~ À QUOI RESSEMBLAIT TA VIE AU LYCÉE?
La période lycéenne a été, pour Ruben, un passage difficile de sa vie. Son principal problème, bien qu'il ait été abonné aux ennuis durant ce temps, se résumait en trois mots : Crise d'identité. Les plans qu'il s'était dessiné, les chemins qu'il s'était tracés, la vie qu'il s'était imaginée ... Déchirés, piétinés, explosés, carbonisés. Les matières littéraires, qui allaient pourtant lui être utiles pour les études de journalisme qu'il avait prévues, ne le passionnaient plus autant. Les filles n'avaient pas autant d'atouts que les autres garçons semblaient leur accorder. Pas qu'il n'aimait pas celles ci. Bien au contraire, elles étaient ses seules amies. Garçon de nature maniéré et efféminé, il obtenait très souvent l'amitié de la gente féminine. Mais, aussi jolies et intéressantes soient-elles, il ne ressentit jamais un sentiment plus intense que l'amitié à leur égard. Ce qui était assez perturbant. Ce problème, qui le triturait depuis depuis l'équivalent de la cinquième, fût finalement résolu durant son année de freshman. Mais, résolu est un bien grand mot. Car, non seulement il prit pleinement conscience qu'il préférerait toujours les garçons aux filles, mais, de plus, celui qui l'avait inconsciemment aidé à arriver à cette conclusion n'était autre que son demi-frère. Un béguin - amour ? - qu'il ne pouvait absolument pas se permettre. C'est pourquoi il resta absolument silencieux sur toute cette histoire. Mis-à-part ce coup du destin assez sadique, Ruben avait de quoi s'estimer assez heureux. Entouré en permanence par un groupe de ravissantes demoiselles, bon élève. Mais, toujours, il se cherchait. Toujours, il sentait le regard dédaigneux des plus populaires sur sa personne, sans compter les rumeurs qui courraient en permanence à son sujet. Ce ne fût que durant son année de senior, qu'il réussit finalement à recoller tous les morceaux de sa vie. Mais, honnêtement, il ne se décrocha de ce boulet qu'il traînait depuis trop longtemps, seulement lorsqu'il trouva le courage de tout avouer à son père. En résumé ? Ca a été un gros bordel.  

   ~ ES-TU HEUREUX PRÉSENTEMENT?
Heureux ne serait pas le mot le plus approprié. Épanoui, oui. Depuis qu'il a révélé son homosexualité, et qu'il poursuit ses véritables rêves, il est beaucoup mieux dans sa peau. Et puis, il n'est pas malheureux. Absolument pas. Après tant d'années au placard, à jouer dans un costume trop serré pour lui, pouvoir enfin s'ouvrir au monde est un réel soulagement. Mais, tout de même, le mot " bonheur " ne serait pas celui qu'il plaquerait sur sa vie. La principale raison ? Son père. Même si Oliver Longchamp était loin d'être un père très tactile, il n'en restait pas moins la seule famille qui lui restait. Il l'avait élevé, et lui avait tout appris. Il avait travaillé dur pour son enfant. Il avait fait le travail de deux parents. Oui, il n'était pas l'homme le plus exemplaire. Il était légèrement égocentrique sur les bords. Un peu superficiel, parfois. Mais, avait-il jamais été un mauvais père ? Non. Néamoins Oliver était borné, aussi. Très fermé face aux idées nouvelles, comme l'homosexualité. C'est pourquoi il ne digéra pas si bien que ça l'annonce de l'attirance de Ruben envers les hommes. Le jeune garçon partit vers White Oak Station dès que l'université de la ville l'informa qu'il était accepté, et, à partir de là, n'eut plus aucun contact avec son père. Encore aujourd'hui, il prend soin de laisser à son père le devoir de faire le premier pas. Il aime penser que celui ci le recontactera quand il sera prêt. Néanmoins, l'absence de son géniteur fait toujours place à un grand vide dans la vie de Ruben, c'est-un-fait. Tout de même, il n'est pas un garçon qui se laisse dépasser par les événements de la vie. Et, même si la soustraction de son père à sa vie lui laisse toujours un amer goût dans la bouche, il prend sur lui, et profite de sa vie universitaire, qui, il l'a décidé, deviendra la période dorée de sa vie. Donc, même si sa vie n'est pas la plus parfaite qui soit, il ne voudrait pas la changer. Absolument pas. Parce qu'au fond, il sent bien qu'il s'approche de plus en plus de son idéal de vie.

