. Tu le sais, tu le sens. Tu préfères ne pas savoir, de peur de t’attendre au pire. Les plan sur la comète, tu n’y crois plus on ne t’y reprendra pas. Dans dix ans, qui sait si tout ce que tu penses maintenant sera réalité ? Qui peut te dire que tu vivras seule, sans enfants, loin des hommes ? Qui peut te dire que tu n’auras pas la vie parfaite, femme mariée, heureuse et épanouie, dans une ville magique, au plus haut poste d’un journal international. Le rêve. Un rêve que tu as oublié avec le temps. Morose et triste, tu ne te projette pas, tu attends que la vie te joue tous les tours qu’elle a dans son sac pour continuer à te rendre l’existence ennuyeuse, vide, malheureuse. Bienvenue dans le monde noir. Dans ton monde.

TELLEMENT DE GENS VEULENT TELLEMENT ÊTRE AIMÉS.

« Mère, faut-il vraiment que je vous accompagne ? » La réponse, tu la connaissais. Tu la connaissais si bien, que tu n’aurais sans doute pas dû ouvrir la bouche. Cette femme, que tu appelais mère, avait levé les yeux pour te jauger d’un regard froid, sombre, sinistre. Un sourire mesquin avait fait son apparition sur ses lèvres, alors que toi, tu baissais les yeux, honteuse. A l'âge de dix-sept ans, tu voyais ta génitrice comme un tyran, un monstre. Depuis toujours, elle faisait vivre tes cauchemars les plus sombres. Femme si droite, belle et d'une classe de grande ampleur, il n'y avait pas de doute, elle avait été une des femmes les plus influentes de Phénix. Son regard te faisait trembler, son sourire t'effrayait. Souvent, tu t'étais demandée si elle était vraiment la femme à l'origine de ta vie. Tu en doutes souvent, d'ailleurs. Toute ton enfance, tu avais subi l'absence d'un père et l'ignorance d'une mère qui te voyait comme un fardeau. Seule au monde, tu avais été élevée par Rosie, la « femme à tout faire » comme tu aimais si bien l'appeler.
Tes parents, tu les as toujours haïs et même en grandissant, rien n'a changé. Tu n'as jamais oublié ces soirs passés à la table de la salle à manger, les attendant. Tu finissais par t'endormir, épuisée. Tu n'as jamais oublié les années d'absence, l'ignorance et la souffrance que tu as ressenti, lorsque, face à eux, tu te sentais invisible, inexistante. Un poids sur leur vie si paisible.
« Tu sais, petite, tes parents n'étaient simplement pas fait pour la vie de famille. » Ce que Rosie ne disait pas, tu as fini par le découvrir. Ecoutant souvent les conversations que tu n'aurais jamais dû entendre, tu avais développé une grande curiosité, parfois maladive. Un déni de grossesse, une impossibilité d'y mettre fin et le dégoût de n'être qu'une mère porteuse pour une femme en mal d'enfants. Cette découverte, tu l'as si mal vécu, la prenant pour une trahison à l'amour que tu portais, malgré toi, à tes géniteurs. Tu te souviens aussi, de la gifle que tu as reçu, le jour où, pour provoquer ta mère, tu avais appelé Rosie, « maman ». Tu étais si jeune, mais tu voyais en Rosie la mère idéale. Après tout elle t'avait élevé.
Tu voulais tant l'amour de tes parents que tu as cherché à te faire remarquer. Durant toute ta vie, mais jamais cela n'a payé.

