~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?

Le lycée ? Une grande aventure. Je ne plaisante pas. Imaginez-vous une longue traversée à travers le désert en plein soleil sans aucune goutte pour vous désaltérer. Et bien, c'était un peu ça, à quelques détails près. Plus ou moins. En ce qui me concernait, et c'est toujours le cas actuellement, l'effet mouton ne me plaisait guère. Tous les mêmes, à s'habiller de façon semblable sans aucune originalité. Pareil, en ce qui concernait leurs caractères uniformisés. J'avais failli finir par croire qu'on les avaient tous clonés. J'avais quand même eu la chance de trouver des personnes du même état d'esprit que le mien, une sorte de petite bande. Seulement, chacun faisait ce que bon lui semblait, on était à la fois semblables et différents. Puis, le sujet de la gente masculine m'horripilait. La plupart des garçons du lycée étaient généralement trop occupés à regarder leur nombril pour me prêter une quelconque attention. Il faut dire aussi que je ne faisais pas de réels efforts à l'époque, j'avais déjà bien trop de mal à m'investir dans mes études pour m'investir dans une relation. En effet, même si j'étais de nature organisée, et que je possédais tout la volonté du monde pour parvenir à des résultats satisfaisants, une tendance dyslexique venait me barrer la route. Autant dire que plus d'un dans mon cas aurait abandonné, seulement j'avais de l'énergie à revendre. Et cette énergie, je l'utilisait largement en l'offrant lors de journées spéciales ou événements qu'organisait mon lycée dans le but de protéger la planète, de diverses manières comme ramasser les ordures sur la plage avant l'arrivée des vacanciers ou encore participer au tri sélectif. Puis, j'ai fini par sortir de cette bourgade qu'était le lycée.

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?

Si je suis heureuse ? C'est une question difficile. Difficile mais intéressante. Parce qu'au fond, qu'est-ce que cela signifie vraiment d'être heureux ? Pas grand chose. Le bonheur c'est que quelque chose qui peut se réduire en miette à la seconde même où vous remarquez sa présence. Quand il est en vous, vous ne le savez pas. Vous vivez avec, sans vous en rendre compte. Mais, il y a bonheur et bonheur. Celui que je viens juste de vous décrire, un bonheur éphémère. Puis, il y a l'autre, le bonheur, juste le bonheur. On peut le traduire de différente manières, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Seulement, si le bonheur dont vous parlez se résume à avoir une vie décente avec des hauts et des bas, accompagnée malgré tout de quelques désagréments, avoir une cause à défendre dans laquelle on se sent utile, de posséder un cœur assez gros pour le partager avec un peu de monde, d'être en situation de couple aimants l'un envers l'autre sans compter un refus de mariage par deux fois et être tout simplement quelqu'un, alors oui. Oui, je pense sincèrement faire partie de ces personnes dites heureuses.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?

On s'était donné rendez-vous dans dix ans, même heure, même place.. Cette question me fait drôlement penser à une chanson dont je ne saurais vous dire le titre et l'interprète. Dix ans, c'est beaucoup. Beaucoup trop loin pour avoir une idée réelle et fixe de l'endroit où j'aurais abouti. C'est pas vrai ? Lorsque l'on voit qu'un événement mineur ou immense peut en quelques minutes faire basculer votre vie, on ne peut vraisemblablement pas répondre à cette question. Mais, on peut tout de même avoir une idée ou un espoir du chemin qu'on aura emprunté et ainsi voir où ce dernier nous mènera. J'ai beaucoup d'espoir en ce qui concerne mon travail et ma relation amoureuse. En effet, je me vois sûrement à la tête de ma propre organisation environnementale humaine mais pas seulement. Je m'imagine que peut-être Eziel aura fini par comprendre que je l'aime suffisamment pour estimer que je n'ai pas besoin d'un fichu bout de papier visant à prouver notre amour dans cette relation. Sûrement aurons-nous des enfants, pour fonder une grande et belle famille. Pas celle comme dans les contes d'enfants, même si ce serait bien chouette. Je n'arrive pas à me projeter plus loin, le chemin est encore tout simplement long à parcourir.