   ~ OÙ TE VOIS-TU DANS DIX ANS?
Le futur est un sujet auquel Ruben pense souvent. Alors, c'est sans mal qu'il peut affirmer, qu'une décennie plus tard, il se voit facilement occupant un poste important dans une entreprise de mode. Un styliste renommé dans le monde entier, dont le nom serait inscrit au fil d'or sur des vêtements hors-de-prix et fabuleux. Ambitieux, impossible, dites-vous ? Oui, mais la vie n'est pas amusante si on se contente de rêves futiles. Depuis petit, il avait envie d'être acclamé et reconnu. D'être au sommet de la gloire. Mais son père, plus terre-à-terre que lui, lui répétait sans cesse que c'était une branche casse-gueule, et que s'y aventurer serait tout, sauf une bonne idée. Malgré ces braves recommandations, Ruben prit le risque de se finir comme un misérable styliste pour un magasin de prêt-à-porter. Mais, prévoyant, il a déjà tout programmé, avec une sélection des villes dans lesquelles il aurait le plus de chances de réussir, avec, comme top trois, Paris, New-York, et Rome. Mais, malgré ses apparences polar, Ruben est encore très loin de s'imaginer en train de vivre au rythme " métro, boulot, dodo ". Il a en effet une autre envie, qui doit être aussi importante à ses yeux que ses aspirations à la grandeur : L'amour. Oui, c'est tellement niais qu'on pourrait en vomir des papillons. Mais, malheureusement, Ruben est un vrai romantique, prêt à pleurer devant le premier film d'amour, navet ou pas. Et, honnêtement, il aimerait fonder une famille. Même si le fait d'être le même genre de parent que sa mère, pour laquelle il entretient une profonde animosité. Et, même si son avenir sentimental reste encore flou pour lui, il pense, malgré lui, toujours à la même personne lorsqu'il s'imagine en couple : Héraclès. C'est tellement stupide, qu'il s'en veut à lui-même d'avoir ce genre de pensées coupables. Il a toujours eu cette impression que le brun ne l'appréciait pas forcément, et, de plus, il ne lui a pas reparlé depuis la séparation de leurs parents. Alors, il tente autant qu'il peut de le pousser hors de sa tête, même si il n'y arrive pas forcément toujours. Dans tous les cas, il finira bien par trouver un garçon qui lui fera oublier son ex-demi-frère. Avec qui il se mariera, éventuellement. Et avec qui il aura des enfants, peut-être. Ca ne peut pas se passer autrement .. N'est-ce pas ?

PRÉNOM ET/OU PSEUDO: nastasia aka dear alone. ÂGE: seize ans. PAYS: l'île aux enfants. PRÉSENCE: sept sur sept, normalement. COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM? bazzart is my friend.  PERSONNAGE INVENTÉ OU SCÉNARIO? scénario. (  ) AUTRE CHOSE À AJOUTER? KEUR SUR VOS FESSES.  

origine, n.f. : provenance, milieu duquel quelqu'un, quelque chose, est issu. + « Tu sais ce que t'es, Oliver Longchamp ? Tu n'es qu'un connard ! Un grand connard ! » « Vraiment ? C'est moi le connard ? Tout ce que je sais, c'est que ce n'est pas moi qui suis allé dans le lit d'une autre femme ! » cria l'intéressé, les cheveux en bataille, et la veine sur son front semblant prête à exploser. « Qu'est-ce que j'en sais ? Vu le piètre mari que tu as été pendant toutes ces années, ça ne m'étonnerait pas qu'on m'annonce que tu as eu cinq enfants dans mon dos. » « C'est n'importe quoi, Camilla ! Tu délires complètement ! ».
C'était une soirée qu'on pouvait aisément qualifier de " normale " dans le quartier. Pour Oliver et Camilla Longchamp, une journée ne pouvait pas être banale si ils ne se battaient pas au moins trois fois durant celle ci. Les joies du mariage, oui. Toujours est-il que les voisins avaient finalement renoncé à porter plainte pour tapage nocturne, et que, même leur fils de cinq ans, Ruben Longchamp, avait fini par ne plus se poser de question.