MOI JE VEUX VIVRE, VIVRE, VIVRE ENCORE PLUS FORT

Ton échauffement terminé, tu attendais. Seule. Tu étais toujours la première, tant ce cours t'apportait plus que tu n'aurais pu en attendre de lui. Tu attendais sur quelques notes, t'élançant vivement en quelques pas. Tu dansais, oubliant le reste autour de toi. Source de réconfort, de bonheur que tu n'avais pas connu jusqu'alors. Avant de commencer, tu te sentais rejeter. Tes parents ne t'aimaient pas, tu n'avais pas d'amis. Pas encore. La danse t'avait apporté tellement de chance que depuis que tu avais huit ans, tu ne vivais que pour cela. Tu n'avais vécu que pour cela pendant près de huit années. Jusqu'à ton départ pour le Canada. La danse t'avait ouvert des portes. Les portes des sourires francs, des rires sincères. Les portes d'un bonheur sans merci. Tu te donnais tellement que l'on te demandait si ça allait. Tu souriais. « Cela ne pourrait pas aller mieux. » Et tu repartais de plus belle. Mais ce jour-là, tu savais que ce cours avait plus d'importance que n'importe qu'elle autre. Les rôles pour le spectacle de mai allaient être donnés. Un spectacle important, dans la plus grande salle de Los Angeles. « Tu sais, Zip, rien ne sert de t’entraîner ainsi. » Du regard, tu l'interrogeais, tu ne comprenais pas. Aurais-tu ? oublié quelque chose d'important ? Tu avais beau essayé de te souvenir d'un détail qui t'aurais échapé, tu ne te souvenais de rien. Trop concentré par ce rôle que tu voulais. Ce rôle qui te mettrait sur le devant de la scène, seule, pour un solo unique. « Il y a deux rôles importants, tu le sais. » Tu le savais et tu y avais vu une chance d'être acceptée. Tu te souvenais de ton professeur annonçant cela et de ton sourire qui s'était agrandi. Tu n'avais rien n'écouté de plus, ce jour-là. « C'est deux rôles sont en duo, Zip. » Tes rêves s'effondraient. Tu n'avais rien préparé, tu n'avais pas de partenaire. Ton rêve tombait en miette en quelques mots. Ce jeune homme, il était comme ton meilleur ami. Tu l'avais rencontré il y a une dizaine d'années, à l'école maternelle. Mais vous ne vous étiez jamais parlé avant l'entrée dans l'école de danse. Il avait été ton premier ami, le meilleur de tous. « Oh putain ! »
Tu n'y croyais plus jusqu'à ce qu'il te tende la main. « Viens, viens avec moi. » Et c'est avec lui, qu'en quelques minutes, portés l'un par l'autre, vous avez dansé. Dans une improvisation parfaite, vous vous compreniez si bien. Un regard suffisait. Et c'est à ce moment même que tu as compris.

C'était ton premier amour. C'était si nouveau pour que tu en avais presque peur. Tu faisais le grand saut dans le vide, découvrant que tu avais finalement un coeur et ce, l'année de tes quatorze ans. Tout a changé à partir de ce moment, entre vous principalement. Il était ta première fois pour tout ce que tu n'avais encore jamais fait, que ce soit dans votre relation ou dans ton quotidien qu'il avait radicalement changé. Quand tu as dû quitter Phénix, deux ans après le début de votre amour, lui comme toi avaient été anéanti. Vous aviez fait tellement de projet. « Je fuguerais, rien que pour toi. On se retrouvera, un jour. Je te le promets. » Tu n'avais jamais menti et qu'importe le temps qu'il te faudrait pour le retrouver, elle attendrait. « Je t'aime Zip' et qu'importe le temps, je te retrouverais »

JE CROIS QUE J'AI ENCORE BESOIN DE TES MAINS

Ta vie a connu un bouleversement en quittant Phénix. Comme si toute ta vie s'était écroulée, d'un seul coup. Te relever a été difficile. Ta meilleure amie te manquait, ton petit-ami qui ne l'était plus avec le temps aussi. Tu as terminé le lycée, obtenant ton diplôme sans trop en faire. Tu as été à l'université, obtenu une fois encore, ton diplôme de journaliste. Mais si seulement cela n'avait été que ça. Durant l'université, sous un coup de folie, tu avais décidé de te marier avec ton copain du moment. Ca aurait pu être l'homme de ta vie, malheureusement, tu n'avais pas oublié Nolan. Tu y repensais souvent, trop souvent. Il avait disparu de ta vie. Mais jusqu'à quand ? « Un jour, on se retrouvera. Je le sais, je le sens. » Tu étais tombée enceinte, deux fois. Deux fois où tes enfants ont perdu la vie avant même de connaitre la lumière du jour. Deux fausses couches que tu avais compris comme un signe du destin. Ton mari, Nicola, n'était pas celui qu'il te fallait.
Aujourd'hui, tu as divorcé, depuis près d'un an, tu vis seule. Tu essaye de reprendre contact avec Phénix, avec Nolan, avec Maureen. Avec ta vie d'avant. Tes parents ont finalement quitté ta vie, tu ne leur adresse plus la parole. Et tu continues de danser. Danse, danse, tant que tu le peux encore.