Emily, le prénom qui fut très vite remplacé par Emy. Beaucoup plus simple, beaucoup plus court. Et beaucoup moins mentionné en souvenir du passé. C'était ma mère qui avait eu l'idée de ce prénom suite à une jolie et belle chanson qu'elle seule connaissait. Du moins, c'est ce que papa m'a raconté. Et, en l'absence d'une mère, les mots d'un père devenaient vite des paroles d'évangile. Je n'avais aucuns repères maternels comme la plupart des enfants de mon âge ayant une famille conventionnellement structurée. Seul mon père était là, à s'occuper de moi entre son boulot de pompier et la maison. À vrai dire, je ne pourrais pas vous mentir en vous disant qu'il a vraiment tout fait pour combler l'absence de ma mère. Mais que, en dépit de cela, j'ai toujours ressenti ce vide. Je ne veux pas me plaindre, ni quoique ce soit de similaire car j'aurais tout de même pu tomber dans une situation moins favorable. Il n'en reste pas moins que je me suis toujours questionnée, et les histoires que me contait papa ne faisait qu'accroître ma curiosité sur ma défunte mère. Puis, le lieu n'aidait pas vraiment puisque nous n'avions jamais mis les pieds hors de la ville. Papa avait eu bon nombre d'opportunités pour partir loin d'ici, il aurait pu le faire à maintes reprises. Seulement, il ne l'avait pas fait et plus le temps passait, plus nous étions soudés. Une relation très fusionnelle qui ne cessait de s'amplifier.

Mais le temps de mon enfance ne dura pas toute une vie puisque le collège et le lycée arrivèrent à grands pas. En une poignée d'années je fus propulsée dans la cour des grands, expressions plutôt mal choisie que j'aurais plutôt désigné par la cour des pré-pubères. Je n'avais à vrai dire pas de problèmes particuliers si ce n'était une dyslexie quelque peu encombrante par moment. Quelques amis, avec lesquels j'ai gardé contact. À l'époque nous passions tout notre temps ensemble, nous avions les mêmes idées et défendions les mêmes principes, de différentes manières ainsi que végétariens de surcroît. Un club de manifestations écologiques avait même été créer grâce à notre groupe très soudé. Je dois quand même bien dire que nous n'étions pas les mieux vu parmi les élèves et que nous avions eu le droit d'essuyer plusieurs remarques. Mais cela m'importait du moment que je faisais ce que bon me semblait. Et, je n'hésitais pas à leur dire ce que je pensais d'eux, quitte à en faire larmoyer quelques uns. Bien évidemment, l'écologie n'était pas mon seul passe-temps même s'il est encore tout comme l'est la peinture et la sculpture. J'ai toujours aimé créer de mes propres mains.  

Il y avait aussi ce garçon, Eziel. Nous étions dans la même classe au collège et il était un de ces jeunes dit populaires. C'était exactement le genre de personnes que j'avais pris l'habitude de fuir. Seulement, en dépit de la fainéantise apparente qu'il dégageait, il était réellement intelligent et quelque chose chez lui m'avait attiré. Malheureusement, nous étions trop différent pour qu'il ne se passe quoi que ce soit, du moins le croyais-je pendant un temps. Et puis, je n'avais jamais eu de petit ami si on ne comptait pas ceux de la primaire avec leur nez tout dégoulinant de morve. Il était donc hors de question de m'intéresser à quelqu'un comme lui. Mais c'était sans compter sur ce dernier qui s'était visiblement intéresser à moi. Chose qui m'avait bien évidemment tout d'abord étonnée. Un jour, il était venu me parler pour je ne sais plus quelle broutille sauf qu'en réalité, ce Eziel avait laissé traîné son livre et je m'étais sentie en quelque sorte obligée de le lui rapporter. Nous avions commencé par nous voir quelques fois, mais pas trop. Je considérais toujours que je ne devais pas le côtoyer, à tort bien sûr. Nous avons quand même mis trois années à devenir amis. Trois ans durant, où Eziel été resté obstiné et avait fini par avoir mon amitié. Je ne pouvais pas réellement lutter plus longtemps et me mentir à moi-même alors que je savais pertinemment que j'avais toujours voulu que ce dernier s'intéresse à moi. Quelque part, je niais ce que mes émotions tentaient de me faire comprendre. Et cela se confirma lorsqu'un beau jour Eziel tenta de m'inviter. Je me souviens encore de l'affolement que j'avais éprouvé dans ma tête, alors que je m'étais empressée de le rembarrer, trop effrayée par ce que cela pouvait signifier. Pourtant, cet événement ne l'avait visiblement pas stoppé dans son obstination puisqu'il était venu jusqu'à chez moi pour demander à mon père en personne s'il pouvait m'inviter. Le piège s'était en quelque sorte refermer sur moi et je n'avais eu d'autre choix que d'accepter. Peu de temps après, j'ai fini par céder au charme d'Eziel, laissant alors réellement paraître mes émotions. Actuellement, cela fait désormais quatre ans que notre relation dure et deux ans que nous habitons ensemble. Eziel souhaite désormais passer à un cap supérieur puisque par deux fois il m'a demandé en mariage.. Deux fois où j'ai catégoriquement refusé cette demande. Raison de mon refus ? Je n'ai pas besoin d'un morceau de papier pour aimer et vivre avec l'homme de ma vie. Mais malgré ça, j'ai la nette impression qu'il est bien déterminé à obtenir un oui..