Allongé dans son lit, les yeux rivés sur le plafond, il avait d'abord tenté d'ignorer les cris provenant du rez-de-chaussé. Mais sa curiosité d'enfant avait l'emporté sur sa bonne conscience, et il écoutait à présent attentivement les moindres paroles de la discussion qui se tenait juste en dessous de sa chambre. C'était moins calme que les autres soirs. Sans mère semblait plus au bord de larmes, et son père portait plus de rage dans sa voix. Jamais il ne l'avait entendu parler comme ça. Il aurait presque eu peur. Mais ça commençait à l'inquiéter. Certes, il n'aimait jamais quand ses parents se disputaient. Mais il avait grandi avec cela en bruit de fond. Il ne se rappelait pas, du haut de son jeune âge, les avoir connus alors qu'ils vivaient en parfaite harmonie. Avaient-ils jamais vécu en paix ? Après plus de cinq ans passés en leur compagnie, il pouvait sans mal dire qu'ils étaient tous deux de fortes personnalités. Ruben se demandait souvent comment étaient leur vies, lorsque les disputes quotidiennes n'étaient pas encore omniprésentes. Et, si il n'avait pas été aussi jeune, il se serait sûrement demandé de quelle manière ils en étaient arrivés à se marier. Mais il ne pensait jamais à leur poser ces questions. Car, comme tous les enfants, Ruben avait tendance à oublier assez vite les évènements passés. Aussi, durant la journée, il se souciait plus des jeux auxquels il jouait, des dessins-animés qu'il regardait, ou même des vêtements que sa mère lui achetait, que des soucis de couple de ses parents.
« Tu ne te demandes même pas pourquoi j'ai fais ça ? Peut-être que c'est parce que tu ne te préoccupes plus de moi ? Il était là, lui ! Il est attentionné. Il fait attention à moi ! Tu ne peux pas en faire autant ? » « Bien, si il te traite si bien que ça, pourquoi tu ne pars pas avec lui ? Je ne te retiens pas ici, Camilla ! » « C'est - ... C'est ce que je vais faire, Oliver ! Tu as poussé le bouchon trop loin ! Je me casse, je me tire ! ». Le reste ne fût qu'insulte jetées au hasard et quelques phrases un peu plus réfléchies. Il ne fallut que peu de temps avant que Ruben entende la porte d'entrée claquer et que le silence ne retombe sur la maison. Il tenta de ne pas trop s'en faire quant aux précédents évènements. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait. Sa mère reviendrait demain. Ses parents s'excuseraient tous deux, et tout irait bien, jusqu'à la prochaine grosse dispute. C'était un peu comme leur train-train quotidien.  
Mais Camilla ne revint pas le lendemain, ni le sur-lendemain. En réalité, elle ne revint que quinze jours après, un tas de papiers en main, dont Ruben ne comprenaient pas l'utilité. Après avoir mis ses vêtements dans une grosse valise, et discuté - quelque peu violemment - avec Oliver, elle prit le garçonnet à part, et lui expliqua qu'elle ne pouvait pas rester. Elle lui dit qu'elle devrait partir, mais qu'elle reviendrait aussi souvent que possible. Bien sûr, Ruben fût triste. Mais pas de la façon dont il aurait dut l'être. Il pleura, oui. Mais ce ne fût pas plus violent qu'à son premier jour d'école, où il avait été obligé de se séparer de ses parents pour la journée. A cinq ans à peine, il ne pouvait pas comprendre le plein sens du mot " partir ". Et, effectivement, même si il revu brièvement sa mère après cela, ce n'était plus comme avant. Elle vint à ses anniversaires, jusqu'à ce qu'il ait huit ans. A cet âge là, il se contenta d'un coup de fil. Puis, le téléphone devint son unique moyen de communication avec sa mère. Jusqu'à ce que les appels s'écartent de plus en plus, pour finalement devenir inexistants. Et même quand Ruben, vers dix, onze ans, fût assez mature pour comprendre la véritable raison du départ de sa mère, cela ne le dérangea pas plus que ça. Cette femme, avait-il décidé, ne faisait plus partie de sa vie. Il la connaissait à peine, après tout. Elle l'avait abandonné. Pourquoi devrait-il encore la considérer comme un membre de sa famille ?

passion, n.f. : émotion très forte qui va à l'encontre de la raison. + Il se tenait là, sur le seuil du salon. Son regard bleuté fixait la famille recomposée installée dans les fauteuils. Sa famille, paraissait-il. Son père, Oliver, et Sofie, sa belle-mère, étaient tous deux assis dans un canapé, alors qu'Héraclès, son demi-frère, était confortablement installé dans un fauteuil. Ruben aurait largement préféré se retrouver seul à seul avec son père. Pas qu'il n'aimait pas Sofie et Héraclès. Absolument pas. Sofia était une femme adorable, et, contrairement à Camilla, sa soit-disant mère, elle ne passait pas sa vie à se disputer avec son père, et à faire des pseudos-caprices. Quant à Héraclès ... Bien, peut-être qu'il l'aimait un peu trop. Et là était le problème. Car son demi-frère était un garçon. Il n'était pas censé aimer les garçons. Puis, comme dit plus haut, il était de la famille. C'était logiquement illégal d'aimer quelqu'un qui était dans ce genre de cercle familial, non ? Enfin, Héraclès ne semblait même pas l'apprécier, dans tous les cas. Ce n'était pas forcément quelque chose qui l'étonnait. Malgré sa popularité auprès des filles, il ne se rappelait pas avoir déjà eu un ami garçon, ceux ci se moquant souvent de sa voix aigüe, de son look recherché, ou de ses manières efféminées. Bien, il y avait un certain progrès avec Héraclès. En effet, ils ne s'étaient jamais disputés, le brun ne lui avait jamais lancé un regard de travers ou une remarque irrespectueuse, même, lorsqu'ils devaient se parler, leur ton était généralement poli. Mais Ruben avait l'impression qu'il cherchait constamment à l'éviter. Il ne croisait pratiquement jamais son regard. Quelque chose de spécial, en somme.
Enfin. Il s'avança, presque timidement, ce qui n'était pas réellement dans ses habitudes. « Papa ? ». Immédiatement, les regards d'Oliver, de Sofie, et même d'Héraclès se tournèrent vers lui d'un même mouvement. Ruben tenta de capter les yeux de ce dernier, mais, une énième fois, il n'eut pas le temps de percevoir son regard avant que celui ci ne tourne la tête vers la télé. De nouveau. Les deux adultes, eux, souriaient de façon polie. « Qu'est ce qu'il y a, Ruben ? ». Le jeune garçon déglutit péniblement. Il fallait qu'il le dise. Le plus tôt serait le mieux, non ? Dieu, il détestait Héraclès. Pourquoi après seulement quatre mois en sa compagnie, il devait bouleverser tout son monde ? Pourquoi il se sentait obligé de faire ça ? « Il faut que je te dise un truc. » répondit-il, se triturant les mains nerveusement. Il vit les sourcils de son père se froncer avec méfiance, et son sourire disparaître. « Bien. Je t'écoute. ». L'interpellé prit une inspiration, fermant les yeux quelques secondes, avant de commencer. « Hm ... Je crois que - ... Enfin, je pense que ... » bégayait-il, n'arrivant pas à aller plus loin. Il sentait son souffle se coincer dans sa gorge, et le courage qu'il avait durement rassemblé en lui s'envoler alors qu'il voyait les yeux d'Oliver se remplir de suspicion. Il fallait qu'il le sorte. Ce n'était que trois mots. Je suis gay. Ca n'allait pas le tuer. Il fallait qu'il y arrive. Il fallait qu'il le fasse. Vraiment.  « ... Que j'ai raté mon contrôle de physique. ». Il se gifla intérieurement, faible. Il était faible. Même si il voyait les muscles de son père se détendre, et son sourire revenir peu à peu, lui, ne se sentait pas mieux. Au contraire. « Ce n'est pas si grave, Ruben. Mais le fait que tu me l'annonces à l'avance ne changera rien au fait que si ta note est trop mauvaise ... » « Je suis privé de sorties, je sais. » ajouta-t-il, tentant un sourire. Mais ce n'était définitivement pas convaincant. Parce qu'il avait toujours ce secret en lui qui lui écrasait le coeur.

adieu, n.m. : fait de se séparer de quelqu'un ou de quelque chose. + Les yeux rivés devant lui, Ruben ne présentait aucune émotion. Aucun sentiment. Aucun regret. Son visage était on-ne-peut-plus neutre, même si, intérieurement, il se sentait complètement déchiré. Son père entra à son tour dans la voiture, après avoir chargé la dernière valise dans le coffre. A son tour, il resta un moment immobile, avant de se tourner vers son fils unique. « Tu es sûr que tu ne veux pas dire au revoir à Héraclès ? » demanda-t-il, même si il était évident que ce n'était qu'une question de politesse. Cela se voyait, et s'entendait que plus vite ils seraient partis, mieux ça serait. Ruben sembla tout de même hésiter quelques secondes. Un bref regard sur l'édifice où habitait son ex-famille lui suffit pour se sentir de nouveau mal. Triste. Déchiré. Mais il ne voulait pas retourner à l'intérieur. Il avait déjà eu du mal à dire au revoir à Sofie, pour qui il avait développé une certaine affection. Alors, il n'imaginait pas le malheur que ce serait pour Héraclès. Il s'imaginait très bien la scène. Le brun serait, comme toujours, distant et mal-à-l'aise en sa présence, et lui ne pourrait s'empêcher d'être trop émotif et de commencer à chialer comme une fille. Il soupira, et secoua la tête négativement. « C'est bon. On peut y aller. ». Son père opina, et la voiture démarra, commençant ainsi son trajet jusqu'à Toronto. Cette grande ville bondée et polluée. Ruben n'avait pas envie de partir de White Oak Station. Il aimait cette ville. Il aimait tout ici, malgré ses problèmes d'adolescents qui lui pourrissaient légèrement la vie. Et, la simple pensée qu'il ne reverrait plus jamais Héraclès lui déchirait le coeur. Déjà, les regrets affluaient. Des regrets, de la colère, de la tristesse. Tous les pires sentiments réunis en un corps si frêle, si fragile, si peu apte à supporter tant de négativité. Il serré les dents, et laissa sa tête reposer contre la vitre. Les paysages utopiques du Canada défilaient devant ses yeux, mais étrangement, ils semblaient avoir perdu de leur splendeur. « Pourquoi est-ce qu'on est toujours obligé de quitter les gens qu'on aime ? » demanda-t-il, sans retenir sa question. Un silence suivi son interrogation, seulement interrompu par le bruit sonore du moteur. Puis, la voix de son père s'éleva enfin dans l'espace confiné de la voiture. « L'amour, l'affection, l'attachement. Toutes ces choses ne sont pas si simples, Ruben. Tu comprendras quand tu seras plus vieux. Ou quand tu auras une petite-amie. ». Pour toute réponse, Ruben se contenta de soupirer, fermant les yeux. Il était tombé amoureux de son ex-demi-frère, qui ne l'appréciait même pas, et qu'il ne reverrait sans aucun doute jamais. Il pensait avoir une petite idée d'à quel point l'amour pouvait être sans pitié.

secret, n.m. : ce qui doit être caché, qui ne doit pas être divulgué. +  « Je suis homosexuel, papa. » expira-t-il, en un souffle. Ca y était. Il l'avait dit. Ce secret qui le rongeait depuis ses quatorze ans était enfin sorti. Pourtant, il ne se sentait toujours pas soulagé. Car le silence qui avait suivi sa déclaration n'avait rien de rassurant. Son père, assis dans le fauteuil en face de lui, posait un regard froid et déçu sur lui. « Je m'en doutais. Je m'en doutais depuis que tu es rentré au collège. » commença-t-il. Ruben n'eut pas le temps d'être soulagé qu'il ajouta : « Mais j'espérais de tout coeur me tromper. ». Ces simples mots suffirent à briser tout espoir en lui. Alors, ils allaient s'engager sur ce chemin ? Celui du père et du fils qui s'éloignent à cause d'une différence chez l'enfant, de quelque chose que leur père n'acceptait pas ? Il ne voulait pas perdre son père. Il ne pouvait pas. Il fallait qu'il se batte. « Je ne l'ai pas choisi, papa. Je m'en suis rendu compte, un jour. C'est en moi. Comme le fait que je sois pâle de peau, que j'ai les yeux bleus ou les cheveux châtains. Comme le fait que je sois grand et mince. Comme le fait que je déteste la viande de mouton ou les kiwis. C'est qui je suis. » argumenta Ruben, retenant presque sa respiration. De nouveau, son père ne répondit pas tout de suite, se frottant les yeux en soupirant. Il avait l'air fatigué. Comme si tout ce travail qu'il avait effectué pendant dix-huit ans n'avait finalement servi à rien. Et ça blessait le châtain. Ca le blessait réellement. « Ruben ... Ce - ... Ce n'est pas quelque chose de normal. C'est contre-nature. Il existe des traitements contre ça. » « Donc tu penses que je suis fou, c'est ça ? » répondit-il, sa voix se brisant légèrement. « Tu penses que tout ce que je mérite, c'est d'aller à l'asile ? » «Ce n'est pas ce que j'ai dit, Ruben ... » « C'est ce que tu penses ! » explosa-t-il finalement, se levant brusquement, et jetant un regard accusateur et humide vers son géniteur. Il pensait que ce serait son père qui fulminerait de la sorte, mais non. Celui ci était toujours dans son foutu canapé, en train de le regarder d'un air mi-désespéré, mi-désolé. Ruben ferma les yeux, inspirant profondément, avant de tourner les talons, et de se diriger vers les escaliers. « Ca n'a pas d'importance. Dans trois mois, je serai diplômé. Et je partirai faire mes études de stylisme.  » expliqua-t-il, s'arrêtant pour entendre le hoquet de surprise de son père. « Qu'est ce que ça veut dire, Ruben ? Je croyais que tu allais à Ryerson University pour devenir un journaliste ? » « Je ne veux pas être journaliste. Je veux être un styliste, c'est ça, mon vrai rêve ... Je n'ai même pas envoyé ma candidature à Ryerson. J'ai envoyé une seule candidature. A l'université de White Oak Station. Ils proposent un programme comme celui que je veux, là bas. J'attendais ma réponse pour te l'annoncer. J'ai reçu ma lettre aujourd'hui, et je suis accepté. » rétorqua-t-il, le dos toujours tourné à son père. Puis, après un silence lourd et pesant, il termina enfin. « Après, si tu ne veux pas supporter mes rêves, ou qui je suis, je peux te comprendre. Mais c'est ce que je veux faire, et ... Je pense que je dois arrêter de dire " Je voudrais " et de commencer à dire " Je vais ". » termina-t-il, avant de monter rapidement les escaliers et de s'enfermer dans sa chambre. Contrairement à ce qu'il avait prévu, un large sourire apparut sur son visage. Son secret s'était enfin envolé, et il avait l'impression d'être totalement libre à présent. Il allait pouvoir se trouver un petit-ami, peut-être oublier enfin Héraclès. Il allait pouvoir réaliser ses rêves. Que demander de plus ?

idéal, n.m. : ce que nous souhaitons atteindre, et qui nous donnerait entièrement satisfaction. modèle de perfection. + Il avait envie de hurler. C'était impossible de travailler dans ces conditions. Les murs de la résidence universitaire dans laquelle il logeait étaient définitivement trop fins, et la musique d'un autre étudiant ( du van halen apparemment ), faisait presque trembler son verre d'eau. Cela faisait à présent plus d'une heure qu'il était sur ce foutu devoir d'histoire de la mode, mais impossible de sortir une quelconque ligne sur La Mode Au XVIIème siècle. Il soupira, et jeta son stylo à travers la pièce. Un coup d'oeil à l'horloge au dessus du mur l'informa qu'il devrait partir travailler au Starbucks dans une heure. Ruben se leva, et alla s'asseoir sur son lit, jetant un rapide coup d'oeil à la fenêtre. L'hiver était presque arrivé, ici, et il n'y avait rien de plus beau que le Canada hivernal. Les fêtes approchaient aussi, et il adorait cette ambiance qui s'installait peu à peu dans la ville. Un sourire apparut sur ses lèvres. Il était fier de lui. Fier de s'être affirmé. Fier de pouvoir aujourd'hui vivre comme il l'a toujours voulu, fier d'être à deux doigts de réaliser ses rêves. Il aimait cette vie. Bien que son syndrome d'achat compulsif pour les vêtements lui donne quelques difficultés à se nourrir ensuite, il ne voudrait changer de vie pour rien au monde. Il avait tellement changé. Il était devenu .. Lui-même, en réalité. Pour ce qui était de son père, il gardait espoir. Il savait qu'Oliver n'était pas comme sa mère. Il savait qu'un jour ou l'autre, il reprendrait contact avec lui, et qu'ils se retrouveraient. Il lui fallait juste du temps pour accepter l'homosexualité de Ruben. Mais le châtain était sûr que tout irait en s'arrangeant. Parce que c'était un nouveau monde. Un nouveau départ. Une nouvelle vie, qu'il avait entièrement bâtit lui-même.